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« Le contrat et l'alliance », par Etienne Grieu, jésuite (Saint-Ouen)

Le 13 mars 2012, Etienne Grieu faisait une intervention au Centre Saint-Paul (tenu par les Fils de la Charité) à Issy-les-Moulineaux.
Publié le 19/04/2012

Etienne Grieu est jésuite, il enseigne la théologie au Centre Sèvres à Paris et vit en communauté à Saint-Ouen (93). Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont le dernier s’intitule « Un lien si fort - quand l’amour de Dieu se fait diaconie ».


La solidarité a toujours existé chez les chrétiens, depuis les repas partagés des premiers siècles, pris dans les maisons des chrétiens, puis dans les églises. Un jour ce ne fut plus possible et les repas ont laissé la place à l’aumône, plus abstraite et assez vite sous-traitée.

Et petit à petit la Bonne Nouvelle de l’Evangile est devenue un message, sans chair. Certes, de ce message de fraternité, on en déduisait des "valeurs", que l’on mettait en œuvre par des dons que l’on confiait à des "groupes spécialisés", des congrégations religieuses par exemple. Dans ce schéma, la solidarité vient comme conséquence de la foi, de l’adhésion au message chrétien, elle n’est plus une des sources de l’expérience spirituelle et religieuse.

Le projet de Diaconia 2013 est de revenir sur la place et les fondements de la solidarité dans l’Eglise et dans la vie chrétienne, et de partir de la place centrale de l’Alliance dans la mission du Christ : il est venu renouer les liens d’Alliance entre Dieu et l’humanité entière. Il n’est donc pas seulement question de "message", mais de "relations" à renouer.

Une relation d’Alliance. La logique d’alliance est autre que la logique de l’échange rétribué. La plupart du temps, nous vivons sous le mode du "contrat" : on sait donc à quoi s’en tenir si on le respecte ; voilà qui est indispensable, qui permet de prévoir, de classifier, d’administrer, d’organiser de mieux en mieux les services. Avec un risque non négligeable cependant, celui de mettre hors-jeu ceux qui sont tombés au bas de l’échelle, du fait d’un handicap, d’un âge devenu grand ou de la grande pauvreté.

Or le Dieu de la Bible s’engage sans condition préalable, hors de tout échange marchand. Il s’engage « uniquement parce que c’est toi. » Le peuple lui répond en pointillé, mais Dieu passe par-dessus ses non-réponses ; il sait attendre, parce qu’il tient à cette relation avec l’humanité. Il y a bien entendu une Loi à observer (cette alliance conduit à des exigences "contractuelles"), certes, mais elle n’est pas le socle de la relation.

Les personnes en grande précarité, comme personne d’autre, nous font redécouvrir l’essentiel : « tu viens pour moi et rien que pour cela » ; elles nous font faire un pèlerinage aux sources de la vraie vie. Il y a, dans cette gratuité requise, une source pour l’expérience spirituelle.

Une relation qui ne boucle pas sur elle-même. Si le contrat apporte du prévisible, l’alliance déloge sans cesse ; les disciples de Jésus avaient prévu de se reposer avec lui, et voilà que la foule vient, qu’ils doivent nourrir. Simon avait invité Jésus pour parler tranquillement et voici qu’une femme survient et tout est bousculé. C’est toujours comme cela, dans les récits évangéliques, les atypiques surviennent, les hors-clous s’imposent, et personne ne peut se payer de mots, puisqu’il s’agit de nous confronter à des situations inhumaines qui nous laissent démunis.

Belle expérience spirituelle que celle qui nous fait passer de l’autre côté, du côté des « démunis ». Lorsque que nous nous laissons toucher, nous découvrons la vie des autres, la vie. Et avec eux, c’est un autre type de relations que nous voulons – au plan de la société, nous ne pouvons les laisser sans hôpitaux, sans école, sans justice. Nous ne pouvons pas les laisser seuls, sinon, nous ne serions plus dignes et debout. Enfin, on fait l’expérience du dépouillement, parce qu’on fait ce qu’on n’avait pas souhaité faire, on donne plus qu’on ne le voulait. On fait une expérience de deuil, mais qui conduit à la vie : l’essentiel est du côté de la rencontre avec les autres. Où se niche l’expérience spirituelle si ce n’est dans la sortie de nos enfermements, dans ces horizons qui se présentent dès que les portes s’ouvrent.

Il n’est pas difficile de comprendre que la diaconie ou le service du pauvre fait partie du cœur du métier de l’Eglise. Faut-il se souvenir que dans l’Eglise primitive, au moment du baptême, le célébrant interrogeait : « est-il allé visiter les pauvres ? » Le service de la charité est décidément une marque de fabrique, même si l’Eglise, comme elle le sait, n’en a pas le monopole.

Article publié dans la Lettre du comité chrétien de solidarité avec les chômeurs et les précaires - n°89, Avril 2012 / D’après les notes prises par Gérard Marle.

En savoir+ sur l’ouvrage « Un lien si fort »