Le Service des Relations avec les Musulmans a organisé ce vendredi 31 janvier 2025 une conférence intitulée « CONSTRUIRE UNE GRANDE MOSQUEE, CONSTRUIRE LA FRATERNITE » avec l’intervention du cheikh Abdelghani BENALI, imam et recteur de la grande Mosquée de Saint-Ouen et président de la RAM 93 (Rassemblement des Associations Musulmanes de Seine saint Denis).
Cette conférence était reliée à la Journée Internationale de la Fraternité humaine, fêtée le 4 février, en référence à la signature du document Fraternité humaine à Abou Dhabi le 4 février 2019 entre le pape François et l’imam Ahmed Al Tayyeb, grand imam d’El Azhar, événement historique auquel notre intervenant était présent.
A la fois intellectuel et homme de terrain, en dialogue avec les autorités mais surtout avec la base, M. Benali nous a fait percevoir les défis profonds auxquels sont confrontés les musulmans de notre département marqué par une forte diversité :
- Défi de l’intégration dans un contexte social et économique difficile
- Défi de l’éducation et de la transmission des valeurs afin de permettre aux jeunes de conjuguer leur identité musulmane et française, avec les exigences et les valeurs de la République.
- Défi de la lutte contre les préjugés, ceux que portent les musulmans et ceux qui sont portés sur les musulmans
- Défi de la formation des cadres religieux
Les communautés musulmanes doivent affronter d’importantes difficultés :
- Celles de la restructuration de l’Islam de France avec la loi de 1905 concernant les cultes. La France compte actuellement près de 3000 lieux de cultes musulmans, mosquées et salles de prières. La Seine saint Denis est le territoire où le nombre de mosquées est le plus important (une soixantaine). Une cinquantaine de mosquées sont fédérées entre elles au sein de la RAM 93.
- Celles de la discrimination et du repli identitaire qui en est la conséquence. L’utilisation exagérée de termes en « isme » dans les médias (islamisme, jihadisme, frérisme, entrisme…) en référence à une extrême minorité de musulmans radicalisés fait du tort à l’ensemble des musulmans qui se sentent frustrés d’être ainsi présentés et représentés et entretient un sentiment d’être rejeté par la société qui peut conduire chez certains au repli identitaire ou à quitter la France. Le matraquage médiatique a également pour effet de susciter chez les non-musulmans de la peur et des attitudes de rejet qui menacent le vivre ensemble.
Il y a une responsabilité collective à promouvoir un islam de la connaissance, du dialogue et de la spiritualité.
Les communautés musulmanes sont appelées à relever le défi de la fraternité
- A l’intérieur même des communautés :
- En renforçant la solidarité et l’unité par le biais d’actions humanitaires
- En formant une jeunesse consciente, citoyenne et engagée
- En portant un discours théologique apaisant qui tient compte du contexte spécifique de la Seine saint Denis marqué par une pluralité de courants et de sensibilités
- En promouvant l’Islam du juste milieu
- A l’extérieur des communautés : les musulmans doivent être les acteurs du vivre ensemble. Les jeunes sont déjà ensemble dans le quotidien mais ne le théorisent pas.
Ils ne se sentent pas concernés par le dialogue interreligieux mais vivent au quotidien des échanges avec leurs camarades différents.
M. Benali nous a ensuite partagé avec beaucoup de chaleur et de passion l’aventure de la construction de la grande Mosquée de Saint Ouen, une mosquée française inaugurée en mai 2015, dont la construction a entièrement été réalisée grâce aux dons des fidèles – et sans apport d’un pays étranger pour ne pas en être dépendant – et à la volonté déterminée des membres du Bureau : « on y a cru avec nos tripes, on a donné notre temps, notre énergie, pour qu’il y ait un lieu de prière digne ». Le fait de se sentir investi dans la construction de la mosquée, non seulement au niveau économique mais aussi dans les choix de l’aménagement, dans le partage des compétences a eu pour effet de créer chez les fidèles musulmans une appartenance forte et durable à ce lieu sacré où chacun peut se sentir chez lui.
Comme le soulignait M Benali à la fin de son intervention : « la fraternité n’est pas un slogan, elle se construit pierre après pierre. C’est à chacun d’y apporter sa pierre »
Après un temps d’échanges avec la salle très intéressant, le Père Eugène Doussal a partagé un petit poème en guise de conclusion :
Pour construire un Lieu Sacré,
Il faut :
- Dire : « chiche on y va »
- Relever les défis
- Affronter les difficultés
- Connaître le terrain – le terrain peut être hostile
- Une intention spirituelle
Pour construire la Fraternité,
Il faut :
- Dire : « chiche on y va »
- Relever les défis
- Affronter les difficultés
- Connaître le terrain – le terrain peut être hostile
- Une intention spirituelle
La soirée s’est terminée par la lecture à plusieurs voix du début et de la fin du Document Fraternité Humaine. Une invitation à vivre ces mots afin qu’ils ne soient pas des coquilles vides mais puissent s’incarner dans le quotidien de nos vies là où nous sommes invités à vivre l’Evangile qui nous pousse sans cesse à aller vers l’autre et à traverser les frontières pour rencontrer Dieu qui vient toujours nous surprendre et nous entraîner au-delà des sentiers connus vers une fraternité toujours plus grande.
Sr Elodie et P. Dominique, co-délégués du SDRM 93
