Engageons-nous pour le bien commun — Diocèse de Saint-Denis-en-France

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Engageons-nous pour le bien commun

Dans un entretien publié sur le site internet des Scouts et Guides de France, Mgr Delannoy nous apporte son éclairage sur l’engagement des catholiques, en particulier des jeunes, en politique.
Publié le 01/03/2017

Interview exclusive - Mgr Pascal Delannoy, évêque de saint Denis, est vice-président de la conférence des évêques, qui, l’automne dernier, a publié un ouvrage « Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique ».

Les catholiques doivent-ils s’intéresser à la politique ?

Tout citoyen est concerné par la politique ! Elle engage notre projet de société, elle le définit. Ce projet est mis en œuvre par des personnes qui sont choisies par élection. Pour les croyants, l’importance de la politique a été rappelée dès 1927 par Pie XI qui disait que la politique est l’une des expressions de la Charité, autrement dit de l’amour. A travers la politique, les choix que nous faisons, nous pouvons ainsi mettre en œuvre toute une dynamique de la charité et de l’amour du prochain. C’est pour cela que le terme clé qui dirige l’action politique des croyants est la notion de bien commun, définie par la doctrine sociale de l’Eglise. C’est plus que l’intérêt général, puisque le bien commun, c’est mettre en œuvre les conditions qui permettront à tous d’atteindre leur perfection, au niveau de leurs talents, leurs dons, leurs charismes. C’est par exemple veiller à ce que tous aient accès à l’éducation, à la santé, à la culture mais, j’insiste, pour tous et pas seulement pour quelques-uns.

Est-ce que Jésus avait un programme ?

Jésus avait un programme, si on peut parler ainsi, pour notre monde, et ce programme est résumé dans ce magnifique texte des Béatitudes que nous trouvons en Saint Mathieu, au chapitre 5. Ces Béatitudes sont aussi, je crois, au cœur du scoutisme. Pour autant, aucun parti politique ne s’identifie avec la pensée chrétienne. Dans chaque parti, des chrétiens peuvent s’engager avec l’originalité qui est la leur mais aucun parti ne peut se cautionner de l’Eglise. De même personne ne peut s’exprimer au nom de l’ensemble des chrétiens.

Le pape François à Cracovie lors des JMJ invitait les jeunes à sortir de leur canapé et à s’engager. L’Eglise de France a-t-elle une attente particulière vis-à-vis de la jeunesse ?

Aujourd’hui, l’engagement politique est dévalorisé. Il y a une crise de confiance, une crise d’estime. On ne croit plus dans les paroles, dans les promesses, et toute une partie de notre jeunesse peut penser qu’il ne faut pas s’engager en politique au risque d’y perdre son âme. Nous essayons de dire aux jeunes que l’engagement politique est important. Si nous voulons que le projet de société soit éclairé par les valeurs chrétiennes, qu’il tienne compte de la vision de l’Homme que nous tenons de notre foi en Jésus-Christ, il est important que des chrétiens puissent prendre des responsabilités politiques. Ne nous laissons pas détourner de l’engagement politique, ce serait très grave. Engageons-nous pour améliorer l’exercice de la politique et pour travailler un projet de société qui soit respectueux de la dignité de la personne humaine.

Les jeunes générations savent qu’ils auront un moins bon niveau de vie que la génération qui est aujourd’hui aux commandes, celle de leurs parents, qui n’a pas réagi face à la crise climatique. Il y a une forme de désarroi.

Le document de réflexion du Conseil permanent de la CEF s’intitule « Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique. » Nous ne sommes plus dans les « trente glorieuses », et il est vrai que les parents des jeunes d’aujourd’hui étaient déjà confrontés à la crise économique. Dans notre document, nous soulignons quelques défis à relever, ensemble, dans ce monde qui change. Notamment, le rapport à l’emploi. Dans mon département, la Seine-Saint-Denis, dans certaines cités c’est 30 à 40% des jeunes qui sont au chômage. C’est dramatique parce qu’être au chômage, c’est ne pas avoir de place dans la société, ne pas avoir de reconnaissance par le biais du travail. C’est comme si nous disons à ces jeunes: « la société n’attend rien de vous. » Nous devons répondre à cette question du travail qui doit être proposée à tous.

Un autre défi, c’est la mondialisation. C’est absurde de croire que nous pourrions mettre des barrières partout et nous replier derrière des frontières nationales. On est dans un monde qui est fait de brassage et les scouts et guides le savent bien, ils en font souvent l’expérience, notamment au moment des études. Le défi, c’est de réussir cette rencontre des cultures. Pendant longtemps, en France, on a travaillé avec ce qu’on appelait le « creuset républicain ». On demandait aux arrivants d’intégrer notre histoire, nos valeurs, notre fonctionnement. Aujourd’hui, on voit bien que ça ne fonctionne pas et qu’il faut permettre aux cultures de s’exprimer. L’enjeu, c’est de permettre l’ouverture aux autres cultures sans aboutir au communautarisme. C’est très important pour les mouvements de jeunes, comme le scoutisme, parce que l’adolescence, c’est la période de la recherche de son identité. Il est tout à fait normal que de jeunes ado dont les parents sont originaires d’Afrique ou d’Asie, fassent ce travail d’identification, de recherche de leurs racines culturelles. Il faut les aider à faire ce travail, tout en restant ouvert aux autres cultures. Comment au sein d’un mouvement, permettra-t-on cette double dynamique : rechercher et reconnaitre ses racines, et dans le même temps accueillir l’identité de l’autre. L’enjeu est énorme ! Il s’agit d’éviter un repli identitaire. Ne soyons pas effrayés que des adolescents aient le souci de rechercher leur identité. Nous devons faire émerger les points communs : par exemple toutes les cultures aspirent à la paix ! Et le scoutisme a un atout formidable avec sa dimension internationale.

Un autre point fort du scoutisme, c’est tout ce qui a trait à l’écologie. Tous les jeunes peuvent se retrouver aujourd’hui sur cette problématique. Laudato Si’ nous invite à redécouvrir ce qu’est une vie simple. Une vie simple, ce n’est pas une vie de misère. C’est découvrir que notre bonheur ne dépend pas de ce que nous consommons. Le piège de notre société de consommation, c’est de faire croire que notre bonheur dépendrait des biens que nous détenons, d’où la course au toujours plus. Le scoutisme, par sa pédagogie, permet aux jeunes de prendre conscience qu’ils peuvent être heureux à travers la rencontre de l’autre, en menant des projets ensemble, en partageant des moments de détente. A travers tout cela les jeunes découvrent que le bonheur, c’est la joie de se donner. Si je cherche mon seul intérêt je me condamne au malheur, parce que je crois que je suis au centre du monde et que tout m’est dû. Toute la pédagogie des mouvements de jeunes dans l’Eglise consiste à permettre aux jeunes à découvrir l’importance de se donner aux autres et bien sûr de savoir accueillir ce que sont les autres. Cela devrait faire partie de tout projet de société.

Accéder à l'entretien sur le site des Scouts et Guides de France