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Un événement, oui c’est un événement !

Le 1er février 2021, le conseil permanent de la Conférence des évêques de France officialisait une déclaration contre l’antisémitisme et l’antijudaïsme. Danielle Guerrier, déléguée diocésaine pour les relations avec le judaïsme, livre son analyse sur cet événement inédit.
Publié le 11/02/2021

Au cours de ces soixante-dix dernières années, l’Église de France a été une « tête de pont » dans l’histoire des relations entre juifs et catholiques, en particulier par la création du Comité épiscopal pour les relations avec le judaïsme en 1969 (bien avant le Conseil romain en 1974 !) et par ses travaux forts décisifs : ceux de son premier secrétaire, le Père Bernard Dupuy, une des personnalités majeures dans la construction des « retrouvailles » entre juifs et chrétiens, suivi du père Dujardin (historien de la Déclaration de Drancy en 1997) et du père Patrick Desbois (connu pour ses recherches sur la « Shoah par balles ») alors que le Comité était devenu Service national pour les relations avec le judaïsme.  

La veille contre l’antisémitisme est depuis longtemps un souci constant pour l'Eglise de France : ainsi le texte du 15 avril 1973 "Orientations pastorales du Comité épiscopal pour les Relations avec le judaïsme" qui n’a pas pris une ride ; ou la "Déclaration de Repentance de Drancy le 30 septembre 1997" signée par les évêques de France ayant eu un camp d’internement dans leur diocèse pendant la seconde Guerre mondiale. Cette Déclaration a constitué un tournant dans les relations entre les catholiques et le monde juif, nous en avons été témoin ; nos frères juifs, ayant saisi la dimension religieuse et spirituelle de cette Déclaration, y ont largement répondu en accordant désormais leur confiance sans réserve à l’Eglise catholique.
Vingt-quatre ans après, le 1er février 2021, une Déclaration officielle des Evêques de France « Lutter ensemble contre l’antisémitisme et l’antijudaïsme sera la pierre de touche de toute fraternité réelle » a été remise par Mgr Eric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, aux autorités représentatives du judaïsme français et en premier lieu à Haïm Korsia, le Grand Rabbin de France (voir notre article). Pourquoi cette Déclaration aujourd’hui ? Parce que les temps ont changé : depuis le début des années 2000, ce qui n’était pas arrivé depuis la fin de la seconde Guerre mondiale, 13 personnes ont été assassinées sur le sol de France parce que juives (y compris des petits-enfants et des personnes âgées), parce que les « idéologies » antisémites se sont diversifiées et leurs propos convergents pour distiller la haine des juifs menacent au quotidien ces derniers dans leur vie « ordinaire », enfin parce que la violence tous azimuts qui explose dans notre société actuellement mène au constat que malheureusement l’Histoire nous a appris : on s’en prend d’abord aux juifs et c’est ensuite la société tout entière qui est gangrénée, « le peuple juif est le sismographe de l’humanité » aimait à dire Elie Wiesel.

Dans ce contexte, la présente Déclaration des évêques signe à la fois un engagement ferme de l’Eglise catholique dans la lutte contre l’antisémitisme et l’antijudaïsme ; et un appel au réveil des consciences catholiques en rappelant le lien unique, spirituel et théologique, qui unit juifs et chrétiens et oblige les chrétiens envers leur frères juifs. Le cardinal Jean-Marie Lustiger rappelait souvent que « l’antisémitisme chrétien est un péché »*. Le déploiement des fondements de cette Déclaration est consigné dans le texte remarquable du discours que Mgr Eric de Moulins-Beaufort a prononcé ce 1er février dernier. Tout y est dit, tout est pensé et explicité avec une forte implication intérieure, tout est exprimé clairement et avec courage, par exemple quand il est question d’Israël et de l’État d’Israël, des sujets que l’on sait « explosifs » !

Un dernier point, et non des moindres pour souligner que cet événement est « oui, un événement » : peut-être aurait-il fallu commencer par cela ? C’est l’invitation du Conseil Permanent de la Conférence des évêques faite au Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, à venir participer à ses travaux « ordinaires ». Qui aurait pu imaginer cela il y a encore 25 ans ? Que le Grand Rabbin de France soit invité au cœur de la Conférence des évêques de France pour dialoguer et débattre, qui plus est, sur un sujet brûlant qui demeure un point focal dans les relations juifs-chrétiens aujourd’hui… N’est-ce pas le fruit de relations d’amitié et de confiance réciproques tissées au long des jours, dans la persévérance ? Et pour cela, nous pouvons rendre grâce !

Danielle Guerrier
Déléguée diocésaine pour les relations avec le judaïsme

* « L’antisémitisme chrétien apparaît non pas comme un problème particulier de racisme parmi d’autres mais en vérité comme un péché - un péché dont l’énormité est significative d’une infidélité profonde à la grâce du Christ […] Les juifs ne sont ce qu’ils sont que dans la mesure où ils sont les témoins de l’Election. Leur rejet est, de la part les chrétiens une appropriation abusive ou blasphématoire de l’Election. C’est refuser concrètement la réalité du don de Dieu, des chemins de Dieu. » Jean-Marie Lustiger, La Promesse, Parole et Silence, 2002.