Chrétiens d'Orient : témoins de la foi (N°22 / Avril - Mai 2015) — Diocèse de Saint-Denis-en-France

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Chrétiens d'Orient : témoins de la foi (N°22 / Avril - Mai 2015)

Les Églises d’Orient vivent aujourd’hui des tragédies et subissent des persécutions qui ne sont pas nouvelles. L’émigration forcée de ces chrétiens, est un drame qui engage l’Occident et chacun de nous. Ce déplacement explique en partie la présence de ces Églises dans notre département. Nous sommes voisins, mieux, nous sommes frères, et appelés à le devenir davantage.

Paroisse syriaque orthodoxe d'Antioche Sainte-Marie-Mère-de-Dieu, Montfermeil

« Une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, au-dessus de tous, par tous, et en tous. » (Ephésiens 4, 5-6)

 

 

Frères dans le Christ

N'ayez pas peur !

Les enfants doivent savoir qu'ils sont chrétiens

Nous sommes profondément amis...

Le frère nous manque beaucoup

Dieu, toujours devant mes yeux

Dieu est amour

Ma foi est indestructible

« Aimez-vous les uns les autres », nous voulons le vivre ensemble

Rencontres et entraide fraternelles

Tout tourne autour de la foi

Prier avec nos frères d'Orient

 

Repères

Frères dans le Christ

Sœur Anne-Marie Petitjean, responsable diocésaine de la formation œcuménique

Plusieurs Églises sœurs d’Orient sont présentes dans notre diocèse : Orthodoxes antiochiens du Blanc Mesnil, Coptes de Drancy et Saint-Ouen, Syriaques orthodoxes de Coubron et Montfermeil, Chaldéens de Clichy-sous-Bois et Bondy.

Le livre des Actes des apôtres raconte une histoire missionnaire manifestant combien l’Esprit de Pentecôte guide les premiers évangélisateurs. Pierre, puis Paul, en sont les héros. Par eux l’Évangile va dépasser les frontières de la Palestine pour s’infiltrer jusqu’au cœur de l’empire romain. Mais l’histoire de la mission apostolique et du christianisme primitif ne s’est pas limitée à l’axe Jérusalem – Antioche – Rome ni à l’œuvre de ces deux apôtres ! D’autres envoyés sont notamment partis vers l’Égypte, vers les rives de l’Euphrate et au-delà, ou encore, en direction du Royaume d’Arménie.

Car l’Évangile a vocation universelle : il ne pouvait qu’être annoncé à tous les peuples. En sont nés des usages divers quant à la vie ecclésiale, la manière de célébrer les sacrements en diverses langues ; l’annonce de la foi elle-même prit des accents différents. Ainsi, dès leur origine, les Églises ont pris « couleur locale » ; elles n’ont pas exprimé le mystère chrétien de manière uniforme. La diversité, loin d’empêcher la communion, a pu et peut encore la permettre. C’est une telle tradition que le Concile Vatican II a rappelée afin que « la diversité légitime ne s’oppose pas du tout à l’unité de l’Église » Au contraire, « elle en accroît même le prestige et contribue largement à l’achèvement de sa mission » (Jean-Paul II).

L’unité, dans la diversité

Pourtant, il arriva un temps où les diversités eurent du mal à se comprendre. Au Ve s. les langages confessant le mystère du Christ, homme et Dieu, générèrent des conflits qui menèrent à des exclusions. Les Conciles d’Éphèse ou de Chalcédoine ne réussirent pas à permettre le dialogue : les Églises syriaques, à l’Est et à l’Ouest de l’Euphrate, l’Église d’Arménie, l’Église copte (et, par suite, l’Église d’Éthiopie) se trouvèrent coupées de la communion avec celles de Rome et de Constantinople.

Entre le XIe et le XIIIe s., ces deux grandes Églises sont progressivement happées dans une spirale d’exclusion et de mépris. Il y eut et il a d’un côté l’Église catholique et, de l’autre, les Églises orthodoxes (de rite byzantin).

Par la suite, l’Église catholique romaine chercha à rétablir la communion entre l’Orient et l’Occident. Mais la méthode alors adoptée a eu pour résultat de scinder en deux parties chacune des Églises d’Orient, à l’exception des Maronites. C’est ainsi qu’il y a, encore aujourd’hui, des Assyriens et des Chaldéens, des Syriaques, des Coptes ou des Grecs soit « orthodoxes » soit catholiques. Les uns et les autres viennent de la même souche et ont les mêmes traditions.

Aujourd’hui, nous sommes revenus sur bien des incompréhensions et avons découvert, par exemple, que nous pouvions confesser ensemble, avec des termes différents, notre foi commune en Jésus, le Christ. En ce domaine, les divergences séparatrices sont devenues à nouveau des différences légitimes. Certes, des blessures ont encore besoin d’être guéries, des langues et fonctionnements ecclésiaux ont encore à se comprendre. Il nous faut plus que jamais grandir en estime réciproque, en reconnaissant, par exemple, que, si les Églises sont « sœurs » de la nôtre, celle d’Antioche en est la « grande sœur ». L’Asie mineure, qu’elle a évangélisée, nous a notamment donné un saint Irénée de Lyon (venant d’Izmir dans la Turquie actuelle) qui a permis l’entrée de l’Évangile en Gaule.

 

N’ayez pas peur ! 

Père Yakup Aydin, curé des paroisses de l’Église syriaque orthodoxe d’Antioche en France, Montfermeil

La communauté est installée à Montfermeil, Clichy-sous-Bois et dans la région de Livry-Gargan. Dans les années 80, malheureusement, à cause de persécutions et de difficultés qui ont eu lieu dans la région sud-est de la Turquie, la communauté a été obligée d’émigrer. La plupart est venue en France, est allée en Suède ou en Allemagne, en Hollande et ailleurs. Mais quelques courageux, sont venus en France et se sont installés ici dans cette région. Et comme la communauté a commencé à grandir, il fallait que nous construisions quelque chose pour nous-mêmes. Dieu a voulu que je sois ordonné prêtre en 1986 dans une église catholique à Clichy-sous-Bois. Notre communauté s’est installée en France en 1946, lorsque la France a terminé sa mission en Syrie. Il y avait des soldats syriaques orthodoxes dans l’armée française qui a dit que ceux qui voulait venir en France avec leur famille pouvait le faire. Une cinquantaine de familles syriaques orthodoxes ont ainsi suivi. Elles sont d’abord allées à Madagascar où l’armée française était en mission, puis elles se sont installées en France, la plupart à Marseille. Lorsque Dieu a voulu que je sois ordonné prêtre, j’ai commencé à faire des recherches sur les communautés syriaques orthodoxes en France et j’ai découvert que la plupart de ces communautés, malheureusement, ont perdu leur culture, leur foi chrétienne, leur langue araméenne qui est précieuse pour nous parce qu’elle est sanctifiée par notre Seigneur Jésus-Christ qui l’a parlée avec sa sainte Mère et ses apôtres. C’est là que j’ai eu l’idée de créer un sanctuaire pour nous, les syriaques orthodoxes, où se trouve la grande majorité des fidèles. C’est ainsi que nous avons pensé construire cette église ici, parce que la plupart de la communauté s’est installée dans cette région. Même si la communauté était réduite, modeste, réfugiée. Mais nous avions une grande foi en notre Seigneur Jésus-Christ qui nous donnerait le moral parce qu’avec la foi, nous pouvons déplacer des montagnes.

Une église accueillante

Pour moi, avoir la foi, c’est avoir le pouvoir de faire quelque chose. Et j’ai commencé moi-même à faire les fondations, les semelles, les murs. Et avec l’aide de nos frères qui sont en Allemagne, en Suède et ailleurs, nous avons réussi à construire cette église (ndlr: Sainte-Marie-Mère-de-Dieu à Montfermeil). Grâce à Dieu, c’est terminé. Nous avons consacré cette église en juillet 2004. Et petit à petit, elle s’est remplie de fidèles qui viennent de Paris et de la région parisienne, chaque dimanche. Un dimanche ordinaire, il y a entre 150 et 200 personnes dans cette église. Les enfants viennent vivre leur foi aussi. Ils apprennent l’Évangile, le catéchisme. Nous sommes très heureux de réussir à faire ça. En ce qui concerne nos relations avec nos Eglises sœurs, catholique et protestantes, nos contacts sont très fréquents. Nous organisons des prières en commun avec les catholiques et les protestants, surtout pour la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Quand c’est notre tour, l’église est vraiment pleine. Les catholiques et les protestants veulent venir voir, découvrir notre foi chrétienne d’Orient.

Dans cette église, il y a des nationalités turque, syrienne, et malheureusement, à cause des problèmes en Syrie et en Irak, nous avons aussi des irakiens qui viennent assister à la liturgie. Nous avons une vague de nouveaux arrivants, mais nous sommes impuissants pour les accueillir car nous n’avons pas de logements à leur offrir. Et malheureusement, chacun se débrouille en province, dans les villages, avec l’aide de l’Œuvre d’Orient et des autres associations. Mais ici, il y a quelques familles, rares, pour lesquelles nous avons réussi à trouver des logements. Notre grande difficulté est de trouver des logements pour les nouveaux arrivants irakiens ou syriens.

Entre ici et là-bas

J’ai vécu les dernières vagues d’attaques contre les chrétiens en Orient  avec douleur, avec des larmes dans les yeux. Ces persécutions, ces massacres ne sont pas récents pour nous. Tout au long de notre histoire, nous avons vécu des massacres et des génocides, surtout le génocide de 1915 en Turquie de la part des Ottomans. C’est pour cela que ces massacres ne sont pas étrangers pour nous, surtout les 21 massacres de nos frères coptes. Là, j’ai les noms des martyrs. Je dois les prononcer et prier pour eux. Et nous demandons leur prière parce que ce sont de vrais martyrs.

Bien sûr, il y a un peu de différences entre vivre la foi chrétienne ici et là-bas. Là-bas, nous vivions parmi les musulmans. Mais les musulmans croient aussi en Dieu. Ici, souvent, j’explique aux enfants que nous, les croyants, croyons en Dieu et les musulmans aussi. Mais ici, on rencontre dans les lycées, dans les collèges, des gens qui ne croient pas en Dieu. C’est pour cela que nous mettons en garde nos enfants pour dire : « Attention, vous allez rencontrer des gens comme vous, des enfants gentils, mais qui ne croient pas en Dieu. Ils sont athées, ils ne croient pas. »

Mais ceux qui croient ici, croient vraiment profondément. Chacun sait ce en quoi il croit. Chez nous, on n’avait pas les moyens d’étudier, parce que nous vivions dans une région où il n’y a pas beaucoup d’écoles. Au temps de nos parents, c’était pareil, personne ne savait lire ni écrire et ils suivaient le prêtre. Nous, les chrétiens, n’avions pas le droit de fonder des écoles, ni d’enseigner. Et aussi, cette région de la Turquie est kurde. Il y a des conflits entre les Turcs et les Kurdes. Ce qui fait qu’il n’y avait pas d’école dans cette région. Ici, ce n’est pas pareil. Tous les enfants vont à l’école, à l’université. Ils ont les moyens d’étudier religieusement et culturellement, les Évangiles, l’histoire des saints, les croyances, etc. les enfants, les jeunes prennent des livres et on leur explique. Voilà la foi entre ici et là-bas.

La culture comme la sculpture sur la pierre

Dans les endroits où il n’y a pas d’église, d’association, de prêtre, c’est difficile. Les membres de notre communauté ont perdu beaucoup de culture, de traditions lorsqu’ils sont arrivés dans les années 40. Les enfants ont grandi dans la rue, avec les enfants de la rue. Ici, leurs parents viennent à l’église et les amènent avec eux. Aujourd’hui, avec les nouvelles technologies - Internet, télévision - on peut trouver ce qu’on veut sur la machine. Donc s’ils cherchent leurs racines, leur foi, leur tradition, leur langue, ils peuvent trouver. Dans le temps, dans les années 50, il n’y avait pas cette possibilité et c’est pour cela que beaucoup ont perdu et après avoir grandi comme ça, on ne peut pas le redresser. Un arbre qui a grandi tordu, on ne peut pas le redresser. Il va se casser. On dit que ce que nous apprenons quand nous sommes petits, c’est comme la sculpture sur la pierre, ça ne s’efface jamais. Nous essayons de faire beaucoup pour garder notre foi araméenne, notre culture syriaque, mais on ne sait pas comment va la vie. On est aussi installés dans un quartier difficile. Certains posent des questions : « Quel sera notre avenir dans la région Seine-Saint-Denis, Montfermeil ? » Nous nous réunissons avec des prêtres catholiques et des pasteurs protestants. On parle pour l’avenir de nos Églises. En Turquie, nous étions une minorité. Nous croyions que nous allions en Europe, le pays qui produit du lait et du miel. Mais malheureusement, nous nous sentons une minorité ici aussi à Montfermeil, à Clichy-sous-Bois. Il faut que nous nous resserrions, nous, les catholiques, les protestants. Il faut que nous nous unissions pour préparer l’avenir de nos enfants.

L’Évangile pour essentiel

L’essentiel est de lire l’Évangile et de suivre le chemin que Jésus nous a tracé, l’essentiel.
Jésus a dit : « Allez annoncer l’Évangile au monde entier. Celui qui vous écoutera sera sauvé. Si on ne vous écoute pas, quittez cette ville pour aller vers une autre ville. » On n’oblige personne à devenir chrétien. C’est la liberté, la liberté de la religion, la laïcité en France. Donc, nous parlons, nous disons. Celui qui le voudra, suivra. Celui qui ne suivra pas est libre. On essaie de faire notre devoir. Je pense que si nous, le clergé, catholique, orthodoxe ou protestant, faisons notre devoir d’annoncer l’Évangile, cela portera du fruit. Ca, c’est sûr et certain. Mais, je ne sais pas pourquoi, aujourd’hui, nos enfants n’osent pas dire : « Nous sommes chrétiens. » Ca, c’est grave. C’est grave. Nous donnons des martyrs et ici, dans la liberté, on n’ose pas dire : « Nous sommes chrétiens. » Dans certains pays, on n’avait pas le droit. On avait peur. Mais malgré ça, nous vivions notre foi. Mais ici, il n’y a pas de risque, et je ne sais pas pourquoi c’est comme cela. Le pape Jean Paul II a dit : « N’ayez pas peur. » J’ai dit aux prêtres catholiques : « Il faut encourager les enfants, les jeunes. Dire : "Nous sommes chrétiens !" »

Je suis prêtre depuis 29-30 ans. Bien sûr, on rencontre des bons chrétiens, des vrais chrétiens. On en rencontre aussi, un peu moins croyants. On rencontre aussi des non croyants. Cela, ça nous arrive souvent. Mais j’explique toujours que saint Paul a écrit à son disciple Timothée en disant : « Dans les derniers temps, tu rencontreras des gens qui n’obéissent pas, qui ne respectent pas, qui sont dans le mauvais chemin. Mais ce que tu as appris, toi, suis-le. Suis le chemin de l’Évangile, ce que tu as appris. »
Donc j’explique toujours : « Vous allez rencontrer des gens qui vont insulter, dire du mal. Mais vous, il ne faut pas dire : "Eux ils sont comme ça, nous pourquoi pas ?" » Chacun sa responsabilité.

Le catéchisme et l’Araméen pour transmettre la foi

Durant la 1ère heure de catéchisme, on fait l’apprentissage de la langue syriaque ou langue araméenne, c’est la même chose. On fait des lectures et on apprend la grammaire. Et la 2e heure, on fait l’évangélisation. Certains jours fériés, on prépare des chants liturgiques du jour ou du dimanche, de Pâques, des Rameaux ou du Carême. Et puis on lit l’Évangile du jour et on fait un peu de commentaire avec les enfants. On apprend aussi des prières. Et après les leçons de catéchisme, on prie toujours le soir, à 18 h.

Quand on connait l’Araméen, on peut lire la religion. On peut étudier la religion dans les livres des pères de l’Église. Les pères syriaques sont très connus dans le monde de la théologie. Beaucoup de professeurs disent qu’on ne peut pas faire de théologie sans passer par les pères syriaques. Il y a saint Éphrem le syrien, très connu, mort en 373 : déclaré docteur de l’Église universelle. Il y a aussi saint Jacques de Saroug au 6e siècle, saint Grégoire de Nazianze et Bar Salibi (au 12e siècle). Ce sont des pères qui ont laissé des trésors de théologie pour le monde entier. Leurs livres sont traduits dans toutes les langues. C’est pour cela que nous préférons que nos enfants apprennent le Syriaque pour pouvoir accéder à ces livres et à la messe bien sûr.

Les enfants participent à la messe, ils chantent aussi, ils prient avec les prières du jour ordinaire. Ce n’est pas seulement la messe, ils participent aussi aux Vêpres, à la prière de midi, surtout pendant le Carême. C’est important. Pendant le Carême, ce sont toujours des prières de pénitence, des prières de saint Éphrem, de saint Jacques. Toutes les prières et les psaumes sont toujours dits en Syriaque. Parce que les membres de notre communauté arrivent en général du sud-est de la Turquie, de l’Irak et de la Syrie. Et ils ne parlent pas le Français. lls parlent un petit peu. Mais les mots de théologie, on ne peut pas leur dire en Français. Ils ne comprendront rien. Nous sommes obligés de prier en Syriaque, en Araméen. Le Syriaque littéraire est aussi un peu compliqué pour eux. Nous sommes obligés de traduire dans leur langue parce que malheureusement, nous avons perdu à peu près 50 % de notre langue littéraire dans nos paroles à cause de l’occupation des autres populations, des Perses, des Romains, des Byzantins, des Kurdes, des Turcs. Quand on parle, il y a un peu de mélange des autres langues. On mélange le Turc, le Kurde, le Perse, le Grec. Et maintenant, on mélange le Français dans notre langue parlée à la maison, dans la langue maternelle. Mais la langue littéraire, le Syriaque est intacte. Elle n’a pas bougé dans la grammaire. Donc c’est pour cela qu’il faut l’étudier pour comprendre.

On essaie de faire le catéchisme en Français, surtout pour les jeunes. On lit les lectures en Français. On traduit en Français, on fait le commentaire en Français et en Syriaque. Nous sommes obligés de le faire dans les deux langues parce que les enfants et les jeunes ne comprennent pas tout à fait le Syriaque. Tout à l’heure, nous allons lire l’Évangile en deux langues : Français et Syriaque pour transmettre la foi dans le cœur des enfants.

Il est écrit dans l’Évangile : « Allez annoncer l’Évangile. Celui qui croit et sera baptisé, sera sauvé. » La foi chrétienne est transmise librement. On ne peut pas forcer les gens à croire. L’enfant écoutera. Après, c’est à lui de faire selon sa conscience.

Communautés orthodoxe et catholique : des liens fraternels

Nous nous rencontrons souvent pour prier ensemble et pour partager un repas en évoquant l’avenir de nos communautés chrétiennes. Avec les prêtres du diocèse de Saint-Denis, de Gagny, de Montfermeil, du Raincy et de Clichy-sous-Bois nous nous réunissons souvent pour différentes choses. Soit pour un partage de foi, soit pour une prière, soit pour préparer un avenir de la communauté chrétienne, orthodoxe ou catholique.

Récemment, il y a eu une semaine de prière pour l’unité des chrétiens, nous nous sommes réunis à Notre-Dame du Raincy, il y avait le père Frédéric du Raincy, le père Michel de Saint-Germain de Gagny, moi et aussi le pasteur du temple protestant du Raincy pour préparer quelque chose. Il y avait des idées disant, par exemple, que nous allions prier dans chaque église ou faire des réunions pour parler de la foi chrétienne. Il y avait une dame (ndlr : Agnès Winter), qui avait organisé « Famille, je vous aime », qui a proposé d’interroger les gens : « Qu’est-ce que la joie pour vous ? » Elle voulait que les gens sourient. Chacun a donné son avis. Peut-être qu’on fera un programme pour prier dans chaque église. Soit nous allons à Gagny, soit eux, ils viennent ici.

Notre Église est une Église apostolique. C’est l’Église Syriaque Orthodoxe d’Antioche. Elle a été fondée par saint Pierre et saint Paul en 37, avant de partir à Rome. Cette église a survécu jusqu’à nos jours, malgré des persécutions diverses, même venant de chrétiens. On a souffert énormément. Une communauté sans frontière et sans protection qui a survécu depuis 2000 ans est un miracle de Dieu. Nous vivons notre foi chrétienne. D’ailleurs, nous n’avons pas de différences avec les catholiques. Avec notre Église sœur catholique, nous avons signé un accord d’intercommunion. C’est-à-dire qu’en 1984, le bienheureux pape Jean-Paul II et notre bienheureux patriarche, décédé aussi, ont signé un accord d’intercommunion qui nous sert ainsi, lorsque nous allons en Europe, ou ailleurs : nous pouvons recevoir les saints sacrements de l’Église. Et c’est pareil pour les catholiques chez nous, dans nos régions où il n’y a pas de prêtre catholique, ils peuvent venir chez nous et recevoir les sacrements de l’Église. Donc, nous vivons fraternellement avec les catholiques de France. Nous voulons vivre fraternellement, prier ensemble, vivre l’Évangile.

Comme je l’ai déjà dit, nous ne devons pas avoir peur de dire : « Nous sommes chrétiens. » Et aussi, je voudrais que le clergé fasse son devoir d’annoncer l’Évangile où que ce soit. Ne pas avoir peur. Et rester en communion avec les autres Églises. Nous souhaitons vraiment la communion totale avec l’Église sœur catholique, orthodoxe ou autres.

 

Les enfants doivent savoir qu’ils sont chrétiens

Linda Issa, catéchiste de la paroisse Sainte-Marie-Mère-de-Dieu, Église syriaque orthodoxe d’Antioche, Montfermeil

C’est très important pour nous que les enfants apprennent l’Araméen parce que c’est notre langue, notre culture. Les enfants doivent savoir d’où on vient. On est dans un pays où il y a différentes religions. Quand j’étais en Syrie, il y avait seulement des chrétiens, des musulmans et des juifs. Ici, il y a plein de religions. On veut que les enfants sachent qu’ils sont chrétiens, araméens, qu’ils restent sur le chemin du Christ. Ca c’est très important pour moi.
J’encadre entre 10 et 15 enfants, entre 6 et 11 ans. Chaque séance se compose de l’alphabet araméen qu’on lit et qu’on répète, ensuite on fait des exercices dans le livre, puis la dictée et on parle durant la 1ère heure. Après sur la 2e heure, on fait le catéchisme.

J’ai commencé cette année parce que j’aime beaucoup transmettre aux enfants. Je me suis portée volontaire, bénévole pour faire le catéchisme parce que abouna, le curé (ndlr : le père Yakup Aydin) me l’a demandé. Au début, on a essayé avec les plus grands garçons dont mon fils Lucas, mais les enfants n’écoutaient pas trop.

Proches de nos enfants

On doit parler avec nos enfants. C’est très important que la mère reste un peu avec ses enfants. Par exemple, j’ai choisi la pauvreté, mais je garde mes enfants à la maison, jusqu’à ce qu’ils grandissent. Ensuite, je chercherai du travail. J’attends pour le petit. Je connais beaucoup de gens chez nous, pris par le travail, dont les enfants sont partis et on laissé Dieu. Il y a beaucoup de jeunes qui quittent tout : la foi et la famille. Nous, on garde nos enfants jusqu’à ce qu’ils se marient. Ils restent avec nous.

Pour encourager un enfant à garder la foi, on parle avec lui. On prie avec lui. On dit, on répète des choses : ne pas faire du mal quand il sort, le respect surtout. Il doit respecter l’État, les gens. Ne faire de mal à personne. Les enfants arrivent à comprendre ça.

Je ne peux pas vivre sans Dieu

Je suis en France depuis 21 ans et depuis 2000 à Montfermeil pour rapprocher la famille de l’Église. Avant, on était à Mantes-la-Jolie. Je suis originaire de Syrie. J’ai suivi mon mari en France après mon mariage.  Mon mari avait suivi son père venu en France pour le travail. J’ai 4 enfants : 2 filles et 2 garçons.
J’ai tout conservé de nos traditions. Comme j’ai grandi là-bas, je fais de même avec mes enfants : le respect, l’amour de Dieu, c’est très beau. C’est la vie ! Pour moi, sans Dieu, sans l’Église, on n’est rien. Je ne peux pas vivre sans Dieu. Sans religion, on n’est rien.

Le dimanche, c’est le jour du Seigneur. Chez nous, ma mère ne touchait pas à ses cheveux. Le jour du Seigneur, on reste avec la famille, avec l’Église. On ne lave pas, on ne travaille pas. C’est très important le dimanche. Mon mari travaille le dimanche, dans un café. Ca c’est dur. Et j’ai horreur de ça ! Parce qu’il ne reste plus de temps de famille quand on travaille le dimanche, chez tout le monde.

Je suis la même  qu’en Syrie. Pour moi, il n’y a pas de différence dans la manière de vivre la foi ici ou en Syrie. Mes enfants, quand ils sortent, ils sont toute la journée à l’école. Mais je parle avec eux. Je répète. Pour moi, c’est très important de parler avec mes enfants. Quand ils rentrent à la maison, je veux savoir tout ce qu’ils ont fait dans la journée. Je n’ai pas peur, j’ai confiance en mes enfants.

Il y a ici beaucoup de gens qui ne croient pas, comme ma voisine, mais je suis très proche d’elle. Elle m’a dit : « Je ne crois pas en Dieu. » Mais je l’aime beaucoup. Chez nous on ne juge pas les gens sur leur religion. Chacun fait son chemin : les chrétiens, les musulmans, les juifs… Pour moi, c’est l’humanité qui est importante. Ma voisine n’est pas croyante, mais elle est quelqu’un de très bien. Elle est gentille. Ca ne m’intéresse pas de savoir si elle croit ou non.

 

Nous sommes profondément amis…

Père Pierre Trudeau, Pantin

Avec le père Yakup Aydin...

J’étais prêtre à Montfermeil quand le père Yakup (ndlr : curé des paroisses de l’Église Syriaque Orthodoxe d’Antioche en France) a construit son église inaugurée il y a une dizaine d’années. Je suis allé souvent à leurs offices avec. On est profondément amis. Il est là avec sa communauté depuis plus de 20 ans. Avant la construction de l’église, ils sont venus dans les églises catholiques parce qu’ils n’avaient pas d’église. C’est une longue connaissance avec cette communauté.

Il y a environ quatre ans. J’ai voyagé avec Jean Giraud (ndlr : prêtre de Gagny) dans la région sud-est de la Turquie jouxtant la Syrie et l’Iran. On est restés 8 jours là-bas avec Simon, le frère du père Yakup. Ils ont travaillé ici en France après avoir émigré il y a 30 ans.
Ils ne pouvaient plus rester là-bas parce que les chrétiens ont été mis à la porte dans l’Est de la Turquie. En 1914, c’était un pays qui était pratiquement chrétien. Ce sont les plus vieilles communautés chrétiennes, les premières nations qui ont été officiellement chrétiennes. Il y a des abbayes, des monastères très anciens datant du 2e ou 3e siècle. Leur village a été préservé parce qu’il était sur une hauteur et qu’ils ont été assez malins pour repousser l’ennemi et ceux qui venaient les tuer et brûler leurs églises.
Ce peuple a été décimé en 1915, au moment du génocide arménien et du génocide araméen.
Nous sommes allés dans le village du père Yakup. Cela faisait une vingtaine d’années qu’il n’y revenait plus parce qu’il y avait un danger de mort. Il reste tout de même quelques Syriaques et ceux qui sont à l’étranger reviennent au moment des vacances pour construire des monastères et leur passé. Ces monastères ont été très endommagés. Ils les restaurent. Ces monastères qu’ils reconstruisent sont leurs racines.
Il y a de gros problèmes de terres, de cohabitation, des mosquées qui se sont construites. Il y a peu de temps qu’ils ont la possibilité de revenir à peu près en sécurité.

Persécutés

Il y a en particulier à Diyarbakir un prêtre orthodoxe syriaque qui est là avec sa femme et ses 5 enfants et qui sont mis au ban de la société et de la ville alors que c’était une ville qui était à plus de 50 % chrétienne auparavant.
Aujourd’hui, il y a quelques personnes qui sont à demeure, dans la région, mais il ne doit pas y en avoir beaucoup. La plupart ne reviennent que durant les vacances. Il y a quelques évangéliques qui sont là aussi, ainsi que quelques chrétiens arméniens. Mais à Diyarbakir, ce prêtre et sa famille sont pratiquement les seuls. Il vit des pressions. Il est accusé d’être complice des Européens. Au moment du génocide arménien, on l’a accusé d’avoir dit qu’il y avait un génocide araméen. Des journalistes sont venus le voir et lui ont posé des questions. Dans le journal le lendemain, c’était marqué : « Un traitre parmi nous » Résultat : il a été convoqué par la police. Les diplomates de plusieurs pays sont venus au jugement et il y a eu non lieu face à cette masse de diplomates occidentaux.

Intégrés et attachés à leurs racines

Ces Araméens sont très intégrés dans la société française. Ils sont partis chacun avec leur système, en Suède et beaucoup aux États-Unis. Il y a des Araméens partout dans le monde. Ils sont partis où ils pouvaient. Le père Yakup et son frère ont des enfants en Suède, d’autres personnes en Amérique. C’est absolument international. Pour les Libanais, c’est la même chose. Ils vivent en union avec tous. Une des filles de Simon est avocate à Stockholm et à Paris. Ce sont des gens qui ont trouvé leur place, mais ils sont de culture araméenne. Par exemple, le petit-fils de Simon qui avaient 4 ans en ce temps-là, répondait en Arabe à ceux qui venaient voir son père. Mais il comprenait le Syriaque et le Français. Donc ce sont des personnes qui ont trouvé leur place en Occident, mais qui ont leurs racines là-bas.

Par exemple, à la Saint-Jacques, il y a eu des gens de Suède, d’Amérique qui sont venus en Turquie l’année où y on était allés. Il y avait 5000 personnes je crois à ce rassemblement. Pour eux, c’est leur culture, leurs racines, leur terre.

On est passés à Constantinople où ce sont plutôt des orthodoxes grecques, puisque le patriarche de Constantinople, le patriarche de l’orthodoxie orientale, est pratiquement le pape de toutes ces Églises qui sont nationales.

Avec le père Jonas Nadim Maalouf...

Le père Nadim (ndlr : curé de la paroisse curé de la paroisse Saint-Michel et Saint-Gabriel, Église Grecque Orthodoxe d’Antioche) a son église à Blanc-Mesnil (ancienne église catholique du Sacré-Cœur). Mgr Olivier de Béranger (ndlr : évêque du diocèse de Saint-Denis à l’époque) a concédé un bail emphytéotique. Ils l’ont aménagée pour en faire une église orthodoxe. Originaires d’Antioche (la ville où saint Paul a baptisé les premiers chrétiens d’origine païenne), ce sont des Arabes. Après la guerre de 14-18, dans le contrat de paix, cette petite parcelle est restée dans le royaume de Turquie, alors que c’est un pays arabe. D’ailleurs, les grands-parents sont arabes et parlent l’Arabe. Les enfants qui ont été à l’école, parlent le Turc, et les petits-enfants parlent le Français. A cet effet, le père Nadim a instauré une messe en Français avec une mélodie orientale et tous les lundis, il invite les jeunes et ceux qui veulent à une messe en Français, tandis que le dimanche, c’est une messe en Araméen.

Je connais le père Nadim depuis plus de 20 ans, depuis mon retour d’Haïti. Nous sommes de grands amis. Quand je suis arrivé, on m’a dit, l’église du Sacré-Cœur a été confiée aux orthodoxes. Donc, nous sommes entrés en relation, c’était comme une évidence. D’ailleurs, le père Nadim est un homme intelligent, et pas du tout sectaire, nous nous sommes très bien entendus. Nous avons participé à des réunions ensemble quand j’étais à Blanc-Mesnil, nous faisions des études d’Évangile ensemble, avec les deux communautés. C’était un moment de partage très intéressant.
Les deux communautés se sont connues, se sont respectées. Par exemple, pour la réunion œcuménique, la prière pour l’unité, c’était tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre et on faisait la célébration. Et ils sont maintenant très intégrés.

Un voyage œcuménique

Nous avons rencontré le responsable syriaque à Damas lors d’un autre voyage qu’on a fait avec le père Nadim et le père Yakup avec un petit groupe de chrétiens du diocèse qui font partie du groupe œcuménique diocésain, il y a une dizaine d’années. On était une quinzaine à voyager au Liban et en Syrie. L’objectif de l’équipe œcuménique, était de rencontrer différents patriarches. Donc nous avons rencontré le patriarche grecque orthodoxe, le patriarche syriaque qui est venu d’ailleurs après en France pour consacrer l’église orthodoxe syriaque de Montfermeil (ndlr : Sainte-Marie-Mère-de-Dieu). Le patriarche orthodoxe d’Antioche était un homme remarquable. C’est lui qui a reçu le pape. Il nous a dit des choses fort intéressantes. C’est un homme fort intelligent qui travaille à l’unité, qui est respectueux des autres. On s’est retrouvé en parfaite harmonie.

Nous sommes aussi allés à Beyrouth où nous avons été reçus par la famille de Nadim dans la montagne libanaise. Le père Nadim est grecque orthodoxe. Sa femme est catholique maronite. La mère de Nadim était catholique. Le père de Nadim était grecque orthodoxe. Il a des enfants qui sont catholiques romains et j’ai baptisé deux de ses petits-enfants là-bas, au Liban, dans le rite latin. Il y avait aussi des prêtres libanais, orthodoxes, maronites. J’ai aussi participé au mariage de l’une des filles de Nadim.

Nous sommes aussi allés à Alep et nous sommes passés par un certain nombre de monastères et de villes qui sont plus ou moins démolies actuellement. Les monastères qui ont été, pour certains, très démolis, saccagés, récemment, au moment de la guerre en Syrie, comme Maaloula, tous ces monastères sont vraiment les racines du Liban.

Rassemblés pour célébrer

Lors de notre voyage œcuménique au Liban, nous avons visité beaucoup de monastères et fait connaissance avec un certain nombre des amis du père Nadim, de la famille, dans les montagnes du Liban. D’ailleurs, ce sont eux, qui faisaient partie du convoi et qui ont commandé aux religieuses ces icônes (ndlr : voir le témoignage « Dieu toujours devant mes yeux » ci-dessous) inaugurées l’autre jour. Il a fallu presque une dizaine d’années pour fabriquer ces icônes parce que c’est un grand tableau. Ce sont plusieurs icônes dans un triptyque.

Tout cela s’est fait dans un cadre œcuménique, donc nous avons été invités (sœur Anne-Marie Petitjean, le père Giraud, le père Nadim) à la bénédiction des icônes qui réunissait quelques-uns du groupe qui avaient participé au voyage. On fait presque partie de la famille.

 

Le frère nous manque beaucoup

Père Jonas Nadim Maalouf, curé de la paroisse Saint-Michel et Saint-Gabriel, Église Grecque Orthodoxe d’Antioche, Le Blanc-Mesnil

Je suis libanais, curé de la paroisse Saint-Michel et Saint-Gabriel depuis 17 ans. Il y a 17 ans que cette église est devenue l’Église Grecque Orthodoxe d’Antioche, grâce à l’Église Catholique. C’est elle qui nous a donné cette église quasi gratuitement. Nous avons transformé cette église en église byzantine avec une iconostase et tout l’aménagement. Au début, nous étions 430 familles. Actuellement, nous sommes presque 500 familles autour de l’église et dispersées. Les plus éloignées, environ 20, sont à Grigny. Il y a aussi environ 60 familles à Sarcelles. Les autres sont autour de l’église : Blanc-Mesnil, Aulnay-sous-Bois, Bobigny, dans le 93.

Appelé au sacerdoce au Blanc-Mesnil

Un jour, je suis venu en France pour visiter mon frère. Il fallait que je reste avec lui au moins un an. Étant prêtre, il fallait que je célèbre la messe dans une église orthodoxe chaque dimanche. J’ai trouvé une église grecque orthodoxe de Constantinople à Paris. Mgr Gabriel Salibi, libanais, y célébrait la messe. Il m’a dit : « Nous avons une paroisse ici. Est-ce que tu restes avec nous ? » Il fallait que je retourne au Liban pour demander à mon évêque et obtenir sa bénédiction. Puis je suis venu en 1997, définitivement pour l’église Saint-Michel et Saint-Gabriel. Fin 97-début 98, nous avons commencé à célébrer les messes dans cette église. Les familles de la paroisse viennent d’Antioche en Turquie. Leurs membres ont la nationalité turque et parlent l’Arabe, comme nous.  Nous nous appelons Église Grecque Orthodoxe d’Antioche, c'est-à-dire les restes des Arabes chrétiens. Tous les Arabes étaient chrétiens avant. Nous sommes venus ici à cause des persécutions. En ce moment, il y a beaucoup de gens qui arrivent, la plupart de Syrie. Les malheureux arrivent sans rien. Il faut qu’on s’intéresse à eux.

Ils arrivent légalement par l’aéroport et c’est l’État qui s’intéresse à eux au début. Mais ils viennent à la paroisse parce qu’ils ne connaissent personne. Quelques fois, nous pouvons leur trouver des familles pour les héberger. Et avec le temps, ils se débrouillent. On les aide pour trouver un travail et on est près d’eux pour qu’ils se sentent entourés. Toute l’année, à part en période de Carême, nous célébrons la messe à partir de 9h30, chaque dimanche. Et après la messe, nous célébrons des baptêmes, des mariages. Et chaque lundi soir, à 20h, sauf en période de Carême, nous célébrons la messe du dimanche en Français. Nous avons traduit presque tout, même les prières chantées en Français. Pendant le Carême, nous faisons les prières du soir en l’honneur de la Sainte Vierge, mardi, mercredi et vendredi.

Le Triomphe des icônes

Le jour de la procession des icônes, nous annonçons le triomphe des icônes (ndlr : le 1er dimanche de Carême) et nous les bénissons. Chaque personne qui a une icône à la maison l’amène à l’église. Lors de la dernière célébration (ndlr : dimanche 1er mars 2015), il y avait presque une cinquantaine d’icônes. Les fidèles sont venus pour annoncer avec leur cœur et pour les faire bénir aussi, bien sûr. Chaque année, ils attendent cette journée pour annoncer, pour venir avec leurs icônes pour faire la procession. Une icône peut être bénie à l’église n’importe quel jour, mais il est meilleur qu’elle participe à cette journée de l’orthodoxie, des icônes, pour annoncer le triomphe de l’icône.

Avant le schisme entre catholiques et orthodoxes, il y avait des sectes dans notre Église, qui disaient : « Pourquoi faire des icônes ? » Pour eux, c’était de l’idolâtrie. Les pères saints ont dit : « Non, ils n’ont pas compris ce qu’est l’icône. » L’icône, c’est l’Évangile écrite. C’est pourquoi nous ne disons pas « peindre une icône », nous disons « écrire une icône ». Il y a donc eu une guerre qui a duré presque 100 ans. C’était très dur. Et enfin, on a réussi à accepter l’icône et suite à cela, dans notre église byzantine, nous avons fait l’iconostase pour y mettre les pages de l’Évangile. Avant, il n’y en avait pas. C’est l’orthodoxie. Quand nous disons l’orthodoxie, nous ne parlons pas que de nous. Les catholiques aussi sont des orthodoxes. Nous sommes tous des orthodoxes. Le mot orthodoxe signifie : l’opinion directe, sans détour. Donc, nous sommes tous catholiques, l’Église entière, et nous sommes tous orthodoxes.

L’unité ardemment désirée

Ici, il y a des temps de prières pour l’œcuménisme. L’unité n’est pas encore accomplie, pleinement réalisée. Jusqu’à maintenant, il y a des catholiques, des orthodoxes, des protestants. Il y a plusieurs Églises. Au Liban, il y a des orthodoxes, des catholiques, des protestants divers. La famille libanaise a dépassé l’Église dans le domaine œcuménique. Nous sommes vraiment unis. Par exemple, il n’y a pas une famille libanaise qui ne contient pas des catholiques, des orthodoxes et des protestants. Chez nous, au Liban, grâce à Dieu, l’œcuménisme est vraiment réalisé. Ici aussi, nous essayons de le faire dans notre église.

Je suis prêtre orthodoxe. Dans ma famille, personne n’est orthodoxe à part moi, mon fils et le fils de mon fils. J’ai 5 enfants. Les 4 filles sont catholiques. Elles sont mariées avec des catholiques. Ma femme est catholique. Ma ma grand-mère et ma mère était catholiques. Dans ma famille, il n’y a que moi qui suis orthodoxe.

Mon père s’est marié avec une femme catholique. Chez nous, au Liban, les enfants suivent l’Église du père. Avec mes frères et sœurs, nous sommes 8, tous baptisés orthodoxes. Quand nous avons grandi, les 3 filles se sont mariées catholiques. Nous sommes 5 garçons, tous orthodoxes. Il y en a un qui est marié avec une orthodoxe et quatre avec des catholiques. Avant de devenir prêtre, j’étais marié avec une catholique aussi. Voilà comment l’Église Catholique est entrée dans notre famille. C’est comme ça que nous vivons ensemble, toujours. Par exemple, mon frère orthodoxe va baptiser ses enfants. Nous allons dans une église orthodoxe. Le lendemain, ma sœur mariée à un catholique (qui va suivre la religion de son mari, c’est comme ça chez nous), va baptiser ses enfants, nous allons tous ensemble à l’église catholique. Et comme je suis prêtre orthodoxe, si ma sœur ou ma fille va baptiser ses enfants, je participe avec le prêtre. Ca se passe comme ça. Oui, nous sommes vraiment frères avec les catholiques, vrais frères. C’est l’Histoire qui nous a séparés. Nous, ici, ne voulons pas que ce soit comme ça, jamais. Nous attendons vraiment, avec feu, que l’unité arrive un jour.

Nous avons des catholiques et quelque fois aussi des protestants qui participent aux célébrations. Pourquoi pas ? Parce que les fidèles ne connaissent pas les détails du conflit dans l’Église. Ca leur est égal. Tout ce qu’ils savent, c’est qu’ils sont chrétiens et qu’on est tous frères en Christ. C’est ce qu’on leur a enseigné depuis l’enfance. Nous sommes toujours deux Églises, mais vraiment deux frères qui se manquent l’un à l’autre. Le frère nous manque beaucoup, aujourd’hui. Les catholiques aussi sentent beaucoup le manque. C’est pourquoi ils nous ont donné leur église. A chaque fois que nous avons besoin, ils sont très gentils avec nous.

Aves nos frères catholiques du secteur, nous avons toutes relations, que ce soit sociale ou liturgique. Par exemple, on célèbre des mariages ensemble, les funérailles, les baptêmes, sauf la messe pour les religieux uniquement. Un prêtre catholique peut être avec moi dans les baptêmes, comme moi avec lui. On fait souvent des temps de prière en commun. Chaque vendredi, depuis le début du Carême, nous avons des prières ensemble. Nous prions pour l’unité de l’Église.

Qui va garder l’Église de Rome ?

Parfois je dis à ma communauté : « Nous sommes venus ici en Europe pour garder l’Église de Rome avec les catholiques. » C’est à nous et à vous de garder cette Église.
Mais je trouve qu’il n’y a pas beaucoup de jeunes dans l’Église catholique, dans le sacerdoce et aussi parmi les fidèles. Et qui va garder cette Église ? De temps en temps, je leur dis : « L’Église de Rome a été fondée par des Antiochiens. Saint Paul et saint Pierre sont venus d’Antioche pour fonder l’Église de Rome. Est-ce que nous sommes venus d’Antioche pour garder cette Église que nos ancêtres, un jour, ont fondée ? C’est notre rôle, peut-être. Grâce à Dieu, les chrétiens d’Orient sont très pratiquants. Les Maronites, les Syriaques, les Grecques Orthodoxes d’Antioche sont tous des chrétiens d’Antioche. Tous, nous sommes l’Église d’Antioche. Nous avons supporté beaucoup de persécutions. Aujourd’hui encore que ce soit en Égypte, en Irak, en Syrie, au Liban…

Place à la jeunesse

Nous sommes une communauté étrangère. N’oublions pas que nous venons de l’étranger. Pour ne pas nous perdre, chacun de notre côté, pour rester ensemble et garder notre Église, il faut que nous préparions nos jeunes pour qu’ils continuent après nous. Je prépare aussi des jeunes pour devenir prêtre. J’ai 75 ans. Peut-être que demain je serai parti, alors il faut qu’il y ait des personnes qui continuent après moi. Donc les jeunes qui se réunissent lors de rencontres dans notre communauté se préparent pour savoir comment diriger leur Église. Après la messe, nous partageons l’Évangile. Ils sont nombreux, parfois plus de 50 ou 60. Quand nous sommes en petit groupe, la soirée évangélique est profonde. Parce que ceux qui viennent sont ceux qui s’intéressent beaucoup. Ils sont très sérieux.

A chaque fois, nous partageons l’Évangile du dimanche. Parfois, ils ont envie de partager des idées, ils ont des questions : « Est-ce que Dieu existe ? Est-ce que le pécheur sera puni ? » Ils ont beaucoup de questions. La dernière fois, la question était : « Qu’est-ce que le mariage ? » C’était très intéressant et ils ont beaucoup participé. Grâce à Dieu, ils prennent ce sujet au sérieux. J’explique aux jeunes, au sujet de la femme dans le couple, qu’elle est avant tout une maman spirituelle. Ainsi, nous n’avons jamais de divorces. Les divorces sont très rares dans notre Église, grâce à Dieu. L’attachement très fort à la Sainte Vierge au Liban a fait que la mère est très aimée et respectée. Je pense qu’au Liban la mère est la plus respectée dans le monde, grâce à Dieu.

Ce sont des sujets dont nous parlons beaucoup. Nous parlons aussi de l’Évangile, de ce qu’a fait Jésus. Par exemple, aujourd’hui, nous avons lu l’évangile de la rencontre entre Jésus et Philippe. Je l’ai expliqué avec les enseignements de nos saints pères. Je ne dis jamais quelque chose de moi-même. Parce que nous sommes l’Église des pères saints, et vous aussi. C’est-à-dire que nous suivons tout ce que les pères saints ont expliqué sur l’Évangile : Jean Chrysostome, Éphrem le Syrien, Isaac le Syrien, Jean Damascène… tous les pères qui ont expliqué l’Évangile. Nous enseignons aux fidèles suivant leurs enseignements.

 

Dieu, toujours devant mes yeux

Meryem Sahinoglu, Église Grecque Orthodoxe d’Antioche, Les Pavillons-sous-Bois

C’était 5 ou 6 mois après la mort de mon frère, un voyage au Liban avec des prêtres et des religieuses, était organisé. Je me suis dit : « Je vais partir avec eux pour me changer un peu les idées. » Normalement, mon mari devait partir, mais la validité de son passeport était expirée, alors il m’a dit de partir sans lui avec le groupe. Je suis partie avec mon fils qui avait 10 ans. Chaque jour, nous changions de monastère. Alors, qu’on se promenait d’églises en églises, je ne sais pas comment l’expliquer, quand je regardais des icônes là-bas, j’ai pensé : « J’ai trois fils. Je vais faire une icône pour chacun pour raconter de la vie de Jésus. » Parce que je ne sais ni lire, ni écrire.

Comme ça, en regardant l’icône, je sais ce qu’elle veut dire. Je me suis dit que je donnerai une icône à chacun de mes enfants. Quand ils se marieront chacun l’aura dans sa maison. Chaque icône est différente et raconte une partie de l’histoire. J’ai voulu qu’elles restent à la maison pour qu’ils ne changent pas, qu’ils restent orthodoxes.

Un moyen de transmettre ma foi

L’icône est importante pour moi parce qu’elle est un moyen de transmission de la foi. Parce que quoi que tu fasses à la maison, tu les as toujours devant les yeux. Et tu réfléchis, tu penses à Jésus, à Marie. C’est la foi qui m’a inspiré cela. Je suis très pratiquante et j’ai une grande confiance en Jésus et Marie. Quand j’étais petite, je voyais que pour mes parents, c’était la même chose.

Pour la commande des icônes, le père Jonas Nadim (ndlr : curé de la paroisse Saint-Michel et Saint-Gabriel du Blanc-Mesnil) est venu avec moi et d’autres personnes pour choisir. Moi, j’ai dit : « Je veux la vie de Jésus. » Et eux, ils ont sélectionné les images. Ce sont des religieuses au Liban qui les ont réalisées. Il a fallu 13 ans pour accueillir toutes les icônes à la maison. Elles ont été envoyées une par une. Quand une icône était terminée, le père Jonas Nadim me les ramenait avec lui quand il allait au Liban. C’était à chaque fois une découverte quand les icônes arrivaient. C’est très joli.

Bénédiction des icônes et de la maison

Quand on reçoit une nouvelle icône, on l’apporte à l’église. Par exemple, le 1er dimanche de Carême, pour la célébration du Triomphe de l’orthodoxie, on fait une procession en portant les icônes pour fêter les icônes. A chaque fois qu’une icône arrivait, on l’apportait avec nous pour la faire bénir à l’église et on fait aussi une bénédiction à la maison. On bénit la maison, les enfants tous ceux qui viennent dans la maison.

Pour la bénédiction des icônes, j’ai invité sœur Anne-Marie Petitjean (ndlr : responsable diocésaine de la formation œcuménique) et deux prêtres catholiques ainsi que deux prêtres de chez nous, orthodoxes. Je les ai invités parce que quand j’ai voulu faire les icônes, sœur Anne-Marie m’a dit : « Pourquoi tu veux faire tout ça ? Ca coûte trop cher ! » J’ai répondu : « Pour Jésus, ce n’est pas cher. Tu amènes Jésus et Marie chez toi, à la maison. Ils vivent avec nous ! Et c’est cher ça ? » Alors elle m’a dit : « Quand les icônes vont arriver, tu vas m’inviter ! » Et j’ai dit : « D’accord ! » Et quand l’icône a été terminée, ça faisait longtemps que je n’avais pas vu Anne-Marie. Je l’ai vue à l’Église chez nous un jour, alors je me suis dit : « Tiens, je vais l’inviter chez nous pour manger ensemble, pour discuter ensemble, pour faire une prière aussi, ensemble, ici à la maison ! » J’ai parlé avec le père Jonas Nadim qui a parlé à Anne-Marie et aux autres qui sont venus tous ensemble et j’ai fait un repas. On a mangé, discuté ensemble.

Il y a des icônes à la maison dans toutes les familles, mais pas comme ça, sur les murs. J’aime beaucoup Jésus. J’aime beaucoup Marie… Je n’arrive pas à l’expliquer… C’est une manière d’exprimer ma foi.

Quand je suis arrivée ici de Turquie, je ne connaissais personne à part mon mari. Je suis venue ici toute seule. Marie est restée devant mes yeux. C’est elle qui m’a montré toutes les routes. Et je continue la vie comme ça. Je suis allée au sanctuaire de Lourdes plusieurs fois, 4 ou 5 fois. J’ai été aux piscines. J’ai laissé mon mari dormir à l’hôtel et je suis allée à la Grotte jusqu’à 2h-3h dans la nuit. Je me suis assise et j’ai parlé avec Marie, toute seule. J’aime beaucoup ça.
Marie m’a donné la foi à vivre. Comme notre Mère Marie a fait, chaque maman, à la maison, fait de même. Le rôle de la femme est important dans l’éducation des enfants.

La famille au cœur de la maison

J’ai trois fils et deux belles-filles. Ils sont tous avec moi, ici, à la maison. Il y a 3 étages : un pour chaque famille. A ce niveau, c’est moi et mon mari, avec un garçon. Il n’est pas encore marié. On mange tous ici ensemble. Et le soir, on se sépare pour dormir. Ils peuvent bien sûr rentrer chez eux à n’importe quel moment s’ils veulent. J’adore qu’on soit réunis comme ça et que l’on mange ensemble. On discute ensemble…

Chacun fait comme il veut. L’appartement de mon fils en haut est prêt pour vivre seul, s’il le veut. Nous nous sentons bien ensemble, c’est pour cela que nous vivons comme ça. Je ne sais pas pour les autres familles en Turquie, mais je sais que ma famille vivait comme ça. A l’occasion de fêtes, nous nous réunissions toujours. Les dimanches, même si les membres de la famille habitaient dans d’autres maisons, nous nous réunissions dans une seule maison pour manger et discuter ensemble. Ca fait du bien ! Aujourd’hui encore, ça me fait plaisir de rester avec les enfants. Je n’arrive pas à rester toute seule.

Grâce à Dieu…

Avec les icônes, j’ai Jésus et Marie devant les yeux. Ils restent devant mes yeux. Comme ça, jamais tu ne les oublies. Quand tu veux sortir, aller quelque part, il faut toujours faire une prière : « Reste avec nous Jésus ! Suivez-nous où nous allons et dans ce que nous faisons ! »

Je pense que ce qui est essentiel chaque jour, c’est la prière pour le travail, mais pas seulement. Pour que la journée se passe bien devant vous.
Par exemple, je suis allée en Allemagne dernièrement. Une voiture à freiné brusquement devant nous alors que mon fils roulait à pleine vitesse. J’ai crié : « Dieu ! », trois fois. J’ai eu peur ! Trois voitures sont entrées les unes dans les autres derrières nous. Les trois voitures : poubelles ! Et nous : rien ! Seule la plaque à l’arrière de la voiture est tombée. La police en hélico, les pompiers, tous les secours sont venus sur les lieux. Grâce à Dieu, aucun de nous n’a été blessé. Le policier est venu nous demander : « Il n’y a rien ? » J’ai dit : « Non, il n’y a rien. C’est grâce à Dieu ! » Celui qui a provoqué l’accident était parti. Si ça, ce n’est pas la foi ? C’est grâce à Dieu ! C’est grâce à Dieu qu’on est restés vivants et qu’il n’y a pas eu de blessé ! Je crois à tout ça ! J’ai la foi pour ça !
Quand je vois les derniers évènements qui ont frappé les chrétiens d’Orient, ce n’est pas facile. Je laisse les choses dans la main de Dieu. Je confie ça au Seigneur. Il n’y a que lui qui peut faire quelque chose. Chaque dimanche, à l’église, nous prions pour ça. Nous avons aussi prié pour les personnes tuées dans les attentats de ce début d’année. Nous avons marqué leurs noms et prié pour elles à l’église.

Chrétienne, naturellement

Je suis née comme ça. Et je veux rester comme ça si le bon Dieu le veut. C’est quelque chose de bien. C’est comme naturel. Le chrétien ne fait de mal à personne. Il fait toujours le bien. Toujours, quand je fais une soirée à la maison et que je parle de Dieu, je suis très contente. Ca me fait plaisir. C’est toujours comme ça. Par exemple, si j’allume la télé et que je regarde une chaîne (comme Télé Lumière) qui parle de l’Église, de la prière, etc., ça me fait du bien. Je regarde tout le temps. Je regarde avec ma petite fille qui aura bientôt 3 ans. Il n’y a pas besoin de savoir lire ou écrire pour transmettre la foi.
Il y a un grand patriarche, chez nous là-bas qui m’a dit : « Ma fille, comment t’est venue cette idée de faire ces icônes ?! » Je lui ai dit : « Je ne sais pas. Ca m’est venu comme ça. » Comme je ne sais ni lire, ni écrire, comme au temps de ma mère et de ma grand-mère en Turquie, ils regardaient les images. Et en regardant chaque image, ils savaient la signification,  et à quel passage de la Bible ça correspondait. Je me suis dit : « Moi aussi, je veux faire ça. Je veux faire la Bible à la maison. » A l’époque, mes enfants n’étaient pas encore mariés, j’ai pensé à donner une icône à chaque fils. Je leur laisse la Bible à la maison pour ne pas oublier : il est né orthodoxe, il reste orthodoxe. Il ne faut pas changer. Si les enfants, les jeunes ne vont pas à l’Église ou si personne ne s’occupe d’eux, par exemple en leur enseignant la vie de Jésus, ça va partir. Ils ne vont pas rester les mêmes. Mes fils sont plus croyants que moi. Ils ont gardé la foi. Chaque dimanche, ils vont à l’église. Il n’y a pas de problème pour ça. Grâce à Dieu, deux de mes fils organisent, par exemple, des réunions pour les jeunes à l’église Saint-Michel et Saint-Gabriel du Blanc-Mesnil les lundis soirs. Il y a entre 30 et 40 jeunes. C’est un moyen de garder la foi. Il ne faut pas laisser les gens comme ça, sinon ils vont partir.

J’encouragerais un jeune en lui disant : « Reste sérieux. Crois en Dieu. Ce qui est le plus important, c’est Dieu. Il faut le croire ça. Ensuite, tout se passe bien. Si tu tiens bien la main de Dieu, la main de Marie tout sera facile pour toi. Il ne faut pas changer si quelqu’un vient d’ailleurs pour dire : « Il faut changer ça ou ça. » Il faut être net et gentil, propre, ne pas mentir… Être sérieux. C’est la meilleure chose. Tiens la main de Dieu et ne pense à rien d’autre et tu verras comme tu vivras bien et tranquille. C’est Dieu qui marchera devant toi. » Moi, je fais comme ça.

La foi en partage

J’ai participé à des prières communes une ou deux fois par semaine, un jour chez toi, un jour chez moi, un jour chez quelqu’un d’autre. Mais j’ai arrêté il y a 8 ans quand j’ai commencé le travail parce que je n’arrivais plus à le faire. C’était des temps de prière ou pour parler de l’Église, de la Bible, entre femmes et avec le père Jonas Nadim et le prêtre catholique, père Pierre Trudeau.

Quand je parle de Jésus ou de Marie, ça me fait plaisir. Quand des personnes de notre communauté allaient participer à un temps de partage avec des catholiques, je allais avec eux. J’aime beaucoup faire ça. C’est ce qui s’est passé avec le voyage au Liban. On m’a dit que des monastères seraient visités alors j’ai dit : « Je veux partir. » Je ne sais comment l’expliquer. J’aime beaucoup, je suis très contente. Je suis vive. J’ai senti qu’il y avait quelque chose de bon dedans. Et on m’a dit : « Vas-y ! Fais-le ! »

 

Dieu est amour

Manal Moussa, paroisse Saint-Michel et Saint-Gabriel, Le Blanc-Mesnil

Je suis syrienne, née à Damas. J’y ai vécu pendant 28 ans. A cause du travail de mon mari qui est médecin, on est venus ici en 2002. Ensuite, j’ai eu mes 3 enfants, Batoul (la Vierge), Fadi (le Rédempteur en Arabe, c’est Jésus), Rafi (Raphaël). Ca fait environ 5 ans qu’on vient ici (ndlr : église Saint-Michel et Saint-Gabriel de Blanc-Mesnil). Avant, je ne connaissais pas cette paroisse, on allait à Paris, à l’église orthodoxe grecque Saint-Etienne où les Syriens et les Libanais priaient en Arabe dans l’église le samedi et le dimanche, les Grecs faisaient leur messe en Grec. Depuis que je connais ici, j’essaie de venir chaque dimanche avec mes enfants. C’est difficile pour eux parce que c’est en langue Arabe et ils ne comprennent pas beaucoup. Je parle avec eux en Arabe, mais le problème c’est qu’à l’école, les amis, la télé, tout est en Français et ils ne pratiquent pas. Donc, c’est un peu difficile pour eux. Moi, je parle les deux langues, mais je suis habituée à prier en Arabe. Du coup, quand il y a la messe en Français, je suis tout le temps en train de traduire en même temps. Ce n’est pas automatique pour moi. Donc, je préfère venir ici. Abouna Nadim (ndlr : père Jonas Nadim Maalouf, curé de la paroisse Saint-Michel et Saint-Gabriel de Blanc-Mesnil) est super. Il est chaleureux. L’ambiance est très familiale. Il y a des Syriens comme moi ou des Libanais, des personnes d’Antioche qui, pour nous, sont des Syriens. C’est une partie de la Syrie. Du coup, ils parlent comme nous, on a les mêmes habitudes, la même langue. C’est pour ça que je viens ici.

Des traditions qui donnent du sens

J’ai gardé des traditions, surtout pour le temps du Carême. J’essaie de faire les deux Carême. Il y a des repas pour chaque fête. Le 1er jour de Carême, j’essaie de faire à mes enfants un repas traditionnel à base de blé concassé. Par exemple, pour la fête de l’Annonciation, chez nous, on mange du poisson parce que durant le Carême on ne mange pas de poisson. Sauf pendant les grandes fêtes qui tombent pendant le Carême, comme le jour des Rameaux ou de l’Annonciation, le 25 mars cette année. Il y a une fête et une messe ce jour-là, et on mange du poisson. Donc j’essaie de montrer à mes enfants que ce jour-là est spécial. Dans les pays arabes on ne mangeait que des légumes, des plantes, parce que chez nous, c’est moins cher. Chez nous, pour se rapprocher de la nature, ils ont trouvé que c’était mieux de ne manger que des plantes. Dans l’Évangile, on n’exprime pas clairement ce qu’il faut manger ou pas. C’est selon les Églises. Chacun s’adapte et fait selon ce qu’il vit dans son pays.

Une foi tolérante

La foi en Christ est essentielle pour moi, mais avec tolérance, c’est-à-dire sans nier les autres religions. Voir ce qui se passe dans mon pays, c’est triste. Il y a des gens qui n’ont pas notre religion et qui ne veulent pas de nous là-bas. Je ne veux pas transmettre à mes enfants cette même haine. Je ne veux pas que cette haine soit réciproque. J’explique à mes enfants que Dieu est amour et qu’il faut aimer tout le monde, qu’on est chrétiens et qu’eux ils ont une autre religion, mais qu’il faut les respecter. Je n’aime pas ces guerres de religion. Ca me fait mal.

Il y a deux ans, le village où vivaient mes parents était assiégé par des islamistes, et ils ne trouvaient rien à manger, même pas de pain. Ils sont restés comme ça pendant 6 mois, sans pouvoir sortir. Et nous, on vivait dans l’angoisse pour eux. A côté de Damas, il y a deux villages chrétiens qui ont gardé la langue du Christ, l’Araméen. Le premier village est tombé entre les mains des islamistes. Ils ont détruit tout ce qu’il y avait dans l’église, ils ont tué les vieux… des choses horribles. On avait tellement peur pour mes parents et les personnes que je connais. C’est malheureux, parce que finalement, ce sont les gens innocents qui paient. C’est triste, difficile à expliquer. J’essayais de suivre les infos de mes amis sur Facebook, mais je n’ai pas pu supporter de voir une qui perdait ses enfants dans un bombardement, des tirs…
Ici en communauté, on prie. On n’a que la prière. On prie chaque jour, on allume des bougies. On fait ce qu’on peut.

Comme l’image de quelqu’un qu’on aime…

J’ai des icônes dans mon portable. Dès que je prends mon portable, elle est là, l’icône de sainte Marie avec Jésus que j’aime beaucoup. J’aime la maternité. Sainte Marie mère m’inspire, c’est un modèle pour moi. Et la manière dont Jésus tiens sa mère : on voit qu’il aime sa mère. C’est l’amour pur. L’icône, pour moi, c’est dans mon portable, chez moi, à la maison. Par exemple, il y a une photo de mes enfants et au milieu, il y a la Croix. C’est difficile à expliquer, mais l’icône, pour nous, c’est comme l’image de quelqu’un qu’on aime : on le regarde, on parle avec lui. Ce n’est pas qu’une image. Les gens ne comprennent pas ce que l’icône signifie pour nous. Dans les autres religions, ils pensent que ce sont des idoles. Ce ne sont pas des idoles pour nous. C’est la représentation, l’image de Jésus, de Marie qu’on aime. Il y a des pères orthodoxes qui disent que Dieu s’est incarné, s’est fait homme en Jésus, alors pourquoi rejeter l’icône ? L’idée de l’incarnation est liée à l’icône.

 

Ma foi est indestructible

Richard Arnault, président de la communauté paroissiale syriaque orthodoxe de Coubron

Officieusement, cela fait longtemps, depuis environ 3-4 ans, que je m’occupe de l’association paroissiale. Mais officiellement, cela fait environ une année. Président, c’est un grand mot. Nous sommes 5 ou 6 jeunes à nous partager le rôle. J’attache une grande importance à la culture que mes parents m’ont transmise. Ca me semblait donc naturel de reprendre le flambeau, dans le sens où ça me semblait naturel de m’investir dans la communauté. Parce que c’est à la jeunesse de reprendre les rôles que nos parents ont occupés. Un jour, nous les jeunes nous nous sommes dit que ce serait bien de s’investir dans la vie de notre paroisse et ça s’est fait naturellement. C’est vraiment quelque chose qui nous fait plaisir. On a envie que les petits soient comme nous, qu’ils soient conscients de leur héritage culturel tout en étant de bons citoyens français.

Une vie communautaire bien ancrée

Je pense qu’on est une cinquantaine de familles dans la paroisse qui habitent Coubron, Montfermeil, Clichy-sous-Bois, Livry-Gargan et les alentours. Il y a beaucoup d’enfants et d’ados. Et on espère qu’il y en aura encore plus. Chaque famille, dans la génération de mes parents a environ 5 enfants. Les jeunes qui se marient actuellement et fondent une famille ont moins d’enfants que leurs parents. Mais chaque famille est composée d’environ 7 à 8 personnes. C’est une communauté très jeune. C’est pour ça qu’on souhaite montrer l’exemple pour ces jeunes. Ca les intéressera plus si c’est nous qui nous investissons plutôt qu’une personne de l’âge de mon père qui propose des activités. Donc, on a trouvé naturel de s’investir pour leur montrer l’exemple pour qu’ils perpétuent les traditions. C’est vraiment important pour nous.

J’habite à Montfermeil, juste à côté de Coubron. J’ai grandi dans les environs. Je n’ai pas vécu en Turquie, mes parents sont arrivés en tant que réfugiés en 1980 en France.
Nous sommes pour la plupart en France depuis les années 80. Il y a 2 communautés : à Coubron et à Montfermeil. La plus grosse partie de la communauté vient de Turquie, un peu de Syrie et d’Irak. Nos parents sont arrivés en France dans les années 80-90 en tant que réfugiés politiques et la vie a poursuivi son cours. La communauté est très attachée à l’Église qui rythme nos vies. De ma plus tendre enfance, j’ai des souvenirs de mes parents qui m’emmenaient à l’église. C’est pour ça qu’on est plusieurs jeunes, actuellement, à avoir repris le comité de notre paroisse. On s’occupe de l’organisation des messes, des activités culturelles pour les enfants, les ados et les plus âgés aussi. On fait par exemple, des soirées dansantes. On organise la vie de la paroisse. Sur un rythme hebdomadaire, il y a des cours bibliques avec le père Jean Habil, avec nous depuis environ un an, qui est un moine et qui vient de Paris nous parler de la Bible et célébrer les messes. Il est en France depuis plusieurs années où il a fait ses études. Avec le père Jean, on a une messe quasiment toutes les semaines, des lectures de la Bible, du catéchisme et on découvre, on apprend l’Araméen. Avant son arrivée, nous avions un prêtre qui venait de Belgique pour faire la messe une fois tous les 15 jours. C’était un gros manque pour nous. Maintenant, Dieu merci, le père Jean est là et c’est très important pour nous. Ses cours bibliques nous apportent beaucoup aussi. Il nous apporte un regard d’expert et des interprétations parfois différentes des nôtres et c’est important d’avoir son regard sur la chose. Il est pédagogue et on comprend mieux tous les sens des termes.

Tous solidaires

Je ne sais pas pour quelle raison. L’essentiel des familles est arrivé à Clichy-sous-Bois dans les années 80. Mes parents ont rejoint le frère de mon père qui était déjà là. A l’époque, toutes les familles habitaient Clichy-sous-Bois. Je ne sais pas pourquoi Clichy-sous-Bois. On est arrivés en catastrophe. Mes parents m’ont raconté. Quand ils sont arrivés, ils vivaient 3 à 4 familles dans un appartement jusqu’à ce qu’ils commencent à travailler. Ca s’est fait rapidement parce que nous ne sommes pas du genre à nous laisser abattre. On est optimistes. Leur situation s’est améliorée très vite. Ils ont tous trouvé du travail rapidement et ont construit leur vie. Chacun a pris sa maison avec sa famille. Au début, c’était un peu difficile pour les démarches administratives parce qu’il y avait la barrière de la langue. Dans les années 80, c’était peut-être un peu plus simple que maintenant.

On est une communauté très soudée. On est très attachés à nos traditions. On s’inquiète beaucoup de la situation de l’autre. Nous n’avons pas perdu ça. Nous tenons beaucoup aux personnes âgées. Ma grand-mère habitait chez mon oncle jusqu’à son décès, par exemple. On a su s’entraider au fur et à mesure que les gens arrivaient, des vagues d’arrivage, jusqu’à ce qu’ils aient une situation et qu’ils volent de leurs propres ailes.

Pratiquer, un devoir de mémoire

Toute la communauté, dans l’ensemble, sait parler Araméen, les enfants comme les adultes, mais c’est au niveau de l’écriture et de la lecture qu’il y a des différences de niveau. Certaines personnes ont des lacunes. La plupart écrit et parle l’Araméen. La messe se fait en Araméen. C’est donc important de comprendre ce qui est dit dans la messe.

C’est important parce que c’est la langue de nos ancêtres. C’est la langue de Jésus, donc c’est une fierté pour nous de la parler. Nous sommes des chrétiens d’Orient. Les Syriaques et tous les autres chrétiens d’Orient ont une histoire chargée de malheurs, dans le sens où nous avons subi des vagues de persécutions, des massacres réguliers, depuis des décennies. Il y a eu le génocide de 1915 qui a touché les Arméniens, mais ce n’est pas le seul. Mais malgré toutes les persécutions, nos grands-parents ont gardé leur foi. La foi a toujours été plus grande et n’a cessé de grandir, malgré tout ce qu’on a subi. Pour moi, c’est un devoir de mémoire de pratiquer, ne serait-ce que pour toutes les personnes qui ont été persécutées.

Saint-Christophe de Coubron, une église partagée

La communauté participe aux charges de la paroisse Saint-Christophe et on occupe l’église quasiment tous les dimanches. Et on se réunit dans une salle à côté de l’église après la messe pour prendre le café, un petit-déjeuner tous ensemble. On se réunit aussi une fois par semaine pour le catéchisme, les cours bibliques. Mensuellement, nous avons des réunions dans lesquelles on aborde tous les sujets d’actualité, religieux ou non. Nous avons 3 heures de célébration de 9h à 12h qui débutent avec la prière des Matines avant la messe. Il y a une grosse diaspora. Parfois, le père Jean doit se rendre en Belgique, en Hollande. Donc ces semaines-là, nous n’avons pas de messe.
On entretient de très bonnes relations avec la communauté catholique. Ca fait une quinzaine d’années qu’on est à l’église Saint-Christophe. On s’entend très bien avec tous les membres de la paroisse Saint-Christophe, aussi bien avec les différents prêtres qui se sont succédé. Mon père invite régulièrement les prêtres à déjeuner ou à dîner chez nous. On fait des messes communes avec les membres de la paroisse. Nous avons partagé des repas ensemble. On s’entend très bien. Pour nous, c’est important. On est orthodoxes et eux sont catholiques, mais avant tout, on est chrétiens. Ce sont les hommes qui ont créé tous ces schismes. Ce n’est pas Jésus qui nous a demandé de le faire. Je vois tous les chrétiens comme des frères, sans distinction entre orthodoxe, catholique, évangéliste ou autres. Pour moi, tous ceux qui se reconnaissent en Jésus sont mes frères. Je n’ai pas d’a priori.

Lors de la semaine de l’unité des chrétiens et régulièrement, nous assistons aussi à leur messe du samedi soir. Ce sont des occasions tout au long de l’année où l’on se réunit. Quand nous faisons des soirées dansantes, nous les invitons. Et on entretient aussi de bonne relations avec les AFC (ndlr : Associations familiales catholiques). L’année dernière, nous avions fait une soirée commune.

Familiariser avec l’Église dès le plus jeune âge

A nos soirées dansantes, il y a des jeunes, comme des plus âgés, bien que je regrette qu’il y ait un peu moins de jeunes venant des paroisses catholiques. Je constate que dans vos paroisses, les jeunes ont un peu délaissé l’église. Ils ne sont pas autant attachés à l’église que peuvent l’être les jeunes de ma communauté. Je pense qu’il y a une part de responsabilité des parents. Chez nous, on emmène les enfants à l’église dès leur plus jeune âge. Ce n’est pas une contrainte. Quand j’étais petit, pour moi l’église était comme une maison, la maison de Dieu. Peut-être que je ne comprenais rien quand mes parents m’emmenaient à l’église. Mais quand j’allais à l’église, je retrouvais tous les membres de ma communauté et c’est ce qui a fait que c’est devenu un endroit familier. C’était ma maison. Je m’y sens bien comme on peut l’être chez soi.
Je pense que tout être humain a besoin d’une part de spirituel dans sa vie. Quand on laisse un vide spirituel à un jeune, ce n’est jamais bon. Quand j’entends des gens dire : « Ils choisiront. » Non, si vous ne les guidez pas, ils ne vont pas pouvoir choisir. Ce n’est pas à 15 ans ou 17 ans que vous allez pouvoir leur dire ça parce qu’il y en a plein qui vont passer à travers. C’est dès le plus jeune âge qu’il faut les familiariser avec l’Église et avec le message de Jésus pour qu’ils deviennent de bons chrétiens. Depuis ma plus tendre enfance, mes parents m’ont parlé de Jésus. C’est pour cela que ma foi est comme elle est aujourd’hui. Ensuite, le prêtre m’a enseigné les passages bibliques et j’ai lu. C’est quelque chose qui est ancré en moi et que personne ne pourra enlever. Personne ne pourra me faire croire n’importe quoi parce que je me suis forgé un caractère et je sais faire la différence entre le bien et le mal.

Fier de ma religion

Pour ma part, je pense que ma foi est indestructible. Pour tous les gens que je connais, c’est vraiment ce qui nous caractérise. C’est notre foi en Jésus-Christ. Nos parents, nos grands-parents ont su mourir pour Jésus. Je pense que c’est vraiment quelque chose qui est ancré en moi. Mais, en France, c’est de plus en plus difficile d’être chrétien. Ce n’est pas bien vu par tout le monde. Ca ne m’a jamais bloqué. J’ai toujours été fier de ma religion, de ma foi, sans faire de prosélytisme. Mais quand on me demandait de quelle confession j’étais, je n’ai jamais eu honte de le dire. C’est vraiment ce qui fait ce que je suis. C’est vraiment ce qui est le plus important.

Pour moi, c’est suivre le message de Jésus, même si c’est difficile. C’est difficile de pardonner, de ne pas être rancunier. Toutes ces choses que Jésus nous a demandé, de faire, de donner, c’est difficile de le faire au jour le jour. Quand on se fait insulter, quand on est moqués, dénigrés pour notre foi chrétienne, c’est difficile. Mais c’est par ma vie, ma façon d’être avec les gens, de parler, montrer que je suis le meilleur homme possible. Et qu’est-ce qui fait que je suis un homme bien ? C’est le message de Jésus.
Je vis ma foi. Il n’y a rien qui peut m’empêcher de la vivre. Il faudrait qu’on arrête de donner une mauvaise image ou de moquer le christianisme. Dans les médias, on rigole du pape, de toutes nos traditions. Mais personne ne peut m’empêcher de vivre ma foi. Je n’arrive pas à imaginer le contraire. Je vis super bien ma foi. Quoi que l’on dise, quoi que l’on fasse autour de moi pour raconter n’importe quoi sur ma religion, ça rentre par une oreille et ça ressort par l’autre. Le seul message que j’écoute, c’est celui de Jésus. Dans un débat d’idée, s’il s’agit de défendre mes idées, je les défends. Ma foi est ce qui est essentiel dans ma vie. C’est ce qui fait ce que je suis.

 

«  Aimez-vous les uns les autres », nous voulons le vivre ensemble

Jean-Pierre Fourage et l'équipe d'animation paroissiale, paroisse Saint-Christophe de Coubron

Cela fait maintenant plus de 17 ans que la communauté orthodoxe a demandé à pouvoir utiliser l'église Saint-Christophe de Coubron pour y célébrer leurs offices (divine liturgie). Cette église a donc été prêtée par l'évêché catholique de Saint-Denis en France.
Des offices présidés par leur évêque y sont donc célébrés maintenant toutes les semaines et jours de fêtes.
Les salles paroissiales sont mises à leur disposition pour y assurer le catéchisme, l’apprentissage de leur langue « l’araméen » et leurs rencontres de partages conviviaux.
Au fil du temps les catholiques se sont rendus compte que leur église recevait des chrétiens pour un autre culte que le leur et s’en sont progressivement rapprochés pour le découvrir.
Des liens se sont tissés avec les représentants de la communauté orthodoxe qui nous ont permis des échanges individuels puis des rencontres collectives pour mieux se connaître.

Des chrétiens des deux communautés assistent de temps en temps à l'une ou l'autre des célébrations pour y découvrir les différences de culte.
Nous avons organisé des rencontres conviviales dans le but d'échanger sur des points particuliers de nos religions et façons de faire. La dernière rencontre permettait d'aborder les questions suivantes : Pourquoi est-il difficile de transmettre la foi aujourd'hui ? Comment nous aider dans cette transmission ? Ces échanges permettent de nous enrichir mutuellement et nous pensons que nous participons ainsi au dialogue œcuménique qui est une vraie nécessité.

Pouvons-nous dire que la participation commune à des actions est le premier pas au service de l'humanité ? Si tel est le cas nous le vivons avec une forte participation de la communauté orthodoxe au « repas du secours catholique » organisé une fois par an à Coubron (et bien d'autres). Cette présence orthodoxe auprès de notre communauté catholique nous a permis de découvrir la pratique d'une foi différente de la nôtre mais dont les fondamentaux sont les mêmes.

Il est écrit dans l'Evangile « Aimez-vous les uns les autres … » Nous voulons le vivre ensemble.

Nous invitons toutes les communautés catholiques de Seine-Saint-Denis à se rapprocher des communautés orthodoxes, elles sont très accueillantes et chaleureuses.

 

Rencontres et entraide fraternelles

Sylvaine Trioullier, vice-présidente de l’Association familiale catholique de Gagny-Montfermeil (AFC 93)

Notre AFC organise deux fêtes avec les Chrétiens d’Orient.
Une Fête des Familles, initiée au niveau national par la CNAFC (ndlr : Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques) en 2005, est vécue annuellement  dans le 93 depuis 2008 pour rencontrer une autre culture présente dans le 93  et fraterniser : avec les Libanais, les Polonais, puis les Portugais, les liens d’Outre-Mer et de l’Océan Indien…

En 2013, l’horrible évènement de la guerre civile en Syrie a imposé des contacts avec des frères locaux concernés : syriaques orthodoxes et catholiques assyro-chaldéens. Nous les connaissions peu mais nous avons rencontré des prêtres qui ont désigné des interlocuteurs laïques. Des échanges existant avec la communauté de Coubron a facilité les contacts. En novembre 2013, la Fête des Familles a été préparée par tous les groupes : cuisine, services, danses vécus ensemble. 250 personnes à la Salle des Fêtes de Montfermeil ont dit qu'elles étaient prêtes à recommencer. L’Oeuvre d’Orient a été invitée et Mgr Gollnisch (ndlr : directeur général de l'Oeuvre d'Orient) a reçu une enveloppe de 750 € quêtés sur place pour aider deux villages précis.

En 2014, le vécu des chrétiens persécutés en Irak nous a fait évolué vers une rencontre surtout d’entraide et l’Association SOS Chrétiens d’Orient est venue nous présenter ses actions méritantes qui ont ému les trois communautés présentes, les paroissiens et membres de l'AFC. La collecte a été de 2200 €. La soirée a réuni presque 300 personnes, le repas gratuit a été confectionné familialement.

L’AFC a  proposé l'initiative, organisé des rencontres préparatoires, assuré la logistique pour la mise en place de la salle, la confection de plats, les services, l'animation de la soirée. Nous ne sommes que quelques uns mais aidés de membres de notre famille, d’amis, de paroissiens. La Fête des Familles est un rendez-vous largement annoncé en paroisse, bénéficiant de l’appui des prêtres et du maire de Montfermeil, parfois annoncée dans le journal municipal.

Les rencontres paroissiales sont favorisées par un lieu de culte commun à Coubron où la messe orthodoxe est devenue hebdomadaire. Il y a des messes vécues ensemble avec repas à la suite. Il y a aussi les rencontres lors de la Semaine de l’Unité des Chrétiens.

Mais rien ne remplace le contact amical personnel avec visite au domicile de l’un ou de l’autre. Il faut du temps, de la fidélité, un désir prolongé de liens amicaux.

Dans le contexte abominable de persécution systématique trop peu évoqué et pas toujours bien compris des médias, la chaleur humaine est fondamentale. Mais on se sent petit de si peu donner. Il devrait y avoir de gigantesques manifestations de rues pour dénoncer des méthodes totalitaires subies dans une sorte de mutisme. Nos frères d’Orient sont effondrés et on se sent coupable d’être dans un pays où le mot « chrétien » est si peu prononcé face au terrorisme djihadiste. C’est la dérive du laïcisme, si bien que beaucoup de chrétiens d’Orient quittent la France où ils se sentent incompris. Notre vraie réponse doit être l’accueil de davantage de réfugiés.

 

Tout tourne autour de la foi

Yuanis Fidan, paroisse Saint-Louis, Bondy

Je vis à Bondy depuis  juillet 1986, quand mes parents ont déménagé de Clichy-sous-Bois. Depuis, on est restés et avec mon épouse et mes 3 enfants, je fréquente toujours la même paroisse : Saint-Louis.

Mes parents sont arrivés en France en 82. On était en Turquie avant, pas loin de la frontière avec l’Irak. La plupart des Chaldéens qui sont en France viennent de Turquie. Avec les évènements malheureux qui se sont produits en Irak, il y a de plus en plus d’Irakiens qui viennent aussi en France, mais ils sont plus installés à Lyon.

 

Partir pour reconstruire

C’est toujours pareil. Il y a une personne du village qui est venue en France bien longtemps avant les autres, dans les années 75 et 80. Il a trouvé à Clichy et puis ensuite il y a une solidarité qui s’installe parce que quand on arrive, on n’a pas où se loger, pas de travail.

Par exemple, on est arrivés en 82 et les premières années, jusqu’en 90, on a hébergé chez nous environ une dizaine de familles, successivement, le temps qu’ils trouvent du boulot, un logement, etc. Nous-mêmes avons été accueillis par une autre personne. Mes parents sont restés 8 mois chez elle, le temps qu’on trouve quelque chose, et ainsi de suite.

Mon père est arrivé quelques mois avant le reste de la famille, le temps de trouver un petit boulot. Et après, lorsqu’il a eu une situation plus stable, même s’il n’avait pas réussi à trouver un logement, on est venus avec ma mère et mes frères et sœurs, 4 garçons et 3 filles. Mes parents se sont beaucoup endettés pour venir. Après il fallait rembourser. Il n’y avait que mon père qui travaillait donc c’était un peu difficile au début. Ensuite, avec la grâce de Dieu, tout s’est bien passé.

Nous avons vécu une situation un peu particulière là où nous étions en Turquie : nous étions pris entre les Turcs et les Kurdes. Jusqu’à récemment, il y avait un conflit entre les Turcs et les Kurdes. Les Kurdes qui réclamaient l’autonomie et les Turcs qui ne voulaient pas la leur donner. Nous étions 7 petits villages dans cette région, de 250 à 300 habitants chacun. Donc, nous n’avions pas de poids. Malgré tout, on s’entraidait. Et puis, à un moment, les parents ne supportaient plus de se faire, d’un côté racketter et de l’autre accusés d’héberger des terroristes. On était pris entre 2 feux. C’est l’une des grandes raisons qui ont poussé mes parents à partir. C’était aussi un peu la misère, parce qu’on était dans un petit village où il n’y avait pas d’électricité, pas d’eau potable. Aujourd’hui, il n’y a plus personne dans le village parce qu’il a été pris par l’État pour faire un terrain de tests militaires. C’est ce qu’ils ont prétendu. Maintenant, on ne sait pas puisqu’on n’y retourne plus. On n’a plus de famille là-bas.

A Bondy, nous ne sommes pas très nombreux. La grosse majorité des personnes de ces villages sont maintenant dans le 95 : Sarcelles, St-Brice, Villiers-le-Bel, Arnouville. Le beau-frère de mon père et un de ses cousins sont installés à Bondy et les autres sont dans le 95. Nous comptons rester parce que la famille est là. Mes frères sont installés à Bondy. Il y a toujours mes parents et deux de mes frères qui ont leur maison ici. L’installation à commencé avec mes parents. Mes grands-parents sont décédés en Turquie avant de venir.

La foi, liens familial et social

Certaines choses ont tendance à disparaître, d’autres sont restées, par exemple, à Pâques ou à Noël, chaque famille fait le tour des membres de la famille voisins, les cousins à Bondy, pour leur souhaiter « Joyeuses Pâques », « Joyeux Noël ». Un autre exemple, chaque dimanche, on se voit tous à l’église, sauf ceux (dans la restauration ou dans les aéroports) qui travaillent le dimanche. En général, quand on va à Saint-Louis, il y a toute une rangée qui est occupée par la famille parce que tout le monde est là : les grands, les petits, les grands-parents… et après, ils se retrouvent à l’extérieur pour discuter. Discuter à l’extérieur a toujours existé. Depuis le village, après la messe, l’église est un point de rencontre, c’est un centre. Tout tourne autour de la foi. On a aussi le chapelet en famille. Mes parents font le chapelet avant Pâques, avant Noël et les fêtes en l’honneur de la Vierge Marie. Il y a 5 ou 6 ans, à Noël et à Pâques, on allait dire « Joyeuse fête » à toutes nos familles dans le 95, à Bondy ou à Clichy, etc. Parfois, on passait deux jours à dire « Joyeux Noël », « Joyeuses Pâques » parce qu’on avait gardé cette coutume depuis le village où on allait chez les uns et les autres pour dire, pour apporter la joie de la naissance et de la résurrection de Jésus, notre Seigneur. Maintenant ça devient très compliqué. Étant donné que les personnes sont de plus en plus éparpillées, depuis 4 ou 5 ans, on organise un repas dans une salle louée avec les enfants, les grands-parents… Là, tout le monde se voit.

Les villages se composent de groupes. Chaque groupe est une famille. Notre village c’est 7 familles. Chaque famille représente environ 200 à 500 personnes. Ma famille représente environ 500 personnes. Mais je ne connais pas tous les noms. Si je les croise, on va se reconnaître, étant donné qu’on se voit de temps en temps, notamment pour les grands repas de Noël et Pâques. Avant, seuls les parents allaient de maison en maison. Les enfants ne se déplaçaient pas.

Catholiques assyro-chaldéens

Nous sommes catholiques rattachés à Rome depuis le rattachement de notre Église assyro-chaldéenne. Notre patriarche est normalement à Bagdad, mais avec les derniers évènements, on ne sait plus ce qui se passe. Nous avons des prêtres et construit une église à Sarcelles, limite Saint-Brice. Elle a été inaugurée en 2002 et il y a un projet de construire une nouvelle église.

Nous sommes catholiques, donc nous avons toujours fréquenté les églises catholiques. L’Église assyro-chaldéenne a un rite oriental. La liturgie est un peu différente, mais les différences de rites ne me posent pas de problème. Je vais de temps en temps à l’église assyro-chaldéenne, dans les grandes occasions comme Pâques ou lors de mariages de proches ou de messes pour les défunts, mais sinon je suis toujours à Bondy. Je suis impliqué dans la paroisse où je fais partie de l’équipe d’animation paroissiale (EAP) depuis que j'ai été appelé par le père Marc Leveillé en 2007-2008. Je suis aussi le référent à Saint-Louis pour les catéchumènes depuis un an. Je suis accompagnateur et témoin d’un catéchumène. Désigné volontaire par le père Bertrand (ndlr : curé de la paroisse), donc j’ai dit : « Oui. » Ce n’est pas évident de prendre beaucoup de fonctions. Étant donné qu’il y a beaucoup de réunions (EAP ou autres) et qu’en plus il y a la famille et le travail. Même si on voudrait, mais après il faut, non seulement s’engager sur du long terme, mais aussi tenir et essayer de faire ça sérieusement. A Saint-Louis, cette année on a 3 adultes catéchumènes qui ont participé à la cérémonie de l’appel décisif dimanche 22 février dernier. J’étais là. C’était très beau.

Chrétien aujourd’hui 

Être chrétien aujourd’hui, c’est le revendiquer. Que ce soit au boulot ou ailleurs, je n’ai pas l’impression que les chrétiens ou les catholiques de France montrent qu’ils sont chrétiens où l’affirment. C’est comme si la foi était personnelle. Je pense que la foi est personnelle, mais elle est aussi communautaire puisqu’on va à l’église, à la messe tous les dimanches. On doit donc aussi la vivre au quotidien et ne pas dire que c’est juste personnel. Donc, je n’hésite pas à dire que je suis chrétien, que ce soit au travail ou ailleurs. Même si parfois, ça leur semble un peu hors du temps. On me dit : « Ah bon, tu vas à la messe le dimanche avec tes enfants ? » - « Ben oui, je vais à la messe avec mes enfants. » On a l’impression parfois de passer pour un fou. Comme si c’était une secte et qu’on ne devrait pas y être. Je leur dis que ça m’apporte beaucoup de joie, beaucoup de bonheur, beaucoup de stabilité dans ma vie familiale ou personnelle. Moi, ça me va très bien.

La foi en pratique

Ce qui me parait essentiel pour vivre ma foi, c’est de la pratiquer. Essayer de mettre en pratique ce qu’on entend le dimanche parce que c’est ça le plus dur. On peut aller à la messe, mais si c’est juste pour écouter le sermon du prêtre, si après c’est pour sortir et faire comme si de rien n’était ou comme d’habitude… Pour moi, il faut qu’on puisse se convertir, que notre cœur soit converti au message du Christ : fraternité, paix, etc. C’est vrai qu’aujourd’hui, c’est un peu compliqué. Parce que dans les médias ou autres, je ne sais si les chrétiens sont mal vus ou pas, même dans la politique. Dès qu’on fait quelque chose, non, il faut que ça vienne de la République ou de l’État. Par exemple, à Saint-Louis, il y a eu un appel pour essayer de trouver des hébergements d’urgence. Les gens l’ont très bien accueilli. Il y a eu beaucoup de volontaires. Des gens apportaient des repas pour le soir, etc. Pour moi, c’est ça vivre la foi. C’est non seulement la transmettre à des jeunes, mais c’est aussi mettre en pratique au quotidien.

Transmettre à mes enfants

J’emmène mes enfants avec moi à la messe tous les dimanches, même si parfois ils ne sont pas contents. Ce n’est pas grave, je pense qu’il faut leur apprendre. Ce n’est pas comme on dit : « Il faut les laisser libres de choisir. » Un enfant, si on le laisse libre de choisir, on peut le laisser libre d’aller à l’école aussi, de marcher ou pas quand il est petit, d’apprendre à parler ou pas, ou de manger avec ses mains. C’est un tout. Pour moi c’est essentiel. Donc, si pour moi, c’est essentiel dans ma vie et que ça peut apporter quelque chose de bien, j’en fais profiter mes enfants par la messe, le catéchisme, l’éveil à la foi. Ils sont inscrits chaque année au Camp Bible au Fil. C’est aussi la prière le soir avec les enfants. J’essaie de les impliquer. J’espère que Thomas, l’aîné, fera partie des servants d’autel l’année prochaine et même cette année. J’essaie de les faire participer à la vie de la paroisse.

Quand les enfants voient qu’il y a quelque chose d’important pour les parents, qu’on leur montre que c’est important pour nous et que ça nous apporte quelque chose de bien, je pense qu’ils s’investissent aussi. Au début c’est certainement pour faire plaisir aux parents. Peut-être que je me trompe, mais je ne pense pas que mes enfants comprennent beaucoup de choses à la messe lorsqu’ils viennent. Mais au fur et à mesure, c’est une culture et au quotidien, tout le temps c’est la messe le mardi et le dimanche. Je sais que parfois, pour les enfants, c’est un peu compliqué. Par exemple, Thomas fait du judo et quand il y a un tournoi le dimanche, on ne va pas au tournoi parce que je privilégie la messe au sport. Même si dans la semaine, il doit aller au sport. C’est essentiel de leur transmettre une foi et de leur dire ce qui est important. Ca peut se faire de plusieurs façons, par exemple notre comportement : quand ils nous voient prier, ou nous nous pardonner  avec ma femme après une dispute, comme il peut y en avoir dans tous les couples. Ca montre à nos enfants qu’il faut pardonner et qu’il ne faut pas s’arrêter à des choses mauvaises ou à la violence, etc. C’est un principe de vie. C’est une culture aussi.

Je pense que c’est un combat spirituel, pour les enfants et même pour nous. En tant qu’adultes, on est soumis à des choses qui nous distraient pendant la messe ou ailleurs. Je le vois parfois Thomas est turbulent pendant la messe, il est distrait. Mais il fait tout de même des efforts pour rester concentré. Je ne sais pas s’il comprend vraiment le sens, mais je pense qu’il sent quelque chose d’important. Peut-être parce qu’il le voit aussi par rapport à l’attitude de ses parents. Pendant la consécration, nous sommes à genoux. On ne le force pas à se mettre à genoux s’il ne veut pas, mais je leur dis de rester sages. Et s’il l’a fait à la messe de clôture du Camp Bible au Fil alors que je n’étais pas à côté de lui ce jour-là, pour moi, c’est une bonne chose.

 

Prier avec nos frères d’Orient

Petite sœur Marie-Françoise Breaud, aumônier des étudiants à Saint-Denis

Baher, jeune chrétien égyptien, est arrivé en France il y a quelques mois… Il fait des études de théâtre à l’université de Saint-Denis, Paris 8. Rapidement, il a commencé à fréquenter l’aumônerie et a accepté de faire partie du bureau de l’aumônerie des étudiants.

Grâce à lui, nous avons été sensibilisés à la question des chrétiens d’Orient et il nous a fait connaître Antiokia (ndlr : association des jeunes de l’Œuvre d’Orient) : nous avons ainsi participé à une veillée de prière et de témoignages proposée par Antiokia à l’église Saint-Ferdinand-des-Ternes à Paris, vendredi 12 décembre 2014 : « Au cœur de l'Avent, chrétiens d'Orient et d'Occident, prions ensemble pour la paix ».

Puis, pour le rassemblement national des étudiants à Grenoble, les 31 janvier et 1er février 2015, dont le thème était « Ose la confiance », notre aumônerie a tout naturellement choisi d’animer, parmi 12 autres propositions, un atelier de prière en collaboration avec Antiokia de Paris : « Prière avec les chrétiens d’Orient ». «  L’animation, c’était super avec Antiokia », partage Jinezie,  l’une des étudiantes du bureau !

Quand, avec les étudiants du bureau et des jeunes responsables d’Antiokia et de l’Œuvre d’Orient,  nous avons regardé dans quelle salle notre atelier était situé à Grenoble, nous avons été grandement surpris de découvrir que nous était attribuée une salle pouvant contenir 400 personnes !!! En effet, 340 étudiants s’y étaient inscrits... En fait, nous étions  entre 400 et 500. Une personne du Centre œcuménique de Grenoble, où nous étions, m’ayant partagé que la salle pouvant contenir 500 personnes était pratiquement pleine… C’est dire combien cette question est chère au cœur de beaucoup…

Frappée par les témoignages

Le temps de prière d’une heure commençait par une musique de fond, choisie par Baher, ce qui  nous introduisait d’emblée dans  la culture orientale ! Puis, le témoignage de Georges, un  jeune chrétien d’Irak, étudiant à Tour, nous a tout de suite plongés dans le cœur du drame vécu par nos amis en Orient… Celui de Baher nous a donné de mieux comprendre aussi ce qui se vit en Égypte. Les dizaines de chapelet, que tous, nous avons priées  alternativement  en arabe et en français, aux intentions de ces pays d’Orient, Irak, Syrie,  Égypte, Liban, Palestine, nous donnaient de communier à l’âme de ces peuples et de tous nos frères et sœurs persécutés pour leur foi dans différents pays du monde. « Je n’aurais jamais pensé faire le chapelet en arabe ! Tout le monde récitait le « Je vous salue Marie » en arabe, c’était extraordinaire… » Les mystères glorieux que nous méditions nous ont  permis de renouveler, au cœur de ces drames, en communion avec nos frères et sœurs persécutés pour leur foi, confiance et espérance en Christ ressuscité. Oui, « Ose la Confiance » !!!

Voici ce que partage Jinezie sur le vécu de ce temps de prière : « On a senti vraiment une solidarité avec les personnes venues à cet atelier, entre 400 et 500, tout un  élan de fraternité, de solidarité !…
J’ai été frappée par le témoignage du jeune irakien : il est parti de chez lui, avec sa famille,  du jour au lendemain, sans savoir où ils allaient et sont arrivés dans une terre inconnue, sans parler la langue. Ils ont osé la confiance !
Cela fait 4 ans qu’ils sont arrivés en France, il  s’exprime déjà bien  en français : il a su bien s’adapter… C’était vraiment un beau témoignage de foi ! Il a exprimé qu’il s’était senti accepté par les personnes qui l’ont accueilli en France, qu’il avait été aidé. La France est devenue pour lui une nouvelle patrie…
Le témoignage de Baher était quelque chose de fort. J’ai compris que c’est la politique qui crée ce genre de situation dans son pays, ce n’est pas quelque chose de purement religieux, le politique influence le religieux. Il demande de prier pour qu’un jour ils puissent vivre en paix dans leur pays… »
Oui, depuis  la soirée avec Antiokia à Paris et depuis Grenoble, nous prions pour nos frères et sœurs d’Orient…

 

Propos recueillis par Anne-Marie Tossou

 

Repères

Eglises chrétiennes d'Orient en 93

Communauté grecque orthodoxe d’Antioche
-Paroisse et église : St-Michel-et-St-Gabriel - 5 av. Georges Clémenceau, Blanc-Mesnil

Communautés coptes orthodoxes
-Paroisse St-Antoine-et-St-Paul, église du Sacré-Coeur - 104 r. du Dr Bauer, St-Ouen
-Paroisse Ste-Marie, église St-Jean - 93 av. Marceau, Drancy

Communautés syriaque orthodoxe
-Paroisse et église Ste-Marie-Mère-de-Dieu - 58 av. D. Perdrigé, Montfermeil
-Paroisse St-Severios, église St-Christophe - 7 r. de l’Église, Coubron

Communautés chaldéennes catholiques
-Chapelle Jean XXIII -  all. Fernand Lindet, Clichy-sous-Bois.

 

A lire...

Le Christianisme oriental dans tous ses états, Henri de Saint-Bon, Editions le livre Ouvert

 

Site du Vatican 

Unitatis redintegratio, décret sur l’œcuménisme, 1964
Ut unum sint, Lettre encyclique sur l’engagement œcuménique (Jean-Paul II), 1995

 

Site « Solidarité Orient »

Les Églises du Proche-Orient