Interpeller les consciences
Ce chapelet de 16 mètres est constitué de boules de filet marin, assemblées par un cordage de pêcheurs et d'une grande croix en bois qui rappelle les épaves de bateau. Par un document signé par l’artiste, l’évêque et le curé local, ce chapelet est désormais propriété du diocèse, avec la paroisse Saint-Lucien comme "résidence principale". L’évêque a remis à l’artiste le "lourd" livre sur la basilique de Saint-Denis, une splendeur de cathédrale !
L’artiste, Courneuvien et élu municipal chargé particulièrement de la culture de la paix, en a expliqué la genèse - son émotion cet été devant une fête religieuse sur un bateau à l'intention des marins morts en mer, quelques jours après l'assassinat du père Hamel. La mer, la mort dans une église, le terrorisme et ceux qui le fuient, les réfugiés donc. Tout cela mêlé, pour un chapelet qui veut interpeller les consciences, à partir de ce qu'il sait faire, à savoir une œuvre artistique. Il trouve aussi que l’Eglise est plutôt qualifiée pour cela.
L’évêque, en lui répondant, ne l’a pas contredit ! L’Eglise et les artistes pour dire ou laisser voir quelque chose de l’invisible. Quant à son engagement en faveur des réfugiés, il a fait mention de la dernière initiative de l’Eglise en leur faveur, puisqu’il a conduit, jusqu'à la Présidence de la République, le projet d'un couloir humanitaire en leur faveur.
Après les signatures, ce fut le temps de l’attention portée aux réfugies eux-mêmes, par un témoignage saisissant sur la traversée en bateau de la Turquie jusqu'aux îles Lesbos, une prière pour les réfugiés, et puisque l’on venait d’annoncer que 300 d’entre eux avaient péri en mer la veille, jeudi, on a allumé trois bougies et prié - pour le moins nous nous sommes recueillis en écoutant la finale du Requiem de Fauré. Puis les trois bougies ont été déposées au pied de la Vierge derrière laquelle est désormais accroché le "Chapelet des réfugiés" ; ce temps s’acheva par la prière avec les mots de ce chapelet. Un temps convivial, le verre de l’amitié, nous a gardé encore près d'une demi-heure.
Nous étions entre quatre-vingt et cent, amis de l’artiste et paroissiens, venant d’horizons différents pour cette "réception", pour ce moment fort devant une œuvre originale et l’évocation du drame des réfugiés dont nous ne savons habituellement que faire ; pour une fois, une première fois souvent, nous pouvions en faire quelque chose. Ne pas fuir, évoquer la grande tristesse de notre monde par la beauté et la prière, pouvait-on mieux espérer ? Avec le sentiment que ce chapelet nous tiendra toujours en éveil. Et priant si telle est notre foi. Ce fut comme un baptême, comme l’on "baptise" les bateaux.
Bleu comme le ciel
Comme la terre que l’on dit "planète bleue"
Bleu profond des océans et des mers
Boules de chalut assemblées par des cordages marins
Brindilles de bois au fil de l’eau
Ramassées en signe de croix et de toutes les prières récitées
Dans les frêles embarcations sommaires des passeurs
Pour une vie meilleure au-delà des dangers immédiats
Enfants, femmes, hommes,
Des pays en guerre et des régions de la faim,
Réfugiés avalés par la mer, pour rien ?
Au-delà de l'émotion,
La décision de continuer chacun son chemin
Avec un plus grand souci de l’autre
Parce qu’ils sont des humains et que nous le sommes.
Gérard Marle,
Fils de la Charité, prêtre à la Courneuve
Le Chapelet des réfugiés sera présent durant la Nuit des cathédrales (13 mai 2017)