Le soir de son élection, jeudi 8 mai 2025, le pape Léon XIV s’est présenté : « Je suis un fils de saint Augustin, augustinien » et, de fait, sa première sortie de Rome a été dans un sanctuaire augustinien.

Cela ne veut pas dire que notre Pape est un descendant de saint Augustin ! Cela aurait pu être possible vu que saint Augustin, avant sa conversion, a eu à 18 ans un enfant avec celle qui a été sa compagne pendant quinze ans. Cela signifie que le pape Léon XIV s’inscrit dans l’héritage et la spiritualité de saint Augustin. N’a-t-il pas étudié dès l’âge de 14 ans au petit séminaire des religieux de Saint-Augustin ? N’est-il pas entré en 1977 dans cet Ordre fondé sur les règles dictées par saint Augustin lui-même, Ordre dans lequel il a servi douze ans comme prieur général jusqu’en 2013 ? Ordonné évêque en 2014, Mgr Prevost n’a-t-il pas choisi comme devise épiscopale une phrase d’un sermon de saint Augustin sur le psaume 127 (3ème paragraphe) « Nous sommes un en lui seul [le Christ] » ? En 2023, alors qu’il apprend qu’il va être créé cardinal, il explicite dans une interview cette devise et comment la spiritualité augustinienne caractérise son ministère. Il termine par : « Saint Augustin est certainement une grande figure, non seulement pour l’Ordre, mais pour tout le monde. J’aurais aimé avoir plus de temps pour l’étudier et le lire. Il a tant à offrir à l’Église, même à l’Église d’aujourd’hui. Ensuite, ce que je disais tout à l’heure est important : l’unité dans l’Église et la fidélité à l’évêque de Rome, en cherchant toujours à promouvoir la communion. Cette unité vivante dans l’Église que recommande Augustin signifie vivre en étant unis dans le Christ ». Mgr Prevost ne se doutait pas alors que quelques mois plus tard il redirait ces propos… comme évêque de Rome ! Dans son blason papal se retrouve cette même devise, ainsi que des emblèmes augustiniens.

Mais qui est saint Augustin d’Hipponne ? Né au 4ème siècle dans l’actuelle Algérie, son cheminement humain et spirituel, comme le nôtre, a connu des zigzagues. À 45 ans, dans son livre « Les Confessions », Augustin évoque le moment-clef où, en proie à une profonde crise existentielle, il a enfin trouvé ce qu’il avait longtemps obscurément cherché dans les plaisirs de la chair, les honneurs, la littérature, la philosophie. Comme cela peut nous arriver à nous. « Tu nous as faits orientés vers toi et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose pas en toi […]. Bien tard, je t’ai aimée, ô beauté si ancienne et si nouvelle, bien tard, je t’ai aimée ! Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors. […] Tu étais avec moi et je n’étais pas avec toi ; elles me retenaient loin de toi, ces choses qui pourtant, si elles n’existaient pas en toi, n’existeraient pas ! Tu as appelé, tu as crié et tu as brisé ma surdité ; tu as brillé, tu as resplendi et tu as dissipé ma cécité ; tu as embaumé, j’ai respiré et haletant j’aspire à toi ; j’ai goûté, et j’ai faim et j’ai soif ; tu m’as touché et je me suis enflammé pour ta paix. » (Les Confessions I, 1 ; X, 27) La paix, justement, ce sont les premiers mots prononcés par le pape Léon XIV lorsqu’il est apparu le 8 mai 2025 au balcon de la basilique Saint-Pierre après son élection.
Devenu évêque, Augustin a écrit une règle pour aider ses proches collaborateurs à vivre une vie communautaire inspirée par celle des premières communautés chrétiennes, décrite dans les Actes des Apôtres (fin du chapitre 2). Une règle simple et courte qui peut nourrir notre vie chrétienne à nous tous, laïcs inclus, comme en témoignent les fraternités séculières des Augustins. Elle débute par « Avant tout, très chers frères, aimez Dieu, aimons le prochain ». Elle met l’accent sur la prière, la charité, la mise en commun des biens, l’unité… Première règle monastique d’Occident, souple dans ses applications, elle a été adoptée par des centaines de congrégations aux spiritualités très variées, dont au 13ème siècle les Dominicains qui y ont ajouté leurs propres statuts complémentaires, et l’ordre mendiant des Ermites de Saint Augustin (premier nom de la congrégation dont est issu le pape Léon XIV). De nombreuses congrégations de la famille augustinienne s’y réfèrent aujourd’hui encore, telles nos sœurs religieuses de l’Assomption à Bondy ! Pour sûr que notre pape, en sa vie et ses paroles nous fera bénéficier de la spiritualité de saint Augustin, comme nous bénéficions de la diversité des héritages spirituels des si nombreuses congrégations implantées dans notre diocèse.
Enfin, saint Augustin est l’un des quatre premiers Pères de l’Église latine. Par son enseignement, il est aussi docteur de l’Église. Il a beaucoup contribué à la réflexion sur le bien, le mal, la mémoire, la volonté, l’amour, la grâce de Dieu qui nous est nécessaire pour être sauvés… Il est reconnu pour avoir intégré la culture grecque et romaine au christianisme, et pour avoir inspiré la réflexion politique et philosophique occidentale. Léon XIV ne s’inscrit-il pas dans son héritage en promouvant, dans le contexte actuel, la doctrine sociale de l’Église explicitée par Léon XIII ? De même, comme saint Augustin, Léon XIV promeut l’Église, vivifiée dans l’amour de Dieu, comme « un petit levain d’unité, de communion, de fraternité », (homélie lors la messe inaugurale de son pontificat, 18 mai 2025) participant avec les hommes et les femmes de bonne volonté à l’unité de l’humanité au-delà des races et des religions. Un beau programme pour notre diocèse multiculturel !

Claude Deschamps,
religieuse du Sacré-Cœur à La Courneuve,
Service diocésain de Spiritualité
Première photo : © Vatican Media / CPP / HANS LUCAS / Hans Lucas via AFP
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