Deux mille ans d'histoire locale... — Eglise Saint-Paul de La Plaine

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Deux mille ans d'histoire locale...

Le P. Jean-Marc Danty-Lafrance, responsable de l'église Saint Paul de 2014 à 2018, raconte et commente l'histoire mouvementée de la Plaine, de Saint Denis décapité portant sa tête dans ses mains... jusqu'au Stade de France!
Petite histoire de La Plaine

racontée et commentée par le Père Jean-Marc DANTY- LAFRANCE

 

Des Celtes à la légende de Saint-Denis….

Les Celtes, juste avant notre ère, tenaient à La Plaine leur grande rencontre annuelle, au lieu-dit La Montjoie. Il s’agit d’une colline, d’un tumulus, où séjourne l’esprit des ancêtres et où se déroulent les cultes druidiques.

La tribu gauloise des « Parisii » occupait alors le nord de Lutèce.

Les romains avaient ouvert la route de l’étain qui permettait le transport des minerais de l’Angleterre vers l’Italie.

Les gros bateaux qui remontaient la Seine, s’arrêtaient dans le méandre où se crée une petite agglomération : Catulliacus, premier nom de la ville de Saint Denis.

En 250, l’évêque Denis est envoyé par le Pape pour évangéliser cette région. Il est décapité par les romains, peut-être sur le mont des martyrs (Montmartre). Son corps est enterré un peu au nord du mont, dans un lieu qui va devenir le village de La Chapelle. Une légende s’écrit peu à peu autour du saint. Il est martyrisé avec deux compagnons diacres : Rustique et Eleuthère. Une Abbaye à Catulliacus prend le nom de Saint Denis.

Le village de La Chapelle se situait à cheval sur les deux communes actuelles de Paris et Saint Denis. L’église Saint Denis de La Chapelle (et Ste Jeanne d’Arc) serait sur le premier lieu de sépulture. Sainte Geneviève aurait fait construire la première église sur ce lieu pour honorer la tombe du martyre. Il aurait été transféré au 7° siècle, en 627, dans l’Abbaye de Saint Denis.

Les moines adoptent la règle de saint Benoît. Plusieurs églises sont édifiées successivement.

Suger, abbé au XII° siècle, fait construire la basilique actuelle. Tout ce qui est autour appartient peu ou prou à l’Abbaye.

En fait, la légende de Saint Denis (legendo = « ce qui doit être lu », lecture sur la vie d’un saint faite durant  l’office de nuit des moines) est construite et enjolivée pour affermir la royauté au 9° siècle.

La rue du Mont-Cenis, ainsi nommée à cause de sa forte pente, servait aux pèlerinages qui transféraient, tous le sept ans, les reliques du saint à l’abbaye des soeurs à Montmartre.

Une « rue de la procession » fait encore mémoire de ces pèlerinages dans le quartier de La Plaine.

Au XIII° siècle, le nom de Montjoie est donné à des croix édifiées de place en place sur le chemin des pèlerinages de Pais à Saint Denis. Chacune comportait une base sculptée avec trois « rois » de pierre. Tout a été détruit en 1793.

A côté des pèlerinages, on note aussi les passages de princes et de rois, en visite et en voyage, ainsi que les passages des dépouilles funèbres des rois.

De célèbres foires et une agriculture maraîchère prospère….

Dans La Plaine, les moines organisent des foires : la foire de Saint Denis en octobre, huit jours à partir de la fête du saint le 9 octobre ; et la foire du Lendit, de la saint Barnabé à la saint Jean-Baptiste, du 11 au 24 juin. Celle de Saint Denis est attestée depuis l’époque mérovingienne, celle du Lendit de la fin du premier millénaire jusqu’au XVI° siècle.

Les marchands tenaient des loges. On en comptait plus de mille au Lendit, la plus importante foire du Moyen Age, qui se tenait en plein champ, avec les animaux et tous les problèmes que cela posait. Parfois, il y avait des incendies dévastateurs à cause du manque d’eau à proximité.

Contre ce risque, sur la foire de Saint Denis, les moines avaient construit des loges en pierre.

Parmi les produits vendus, il y avait le parchemin : les universitaires de Paris venaient s’y approvisionner. Dès la fin du XVII° avec son apogée au XVIII° siècle, cette foire est devenue une foire aux moutons très importante.

Plusieurs rivières arrosent cette terre fertile ; une agriculture maraîchère s’y installe donc, de plus en plus prospère. Elle a alimenté Paris pendant des siècles.
Certains noms de rue rappellent ce passé : rue des Gardinoux (petits jardins), rue de la Haie-Coq.

Le Croult, ou Crould, coulait du nord-est au sud-ouest et se jetait dans la Seine à la hauteur de Saint Denis. La Seine n’a que sept centimètres de déclivité par kilomètre, d’où des inondations fréquentes.

Il reste une statue de saint Fiacre, patron des maraîchers, au 111 avenue du président Wilson, au-dessus d’un restaurant du même nom.

La vie quotidienne est également rythmée par le son des cloches nombreuses tout autour.

Elles sonnent les heures, les prières, les joies et les peines, les fêtes : fêtes des paroisses (du saint patron ou de la dédicace), fêtes des villages, et fêtes organisées par les seigneurs.

Des seigneurs et des bourgeois de Paris acquièrent des « maisons de campagne », belles demeures qui leur permettent de s’écarter du bruit et des odeurs, de se rapprocher de la nature.

Les bords de Seine et les îles sont très convoités.

De grandes maladies et de multiples guerres ….

Au Moyen Age la lèpre sévit sur La Plaine. Dans Paris les lépreux sont rassemblés à Saint- Lazare. Dans le secteur d’Aubervilliers de la Plaine, la léproserie est au Champourri, à La Maladrerie, sur le rut du Montfort.

Au XV° siècle la lèpre décline mais elle est remplacée par un autre fléau : la peste. Partant de Gènes, passant par Marseille, elle arrive à Paris en 1348. Un tiers de la population périt.

Les maisons sont laissées vides. Aux alentours de 1830 ce sont des épidémies de choléra qui prennent le relais.


La Plaine a été aussi le théâtre de nombreuses guerres et batailles dont celle de Saint-Denis en 1567 pendant les guerres de religion. Le Connétable Anne de Montmorency, commandant l’armée royale catholique, y fut mortellement blessé.

L’histoire retient aussi l’invasion des Normands en novembre 886 ; la guerre de cent ans : de 1328 à 1470, la population de La Plaine a été réduite des deux tiers ; la guerre navarro- anglaise qui opposa les Armagnacs (français) et les Bourguignons (anglais) ; la Fronde…

Mais aussi l’arrivée des Tsiganes ! En 1427 une centaine de tziganes arrive sur la Plaine,

Paris ne les laissant pas entrer. Ayant été baptisés, ils avaient renié leur foi pour ne pas être massacrés par les Sarrasins. Venus demander pardon au Pape, celui-ci leur donna comme pénitence d’errer pendant sept ans. Ils demandaient donc l’hospitalité au nom du Pape. Ils furent chassés de la Plaine au bout de 10 jours le 8 septembre 1427.

La Révolution de 1793 prend la royauté et ses emblèmes pour cible : profanation des tombeaux des rois, dégradation de la basilique laissée à l’abandon. Le 14 novembre 1793, tous les reliquaires et autres objets de culte de Saint Denis sont descendus à Paris « à la Convention ». La ville de Saint Denis est alors rebaptisée « Franciade » (1793 – 1800).

La Plaine fut aussi le théâtre des grandes guerres : la guerre de 1870, les deux guerres mondiales du XX° siècle.

Cette histoire mouvementée explique que la ville de Saint Denis se soit entourée de remparts …. Comme Paris …. mais les batailles ont généralement lieu dans La Plaine ! Des remparts se montent successivement pour protéger Paris sous Philippe Auguste, Louis XIII et Louis XV.

Puis le mur des Fermiers Généraux est construit de 1784 à 1791 ; il servait pour la douane.

En 1840 Monsieur Thiers fit entourer Paris de fortifications. Le 16 juin 1859, tout l’intérieur des murs est annexé par Paris. Ces « fortifs » autour de Paris furent démolies en 1919.

Des « forts », détachés des murs et disposés sur des éminences, entourent Paris ; ils complètent les défenses de la capitale.

De l’estrée à l’omnibus…

L’estrée (la strada, la route) toute droite qui a remplacé le chemin qui serpentait entre les tumulus a été construit par Louis XV en 1724. L’ensemble, avec fossés et 4 rangées d’arbres, faisait 35 m de large, avec deux demi-lunes à la sortie de Paris et à l’arrivée à Saint Denis.

Le 16 mai 1750, une émeute éclate à Paris suite à l’arrestation d’un enfant. Luis XV fait alors construire une route pour aller directement de Versailles à Saint Denis et Compiègne : la route de la révolte. C’est l’actuel Boulevard Anatole France.

Ces grands axes sont pavés et plus ou moins bien entretenus.

Il faut imaginer les montures, chevaux, chars, charrettes, et autres berlines, voitures, fiacres, cabriolets, qui transportaient les affaires et les personnes, le tout avec des cris et un embouteillage assuré à l’arrivée sur Paris !

Les cochers rivalisaient pour la vitesse de la course, d’où le nom donné aux « diligences ».

Des compagnies s’octroyaient un monopole pour fixer les prix. Des systèmes de billets se mettent en place à partir du 19° siècle.

L’omnibus autour des années 1860 est organisé par l’Union des Postes.

De l’artisanat à l’industrie ….

L’eau et le port sur la Seine attirent aussi des artisanats et petites industries, orfèvres, tanneurs, teinturiers.

En 1793, l’abbé Grégoire pose les bases du CNAM, conservatoire des arts et métiers…. Trois siècles plus tard, en 2003, une extension du CNAM de Paris s’installe à la Plaine de Saint Denis.

A partir de 1820, faute de place dans Paris, des entreprises viennent s’installer sur la Plaine.

Le canal et le train, les routes, vont dynamiser cet essor industriel.
Le bassin de La Villette, avec le Canal de l’Ourcq, est achevé en 1809. Le port de La Villette et les entrepôts font grossir la population. Le Canal de Saint Denis est ouvert le 13 mai 1821.Il rejoint la Seine à l’embouchure du Croult. Avec sept écluses et un chemin de halage, il divisait par cinq le temps d’arrivée à Paris pour les bateaux de la Seine. Le Canal Saint Martin ouvre en 1825.

Le problème fut aussi de construire des ponts pour éviter la partition du territoire.

En effet le canal met à part la zone agricole d’Aubervilliers : la zone de Saint Denis perd sa valeur et est offerte aux industries.

D’autres dates marquent le développement de l’industrie :

  • le Chemin de Fer en 1846 (gares du Nord et de l’Est).
  • le marché aux bestiaux et les abattoirs de La Villette en 1867.
  • les « Magasins généraux » en 1870.

Les abattoirs de la Villette apportent, avec la transformation des ossements et des graisses, des industries chimiques, la gélatine, le savon, les cosmétiques.

En 1872, M.Civet qui possède des carrières dans l’Oise et M.Riffaud, entrepreneur en maçonnerie installent à La Plaine leur dépôt de pierres pour tous les grands travaux de Paris :

les travaux d’Haussmann, le Sacré Cœur, la gare de l’Est. Ils achètent des terrains pour la taille des pierres, un réseau ferré se met en place pour en assurer le transport.

Ce réseau ferré est proposé aux autres industriels. Il relie 85 usines à son apogée en 1930, soit 600 000 tonnes de fret par an. Le siège du réseau de Chemin de Fer est alors au 120 avenue du président Wilson ; il est relié aux gares de l’Est et du nord. Son déclin s’amorce en  1975 et sa fermeture est décidée en 1993.

Une conséquence de ce réseau ferré dense : il n’y a pas eu besoin de faire des rues. Il en manque donc dans ce quartier !

Le nord-est de Paris est choisi pour y installer toute l’industrie.
Pourquoi ? Les odeurs, la pollution, seront chassés par le vent d’ouest. Les moyens de communication relient  cette zone aux sources de matières premières, le charbon et l’acier, au nord et à l’est.

Trois usines à gaz sont installées pour alimenter Paris, son éclairage nocturne, les industries et les domiciles. La première à La Villette en 1868, puis au Landy dès 1890 et l’autre au Cornillon en 1914.Une usine génératrice d’électricité est également construite le long de la Seine pour alimenter le Métro parisien.

Immigration et transports ….

Avec le développement de l’industrie, la main d’oeuvre va affluer, venant de la province,

principalement de la Bretagne, puis de tous les pays, dans l’ordre chronologique : la Belgique, la Pologne, l’Italie, l’Espagne - avant 1940 - puis, le Maghreb, le Portugal, les Antilles - pendant les trente glorieuses (50-70) – et enfin aujourd’hui l’Afrique, l’Inde, la Chine.

L’industrialisation fut accompagnée aussi des infrastructures nécessaires : l’aménagement de la Seine, le canal, le train et les routes, mais aussi le développement de l’aviation au Bourget puis à Roissy.

Toutes les usines de la Plaine sont reliées par des voies ferrées. Les trains peuvent passer à niveau à travers l’avenue du président Wilson juste à côté de l’église Sainte Geneviève.

Le tramway relie La Plaine à Paris, peu à peu remplacés par des autobus.

Zoom sur les magasins généraux …

Au début ce fut la Compagnie des Docks, créée sous Louis Napoléon, en 1852.

Emile PEREIRE et son frère Isaac, qui ont créé le Crédit Immobilier et des Chemins de Fer, ont ensuite désiré un monopole du stockage du blé, du sucre et des alcools ; ils ont donc, en 1860, créé la compagnie des Entrepôts et Magasins Généraux. Pour ce faire, ils ont obtenu un arrangement fiscal : ils ne payaient pas l’octroi. Cet impôt était payé pour faire entrer les marchandises dans Paris : le poste de douane de l’enceinte de 1787 se situait à la Rotonde de La Villette ; la nouvelle enceinte fut créée par Thiers en 1841.

Pereire augmente son monopole avec la Compagnie Générale Maritime. Il systématise les warrants, crédit pour le dépôt d’une marchandise.

Des marques de prestige installées à la Plaine….

Citons notamment :

  • la pharmacie centrale de France, déplacée en Ardèche en 1982.
  • l’orfèvrerie Christofle.
  • La fabrique de pianos Pleyel.


La crise après les trente glorieuses.

Avec la financiarisation de l’industrie, le capital cherche son meilleur profit sans tenir compte des hommes et du droit de chacun à avoir un travail rémunéré pour participer vraiment à la vie sociale.

Délocalisation et mondialisation incitent les chefs d’entreprise à acheter ailleurs, à fabriquer ailleurs et à vendre ailleurs, au gré des profits immédiats.

L’abandon de toute planification nationale de l’industrie et les doctrines économiques ultra libérales, favorisent un mouvement de plus en plus rapide des entreprises, ouvrant ici et fermant là, changeant brutalement de production, réalisant l’essentiel de leur profit sur la spéculation financière et non plus sur leur production industrielle propre.

L’homme est une « ressource » parmi d’autres et parfois moins importante. Il devient un paramètre minoritaire dans les choix des décideurs.

Dans les années 60, alors que La Plaine était encore couverte d’usines, de Gaulle confie à Paul Delouvrier le soin de réorganiser l’Ile-de-France et de favoriser le déplacement des entreprises dans « la deuxième banlieue » ou en province. Le but politique était de « desserrer la ceinture rouge » des villes communistes entourant la capitale. Les fermetures d’usines vont s’accélérer de 1970 à 1980. La Plaine devient une friche industrielle et la poubelle de Paris : on y dépose des déchets de construction, les pavés de Paris…

A titre d’exemple, il faut lire le livre : « Le combat des Métallos » - Les Cazeneuves de La Plaine Saint Denis, publié aux éditions de l’Atelier en 2013. C’est toute l’histoire de l’entreprise CAZENEUVE qui fabriquait des machines-outils dans deux usines : l’une rue des Fruitiers, l’autre au 377 avenue du président Wilson en face du Gai Logis. La délocalisation des activités signera l’arrêt de mort de ces usines. Le conflit sera à son comble durant l’année 1977.

Enfin la construction de l’autoroute A1 à ciel ouvert -il fallait «
montrer » l’autoroute qui faisait partie des signes extérieurs de prospérité -, la deuxième
autoroute après l’A13 vers Poissy, sectionne le quartier en deux, ne favorisant pas les
déplacements. Après moult pétitions des riverains soumis au bruit et à la pollution, l’autoroute
fut recouverte en 1998 au moment de la construction du Stade de France.

Que faire de La Plaine ?

Il n’y a pas d’infrastructures, pas d’égouts, ni d’alimentation, ni d’eau, ni suffisamment de rues : il n’est donc pas question d’y construire les premiers HLM car il faut faire vite pour faire face à l’accroissement démographique.

Le vieux logement est privé, non rentable et mal entretenu. En fait l’habitat privé fait office de logement social.

De grandes surfaces, comme celles des usines à gaz, appartiennent à la Ville de Paris… qui préfère l’ignorer ! Un tiers de La Plaine appartient encore à la SNCF. .. d’où un problème de maîtrise des décisions.

L’usage des magasins généraux évolue après la guerre, vers des produits industriels plutôt que des produits agricoles. Puis les locaux sont loués pour des show-rooms.

Vers une renaissance ….

En 1985 les communes de La Plaine vont s’associer pour créer un syndicat intercommunal « Plaine Renaissance » afin de prendre une part active aux décisions concernant ce quartier. Le Projet Urbain naît en 1992.

Pour aller plus loin dans l’intercommunalité, la communauté d’agglomération « Plaine commune » sera créée en 2000, regroupant 8 villes (Aubervilliers, La Courneuve, Epinay sur Seine, L’Ile-Saint-Denis, Pierrefitte, Saint-Denis, Stains, Villetaneuse) rejointes en 2013 par une neuvième : Saint-Ouen. Jacques Grossard, directeur de Plaine Renaissance, devient directeur général des services de Plaine Commune.

Sur le plan économique, à partir de 1985, un mouvement se dessine : les friches industrielles commencent à attirer des bureaux. La télévision s’installe pour transformer en studios des hangars à moindre coût. Mais on se rend compte peu à peu que les terrains sont complètement pollués.

Le choix du site du Gaz de France pour y construire le Grand Stade lance le développement de ce deuxième pôle économique d’Ile de France après La Défense.

PANASONIC est la première entreprise qui ose s’installer sur ce pôle économique en gestation. D’autres entreprises se rénovent : Rhodia (Rhône Poulenc), GDF, Saint Gobain.

La tour PLEYEL, du nom de l’usine de pianos, se dresse fièrement depuis 1972, du haut de ses 143 mètres, avec ses 38 étages. Il était prévu quatre tours … mais la crise immobilière suite au choc pétrolier entraîna l’arrêt du programme. L’enseigne publicitaire au sommet fait 5 m de haut et 34 mètres de large, très solide pour résister aux vents.

Changement de politique au niveau national….

Dans le prolongement du schéma directeur de l’Ile-de-France de Michel Rocard, en 1990, l’Etat fait faire un livre blanc sur l’évolution de la banlieue qui devient un territoire stratégique à reconquérir. L’Etat renonce à une délocalisation systématique des activités en province ; on relance un développement de proximité autour de Paris. La première entreprise à s’installer dans cette nouvelle optique est EDF, à Pleyel.

Une charte est rédigée par les Communes, qui veulent faire entendre leur voix : il ne faut pas tout raser, travailler ensemble, mixer le tertiaire - les bureaux - et l’habitat. C’est un changement de mentalité. Autre décision : ne pas mettre les architectes et les urbanistes en concurrence, mais les faire travailler ensemble et réaliser une synthèse des projets.

Et vint le Stade de France….

 

La décision du Stade de France vient d’une promesse de Jacques Chirac le 14 juillet 1989 : il faut créer un stade de 80 000 place pour la coupe du monde de 1998.
Plusieurs implantations sont envisagées : d’abord Colombes, puis Melun Sénart mais c’est trop cher et trop loin…

 

Edouard Balladur reprend le dossier. Patrick Braouzec, maire de Saint Denis, choisit de ne pas revendiquer le stade mais de l’accepter sous condition : il accepte le stade si on couvre l’autoroute ! La couverture sera terminée en mai 1998.

L’arrivée du Stade de France c’est une fabuleuse locomotive économique pour la Plaine qui devient la deuxième Défense !

Quel avenir pour La Plaine ?

La crainte est que le quartier reste isolé du centre de Saint Denis.

Une autre crainte réside dans le développement exclusif du secteur tertiaire qui fournit peu d’emplois locaux : les bureaux restent renfermés sur eux-mêmes comme des châteaux forts !

Les entreprises arrivent avec leurs employés, qui n’ont pas choisi de venir travailler à Saint-Denis et qui n’habitent donc pas sur place. Les rares emplois qui sont créés pour la population du 93 sont des emplois de  nettoyage et de gardiennage, mais ces emplois sont parfois pourvus par des salariés venant de l’extérieur.

De ce fait le niveau moyen de la population de Saint Denis continue à baisser ? Et il n’y a pas de clients pour les commerces.

Il faudrait aussi densifier l’habitat à la manière de Paris (et non pas comme les cités avec des tours écartées les unes des autres et séparées par des no man’s land) : cela favoriserait le vivre ensemble, la vie associative et le petit commerce de proximité.

En théorie…. L’habitat neuf, environ un immeuble ouvert tous les trois
mois, est à 20 % social. Le reste est en acheter sur plan. La moitié des acheteurs sont
des investisseurs, ils ne viennent même pas voir ce qu’ils ont acheté, ils louent tout de suite
par des intermédiaires.

Les rares « bobos » qui achètent et habitent sur La Plaine laissent
leurs enfants scolarisés à Paris …. Ils ne restent pas longtemps et les propriétaires relouent
alors à une population qui vient du 93. D’où l’absence de classe moyenne et la concentration
d’immigrés.

De nouvelles activités pourraient-elles s’installer, correspondant mieux
à la population ?

Il reste des disponibilités foncières, notamment les terrains appartenant à la SNCF. De plus, les bureaux sont construits pour être démolis 20 ou 30 ans après …. Donc les choses peuvent encore beaucoup changer !

Des progrès sont attendus aussi dans les déplacements : de nouvelles rues doivent être tracées pour faciliter la traversée du La Plaine, sans nécessairement passer « par-dessus » le train, le canal, l’autoroute, le périphérique ! La future gare de Pleyel avec les nouvelles lignes de métro du Grand Paris, vont dans ce sens.

La population croît très vite, environ mille habitants de plus par an. Et cela va durer une dizaine d’années ; la population va passer de 15 000 à 25 000 sur La Plaine. C’est positif car petit à petit il va quand même y avoir de la diversité sociale.

Le monde étudiant arrive aussi avec déjà le CNAM, un IUT, et la Maison des Sciences de l’Homme, et bientôt l’université Condorcet.

Bientôt le Grand Paris ?

Quand Nicolas Sarkosy a lancé en 2009 un appel à projets pour imaginer la métropole parisienne de demain, les projets les plus fous ont été proposés, comme d’imaginer un développement continu de Paris au Havre. De tous ces projets produits par des urbanistes et architectes de renom reste le projet de métro, destiné désengorger la capitale et à desservir les principaux pôles économiques : Saclay et Roissy. La Plaine va bien
entendu profiter de ces nouvelles lignes de transport urbain.

Cependant le Grand Paris, c’est aussi une réforme institutionnelle, votée en décembre 2013 :

la fameuse loi MAPAM qui constitue l’Acte III de la décentralisation. Au 1° janvier 2016 les communautés  d’agglomération de la petite couronne disparaîtront ; elles transféreront leurs compétences à la métropole qui aura deux ans pour choisir les compétences qu’elle conservera et celles qu’elle redistribuera aux Communes…. Exit donc Plaine Commune….

Mais cette histoire n’est pas encore écrite, de nombreux élus locaux n’ayant toujours pas digéré cette révolution institutionnelle !

Père Jean-Marc DANTY - LAFRANCE

Sources :

Anne LOMBARD JOURDAN  La Plaine Saint Denis, 2000 ans d’histoire  CNRS éditions

Et les conférences de Monsieur Jacques GROSSARD, Président de l’Association « Mémoire vivante de La Plaine » (consulter le site Internet).