*Pape François, Lettre apostolique à tous les Consacrés, 13 octobre 2014
Les missions éducatives sont des moyens essentiels pour aider chaque jeune à devenir un être avec et pour les autres (Mgr Delannoy)
J'aime l'école
Un métier extraordinaire
Une oeuvre collective
L'enseignement libre en lien avec la paroisse
Être ce que l'on est sans se renier
Un accompagnement humain
C'est quand je suis faible que je suis fort
Des jeunes debout !
J'aime l'école
Frédéric Delemazure, directeur diocésain de l'Enseignement catholique
« J’aime l’école » disait le Pape François en mai 2014 aux communautés éducatives d’Italie. Nul doute qu’en Seine-Saint-Denis, nous sommes très nombreux à partager cet avis.
« J’aime l’école parce qu’elle est synonyme d’ouverture à la réalité (…) On y ouvre son esprit et son cœur à la réalité, dans toute la richesse de ses dimensions »1. Oui, notre école en Seine-Saint-Denis est un lieu essentiel de socialisation, d’éducation et de transmission dans un département frappé par de nombreuses situations de précarité. Et en proposant récemment de rendre l’instruction obligatoire à partir de 3 ans, l’État reconnaît que, dès le plus jeune âge, l’école est bien un lieu essentiel de lutte contre les inégalités.
Trouver sa voie
« Dans les premières années, on apprend à 360 degrés, puis petit à petit on approfondit dans une direction et à la fin on se spécialise »1. Oui, notre école en Seine-Saint-Denis est une école où les pédagogies différenciées permettent à chaque jeune de construire son parcours de réussite. Dans l’Enseignement Catholique, nos lycées proposent bien sûr les bacs généraux (les voies Littéraires, Économiques et Sociales et Scientifiques dont les appellations sont amenées à disparaître) mais aussi des bacs technologiques et professionnels ainsi que des formations d’enseignement supérieur (BTS et Classes Préparatoires aux Grandes Écoles), sous statut scolaire ou en apprentissage, dépendant des ministères de l’Éducation nationale ou de l’Agriculture. De nombreux secteurs (tertiaire, sanitaire et social, industriel, etc.) y sont représentés avec l’objectif de permettre à chaque jeune de trouver la voie correspondant à ses aspirations et à ses potentialités.
« J’aime l’école car nous y rencontrons des personnes différentes par l’âge, la culture, les origines et les capacités »1. Parce que notre Église est universelle, notre école catholique en Seine-Saint-Denis est multiculturelle et interreligieuse et c’est une chance car elle correspond à des réalités socioculturelles que nos enfants auront à respecter tout au long de leur vie. Apprendre la différence contribue à mieux s’en saisir comme une richesse !
Construire la relation
« J’aime l’école car elle est un lieu de rencontre sur notre chemin »1. Oui, l’école en Seine-Saint-Denis a pour rôle de privilégier la relation avec les autres et avec le monde, en complément de celui des parents qui restent les premiers éducateurs de leurs enfants. Sans oublier la relation à soi-même car l’école est aussi un lieu d’éducation à l’intériorité…
C’est donc bien l’Évangile qui guide le projet éducatif des 32 établissements catholiques, diocésains ou congréganistes (sous tutelle de congrégations religieuses), scolarisant environ 10% des enfants de Seine-Saint-Denis.
Guidés par le projet diocésain, tous sont invités à la mission prophétique de la « fraternité en actes ». Alors, parce que « la véritable éducation nous ouvre à la plénitude de la vie », comme le pape François, aimons notre école qui fait grandir nos enfants pour leur faire aimer la vie !
1Discours du pape François aux écoles italiennes, Place Saint-Pierre, Samedi 10 mai 2014
Un métier extraordinaire
Anne Bordage, professeur des écoles dans l’Enseignement public, Le Bourget
J'ai choisi le métier d'enseignante par intérêt et par hasard. Je me suis aperçue adolescente, que je comprenais beaucoup mieux les choses quand je les expliquais à une camarade. J’aimais beaucoup l’école en général. J’étais intéressée par beaucoup de choses, beaucoup de matière et je regrettais de ne devoir en choisir qu’une. Après avoir commencé des études de lettres modernes à la fac de Lille, j’ai déménagé dans le 93, pour suivre mon futur époux. Malheureusement, je n’ai pas pu faire un changement d’université. J’ai alors tenté et réussi le concours de l’Ecole Normale, et intégré la formation en octobre 1982, au Bourget. J’étais contente à l’idée de renouer avec l’ensemble des matières enseignées, sauf… le sport !!!
Enseignement privé ou public ?
J’ai passé les deux concours d’entrée, dans le public et le privé. Mais je n’ai pas été prise lors de l’entretien final au concours de l’enseignement privé. Ayant été de la maternelle au collège en privé, je me voyais plutôt dans le privé, mais je crois que je ne correspondais peut-être pas au moule de l’enseignement privé.
Finalement, je suis très contente d’être devenue enseignante dans le public ! Cela me correspond mieux en effet, accueil de tous les enfants.
Au départ, je n’ai pas choisi le 93, j’y ai suivi mon futur époux. Mais je me suis plu dans ce département, et je suis très heureuse d’y être enseignante ! Et je n’ai jamais demandé de mutation…
J’ai été enseignante en élémentaire durant deux ans, et depuis plus de 20 ans, je suis enseignante en maternelle. L’année dernière, j’ai assuré la fonction de directrice d’une grosse école de 430 élèves, avec grand plaisir et beaucoup de stress. Je suis retournée en classe avec plaisir, et je me donne une dernière année en tant qu’enseignante. Je postulerai l’an prochain pour une direction d’école.
Laïcité et neutralité
Face à mes éléves de maternelle, c’est simple. Moi je n’ai pas d’opinion, et leurs parents ont toujours raison… Mais les élèves de maternelle, surtout de la moyenne section, ont beaucoup de questions, et abordent tous les sujets avec facilité, même ceux en lien avec la religion. Je cadre régulièrement, en fonction des évènements, du calendrier et de leurs questionnements, des temps de débats et je suis souvent étonnée de la profondeur de leurs questions. Mais, je sais aussi que les enfants parlent beaucoup de tout ce que nous faisons en classe, avec mémoire et précision, je fais donc très attention que personne ne se sente méprisé ou blessé dans ses convictions. J’ai aussi eu au cours de ma carrière, des discussions avec des parents, mais c’était surtout pour leur repréciser la neutralité de l’école et en aucun cas pour parler de ma foi.
J’habite et je travaille dans la même commune, et bien sûr j’ai déjà croisé des élèves à l’église, et il m’arrive régulièrement d’être interpelée par un enfant qui dit devant tout le monde qu’il m’a vue à la messe… Je leur parle de ma neutralité nécessaire et acceptée.
Face à mes collègues, ma foi n’est pas un secret, mais j’en parle peu. Par contre, je réponds toujours aux questions qu’on me pose.
Conforter l'enfant dans ses capacités
Enseigner est vraiment un métier extraordinaire qui me passionne toujours ! Je ne me lasse toujours pas de cette relation avec les enfants, de la transmission des savoirs, de ma chance d’aider des personnes à développer leurs potentialités et de s’ouvrir au monde. Regarder positivement un enfant, une situation, permet d’aller beaucoup plus loin ! Et je suis toujours ébahie en fin d’année du chemin parcouru par eux comme par moi… Car moi aussi je continue de grandir à leur contact…
Je ne peux pas prendre l’enfant comme une boule de pâte à modeler à travailler pour obtenir un bel objet. Je ne peux pas le comprendre, l’aider à se développer si je ne prends pas en compte ce qu’il vit en dehors de l’école. Les parents transmettent une éducation, une base qu’il est difficile d’ignorer. Par contre, grâce à la diversité des élèves, aucune culture ou religion ne domine dans la classe et les élèves comprennent très vite qu’ils n’ont pas tous les mêmes opinions. Je leur parle beaucoup de différence, de tolérance, de la richesse qu’apporte un point de vue différent, qui ne nous déstabilise pas si nous savons l’écouter et en parler. Avec les enfants, nous devons créer tous les ans, une culture de classe, avoir nos références qui nous permettent de vivre bien ensemble, choisir des défis, des grands sujets pour l’année.
Le plus important, à mon avis, est d’aider l’enfant à oser, à se questionner, à tâtonner, à entrer en relation avec l’autre avec plaisir, à travailler avec les autres; l’aider à mettre des mots sur des situations, des émotions. Le conforter sans mièvrerie dans ses capacités, lui ouvrir des horizons nouveaux et l’aider à découvrir le plaisir sans fin de la curiosité. Souvent, je dois aussi conforter les parents…
Les enjeux pour le 93...
Les enjeux pour le 93 sont de permettre aux élèves d’être fiers, heureux d’être là où nous sommes, de relever la tête, de prendre conscience de leurs capacités. Et nous avons une longueur d’avance sur le vivre ensemble, l’adaptabilité !
Pour les parents, les enjeux résident dans le fait de se faire confiance ainsi qu’aux enseignants, et bien sûr à leurs enfants (sans en faire des rois, juste des enfants). Les aider à rêver de la lune pour, au pire, retomber dans les étoiles !
Je pense que je dirais les mêmes choses pour les enseignants…
L’un des gros défis à relever est l’acquisition d’un langage riche… Cette année, dans les deux classes de petite section, plus de la moitié, presque deux tiers, sont arrivés à l’école en ne parlant pas un mot de français… Cette proportion s’alourdit d’année en année et même si les enfants progressent bien, nous ne partons pas de la même marche… Nous avons besoin d’aider les élèves à enrichir leur langage, passage obligé pour tous les apprentissages et le vivre ensemble, en multipliant les portes d’entrée.
Une œuvre collective
Nicolas Dulieu, animateur en pastorale scolaire, établissement Saint-Joseph-La Salle, Pantin
Depuis plus de 8 ans, je suis investi au sein de l’établissement Saint-Joseph-La-Salle. Au départ, ce fut en tant que représentant des parents : président de l’Association des parents d'élèves de l'Enseignement libre (APEL) de l'établissement, puis de l’APEL départementale de la Seine-Saint-Denis. Mon bénévolat au sein de l’établissement, principalement sur les systèmes numériques, et mon engagement dans la Fraternité lasallienne, auprès de la paroisse Saint-Germain a amené M. Madert, chef d’établissement coordinateur, à me proposer d’intégrer l’établissement lorsque des membres de la communauté ont fait valoir leurs droits à la retraite en 2017.
En accord avec ma famille, j’ai pris la décision de quitter mon emploi d’ingénieur pour prendre la responsabilité des systèmes numériques et de la communication de l’établissement ainsi que de la pastorale en tant qu’animateur en pastorale scolaire.
Depuis la rentrée de septembre, je partage mon emploi du temps sur ces trois pôles.
Le choix d’accepter d’intégrer l’établissement a été motivé par le fait de pouvoir partager avec les élèves et la communauté éducative ma foi et l’amour de Jésus Christ. C’est pour moi un emploi qui permet de grandir dans les pas du Christ tout en transmettant aux jeunes, de tout horizon, les valeurs de bienveillance, de confiance, de fraternité, de respect et de responsabilité. J’ai en tête cette phrase du pape François : « Pour la joie du cœur, servir est la voie royale. »
Le projet éducatif lasallien
Le projet éducatif lasallien est un « moyen de salut » : en dispensant une instruction et une éducation de qualité à tous, en préparant les jeunes à leur vie sociale et professionnelle, en annonçant de manière explicite l’Évangile et en aidant chacun à le vivre, en aidant chaque jeune à se connaître et à donner du sens à sa vie. Les jeunes sont au cœur de la vie de l’école lasallienne qui considère l’éducation comme une œuvre collective et qui conjugue l’effort de progrès culturel et humain avec l’annonce de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ. Pour cela, l'école rejoint notamment les jeunes dans leurs diversités culturelles et religieuses, par des propositions pastorales diversifiées.
Ainsi, les actions pastorales de l'établissement s'efforcent d'apporter à chacun ce dont il a besoin pour devenir un être “humain”, notamment à travers :
- la culture religieuse, la spiritualité et l’éducation à la solidarité
- aider les jeunes à réfléchir sur le sens de la vie, le choix et l’engagement
- des projets de coopération avec des associations humanitaires en France ou à l’étranger.
Le projet pastoral à travers les heures de Culture Humaine et Religieuse pour l’ensemble des élèves de l’établissement s’articulent sur trois thèmes :
- Se connaître, en 6e et 5e par la découverte de l’histoire et du patrimoine culturel des grandes religions et grands mouvements philosophiques.
- Partager, en 4e. C’est l’adolescence, le temps de la discussion. On débat, on commente, on échange.
- Agir, en 3e et lycée. C’est le temps de l’action. Chaque lycéen s’engage dans une action humanitaire au moins pendant ses années lycée.
Des projets fédérateurs
Une des richesses de notre établissement est d’avoir des projets fédérateurs, dans lesquels sont impliqués l’ensemble des membres de l’établissement. L'action pastorale consiste principalement à être et à faire, pas uniquement à dire.
L’éducation est toujours une œuvre collective et c’est pourquoi il est important que tous les membres d’une communauté éducative scolaire se rassemblent autour d’un objectif ou d’un projet commun et qu’ils se donnent les moyens également d’évaluer les résultats de leur action.
Des projets sont réalisés en lien avec des associations pour faire découvrir la richesse humaine du monde associatif. Les élèves montent un projet afin d'aider l'association qu'ils ont rencontrée. Le but est que, chaque année, chaque niveau puisse rencontrer deux associations à caractère humanitaire : Resto du cœur, Secours catholique, Envol, association Saint-Vincent-de-Paul, Le rire médecin, ACAT, Enfance Missionnaire…
Temps forts en Eglise
Le Conseil pastoral est composé de membres de la communauté éducative, du père Dalens curé de la paroisse Saint-Germain et de Laurence Dulieu animatrice en pastorale pour l'Unité pastorale de Pantin-Le-Pré-Saint-Gervais-Les-Lilas. Le Conseil pastoral prépare entre autres, les célébrations de l’établissement en choisissant les textes et les chants des célébrations.
Le nombre de participants aux célébrations est en augmentation constante. Les quatre messes de l'année, validées par le père Dalens, sont : la messe de rentrée, de Noël, de la saint Jean Baptiste La Salle, de la fête de fin d'année.
Une fois par semaine, une heure de catéchèse est proposée pour les préparations aux baptême, première communion, profession de foi et confirmation. Le travail se fait ensuite en lien avec les paroisses dont dépendent les élèves.
Les étapes de préparation au baptême sont faites en lien avec la paroisse Saint-Germain sur la base de trois temps forts.
Les pèlerinages se font aussi en lien avec la paroisse et avec le diocèse (Lisieux, le Mont Saint-Michel…). Cela permet à nos élèves de partager leur foi avec d’autres jeunes de leur âge.
De plus, les temps forts pour les enfants de l'Unité pastorale de Pantin-Le-Pré-Saint-Gervais-Les-Lilas sont relayés auprès de l’ensemble des élèves.
L'enseignement libre en LIEN avec la paroisse
Père Jean Dalens, curé de la paroisse Saint-Germain, prêtre accompagnateur de l'aumônerie de l'établissement Saint-Joseph-La-Salle, Pantin
Je suis entré dans l'établissement Saint-Joseph-La-Salle il y a 10 ans. J’étais déjà curé de la paroisse Saint-Germain de Pantin. Le directeur de l’époque m’avait demandé si je pouvais assurer la messe de rentrée de l’école, les messes de Noël, de Pâques et la messe de fin d’année.
Ce n’était pas un milieu que je connaissais au départ, puisque j’étais plutôt investi dans les milieux d’Action catholique. J’étais en lien avec des enfants, des jeunes, des adultes de la paroisse en cité, scolarisés dans l’Enseignement public. Mais je ne connaissais pas le milieu scolaire privé.
J’ai donc accepté, au départ, de célébrer ces messes, mais très vite, je n’ai pas voulu me cantonner à assurer des messes parce que je souhaitais connaître ce milieu, son fonctionnement, les projets, et je sentais que la direction était réceptive. J’ai donc commencé par visiter les classes de maternelle. Dans l’établissement, il y a aussi le primaire et le secondaire. Le but était de permettre aux enfants de faire connaissance avec le prêtre de la paroisse, d'expliquer ce qu’est un prêtre. Ensuite, je suis intervenu pour expliquer les grandes fêtes religieuses aux enfants. J’avais une heure ponctuellement. Et j’ai ainsi visité les maternelles, puis les primaires.
Emerveillé
J’ai toujours été très bien accueilli quand j’ai fait le tour des classes. J’ai même été émerveillé souvent parce que les enfants du primaire et de la maternelle posaient plein de questions sur Dieu. Lors de mon intervention, j’avais organisé la rencontre sous forme de questions sur le thème « Qui est Dieu ? » « Avez-vous entendu parler de Dieu ? » Il y avait des questions d’enfants du type : « Est-ce que Dieu est une femme ? » auxquelles j’ai essayé de répondre. Et je me suis rendu compte que pour les enfants, l’interreligieux ne posait pas de problème parce qu’il y avait des enfants juifs, des chrétiens, des musulmans et des enfants sans religion. Mais spontanément, ils n’avaient pas peur de poser des questions ou de s’impliquer. Certains disaient : « Moi je vais au catéchisme à Saint-Germain », « Moi je vais à la mosquée », etc. Ça m’avait frappé avec ce qu’on entend autour de nous sur les difficultés du dialogue. Pour ces enfants, cette difficulté n’existe pas, en tout cas pour le moment.
Changement de regard
Ma priorité était d’abord de connaître les enfants, de connaître le milieu et de m'insérer auprès des enfants.
Maintenant, depuis trois ou quatre ans, c’est d’avantage auprès des professeurs que je m'insère, de différentes manières. Par exemple, je mange régulièrement à l’école le midi et je participe aux différents conseils d’établissement (d’administration et de la pastorale puisqu’il y a un animateur en pastorale). L’animateur en pastorale, Nicolas Dulieu, gère l’aumônerie dans l’établissement. Il y a des propositions pastorales qui sont faites en direction de toutes les classes, dans tous les niveaux. L'aumônerie propose un accueil des enfants pour la préparation aux sacrements ou simplement les enfants qui veulent se retrouver pour un partage d’Evangile.
En participant au Conseil d’administration, je vois ainsi les problèmes financiers qui se posent, les projets.
Ça m’a remis en question sur ma conception de l’école « libre ». Je pensais que ça s’adressait à des gens privilégiés, qui avaient les moyens, les discours qu’on entend souvent. Mais la spiritualité de saint Jean-Baptiste de la Salle, qui est le saint patron de l’école, est très présente. Par exemple, le directeur est très attentif à recruter un pourcentage important d’enfants qui sont marginalisés, pour différentes raisons, avec un cycle qu’on appelle segpa (sections d'enseignement général et professionnel adapté) qui accueille des enfants qui ont besoin d’un accompagnement spécifique parce qu’ils sont très en retard au niveau scolaire. Il y a aussi des cars d’alphabétisation qui se promènent dans différents lieux du diocèse. Ces cars s’implantent dans un lieu, par exemple à Stains dernièrement. Ce sont des profs de l’établissement qui donnent de leur temps.
Mieux vivre ensemble
Les deux directeurs que j’ai connus ont le souci de la pastorale.
Tous les enfants du primaire et de la maternelle viennent aux célébrations des grandes fêtes, qu’ils soient juifs, musulmans ou non croyants. Cela fait partie du contrat de départ quand les parents inscrivent leur enfant. Il y a des parents qui viennent aux célébrations. Ça fait des grandes assemblées de 300 enfants.
A partir de la 6e, les jeunes vont à la messe s’ils le souhaitent. Je pense que pour les jeunes à partir de la 6e, c’est important de faire jouer leur liberté parce qu’ils savent ce que ça veut dire de participer ou non à une célébration contrairement à des enfants de trois ans qui n'ont pas les moyens de choisir.
Le Conseil pastoral, composé de professeurs volontaires, traite des actions de solidarité. Il y a un très gros effort de l’établissement pour mettre les enfants en lien avec les associations caritatives, aussi bien catholiques qu’en dehors de nos circuits. Les enfants participent, partagent et, à la fin de l’année, il y a une remise officielle des chèques, de ce que les enfants ont récolté.
Mieux connaître les professeurs nous permet de mieux collaborer avec eux et d’aider l’animateur en pastoral à savoir sur quels professeurs il peut compter parce qu’ils ont une ouverture à l’esprit de l’école.
Un lien avec la paroisse
C’est dans les statuts de l’école de favoriser autant que possible le lien avec la paroisse. Ce lien passe principalement par moi et aussi par les parents autour de la préparation aux sacrements.
Le lien avec la paroisse se fait de nombreuses manières. D’abord, il y a un certains nombre d’enfants qui sont catéchisés à Pantin. Donc, je rencontre les enfants et les parents sur la paroisse. Il y aussi des actions conjointes. Par exemple l’année dernière, les profs sont venus intervenir à la paroisse pour une action sportive. Le lien se fait aussi par les deux animateurs pastoraux, Nicolas et son épouse Laurence intégrée aussi dans l’école puisqu’elle fait partie du comité qui gère les orientations des élèves en particulier de ceux qui sont en difficulté. Elle est en lien avec le segpa.
Le lien le plus important avec la paroisse se fait au niveau de la préparation aux sacrements. Il y a un travail ensemble. Les enfants sont préparés à l’école qui invitent les parents et les enfants à participer aux rencontres dans la paroisse, par exemple pour la préparation au baptême. Ensuite, les baptêmes ont lieu, soit dans la paroisse de Pantin, soit dans la paroisse dont dépendent les élèves.
Il y a aussi le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) de la paroisse qui fait des actions avec les enfants pour la campagne de carême.
Être ce que l'on est sans se renier
Jean Handtschoewercker, retraité de l’Education nationale, membre de Chrétiens dans l'Enseignement public, Livry-Gargan
J’ai été professeur d’anglais pendant 40 ans en Seine-Saint-Denis où j’habite également depuis le début de ma carrière qui a débuté en septembre de l’année 1968 !
Issu moi-même d’une famille pas très favorisée socialement et culturellement, je suis devenu enseignant par choix, par vocation. Enseigner dans le 93 a été un choix dans la continuité du choix de l’Enseignement public. Je souhaitais m’adresser à tous les enfants quelles que soient leurs origines. Je voulais contribuer à leur donner toutes les chances de s’instruire, de grandir, de s’épanouir et de trouver leur place dans notre société, grâce à l’Ecole de la République. Beaucoup d’entre eux étaient des enfants de la première génération d’immigrés de l’époque.
Bien préparé
Il faut dire que j’ai eu, de plus, la chance d’être bien préparé à cette tâche. Je suis entré à l’Ecole Normale d’instituteurs à 16 ans, puis j’ai suivi la formation des professeurs de collège d’enseignement général avant de passer le concours de l’Institut Professionnel de l’Enseignement Secondaire pour préparer ma licence et le Certificat d’Aptitude à l’Enseignement Secondaire….Et depuis l’âge de 16 ans, j’ai été accompagné par les Equipes Enseignantes, mouvement d’enseignants chrétiens ayant fait le choix de l’Ecole publique, devenu Chrétiens dans l'Enseignement public. Grâce aux Equipes Enseignantes et à nos aumôniers qui ont vécu Vatican II, j’ai grandi dans la foi, parallèlement à la formation universitaire et professionnelle que la République m’a donnée.
Le collège, une étape capitale
Pendant ces 40 années, j’ai enseigné comme professeur dans deux collèges de notre département, que je n’ai eu aucun mal à obtenir, contrairement à certains de mes amis qui postulaient pour des postes dans des villes ou départements plus convoités ! Je pense que durer dans un établissement scolaire est important : on tisse des liens avec les enfants, les familles et tout l’environnement. Je suis resté en collège parce que ce qui m’intéressait et m’intéresse toujours, c’est la pédagogie, l’éducation (me souvenant de mes propres difficultés d’élève), et parce que le collège est une étape capitale pour les jeunes.
Etablir un climat de confiance
Il me semble qu’aujourd’hui et particulièrement dans notre département, on ne peut transmettre, éduquer que si l’on est réellement présent, investi et, dans un climat de confiance (élèves, parents, collègues, administration, milieu local). Un climat de confiance qui s’établit :
-parce que l’on vit à côté, dans la proximité à travers l'engagement professionnel, syndical, politique, associatif et dans l’Eglise…
-parce qu’on veille à être cohérent et respectueux de chacun.
Vivre ma foi sans ostentation
C’est ainsi que j’ai essayé de vivre ma foi : être ce que l’on est, sans se renier mais sans ostentation.
Les paroles ne sont pas toujours nécessaires, sauf s’il y a une demande explicite. Et dans ce cas, je ne me suis jamais dérobé : les jeunes n’aiment pas ça ! Ils n’aiment pas les gens neutres !
Il m’est donc arrivé, de temps en temps, de répondre aux questions d’adultes ou d’élèves, mais en précisant toujours que ma réponse était ma réponse personnelle, que je ne prétendais pas détenir la vérité à moi tout seul, qu’il fallait confronter ma réponse à celle des autres… Les jeunes ont besoin d’avoir devant eux des parents, des enseignants, des éducateurs adultes et responsables qui ont des convictions, qu’ils peuvent proposer à condition que ce ne soit pas pour endoctriner, mais pour éveiller l’esprit critique et qu’ils soient cohérents s’ils veulent être crédibles. Le laxisme, la démagogie sont toujours démasqués. Les jeunes méprisent la faiblesse… et ne se gênent pas pour le faire savoir un jour ou l’autre parce qu’ils se rendent comptent qu’il y a eu duperie, que nous n’avons pas été à la hauteur !!!
Au-delà de la transmission des savoirs
Il serait plus que temps que l’on renverse la vapeur : le consumérisme, la satisfaction immédiate des désirs, le plaisir ne font pas le bonheur de l’humanité.
Notre rôle, notre mission, même dans l’Ecole publique, au-delà de la transmission du savoir, est de les aider à réfléchir, à discerner, à ne pas se laisser embarquer sur des voies de garage, à démasquer les propositions fallacieuses. Comment ? Notre comportement, notre attitude, notre façon de dire, de parler, de faire, d’être ont parfois une efficacité plus grande que nous le croyons !
Un travail d'équipe
Enfin, j’ai toujours crû au travail d’équipe. J’ai toujours pensé que l’on était plus efficace en travaillant ensemble. C’est ce que je me suis efforcé de faire dans les deux collèges où j’ai exercé? Ça marchait et les élèves s’en rendaient compte ! Je crois en l’équipe pédagogique, en la communauté éducative qui s’avèrent de plus en plus nécessaires aujourd’hui. Dans un premier temps, ça exige plus de nous, mais à l’arrivée, on est gagnant ! Tout cela, je le dois aux Equipes Enseignantes (dont je parlais plus haut) qui sont devenues Chrétiens dans l’Enseignement public après leur fusion avec la Paroisse Universitaire (autre mouvement d’enseignants fondé au début du XXe siècle). Au-delà de nos paroisses, nous avons en effet besoin d’un lieu d’Eglise spécifique pour réfléchir, méditer, prier, pour avancer dans notre foi et discerner ensemble comment la vivre aujourd’hui, là où nous sommes, en ce qui nous concerne l’Ecole publique avec toute sa complexité et sa diversité.
Un accompagnement humain
Fabienne Beaurain, adjointe en pastorale, établissement Saint-Louis-Sainte-Clotilde, Le Raincy
Mes premières "armes" en établissement, je les ai faites à Notre-Dame de la Providence de Vincennes pendant trois ans où j’ai beaucoup appris : l’organisation d’un établissement, ses contraintes, le fonctionnement, etc. Lorsque j’ai appris que le chef d’établissement de Sainte-Clotilde cherchait une Adjointe en pastorale scolaire, je n’ai pas hésité. Rejoindre cet établissement était mon désir depuis très longtemps. Mon entretien avec le chef d’établissement M. Sextius, s’est admirablement bien passé, nous allons dans le même sens, suivons le même chemin, donc j’ai dit : « oui ! » Et depuis, je ne l’ai jamais regretté. Si cette mission fait partie de ma vie c’est aussi par de belles rencontres : les prêtres qui m’ont accompagnée et m’accompagnent encore, des laïcs heureux de s’investir dans l’Eglise et le désir de se laisser bousculer pour apprendre encore. Je peux vous assurer qu’avec les jeunes, nous sommes bien bousculés !!!
Disponibilité et écoute
Je suis adjointe en pastorale. Le premier responsable de la pastorale est le chef d’établissement qui a reçu une lettre de mission de notre évêque. Je suis donc directement son adjointe dans la mise en œuvre des projets. J’ai à mes côtés une belle équipe pastorale composée de professeurs, d’adultes de l’établissement et d’un adjoint en pastorale pour le primaire et les 6ème / 5ème.
Mon rôle est très vaste, il consiste surtout en une grande disponibilité et écoute envers les jeunes et les adultes. J’accueille de plus en plus de jeunes en difficultés, en questionnement, et aussi simplement pour un échange sympathique. Mon bureau est toujours ouvert, même lorsque je n’y suis pas et il est devenu au fil du temps un lieu où ils peuvent se poser.
Une mission large
De façon plus concrète mes missions sont les suivantes :
- La responsabilité collège/lycée et coordination du primaire
- Une réelle collaboration avec les chefs d’établissement
- L’organisation et la mise en place des temps de Culture Humaine et Religieuse pour chaque niveau. J’interviens dans les classes de 4ème jusqu’en terminale
- La catéchèse et préparation aux sacrements. J’anime les groupes d’aumônerie et de préparation à la confirmation et aux sacrements.
- Garder et renforcer le lien avec la paroisse.
- Préparation des célébrations pour les temps forts liturgiques et sacramentelles.
- Préparation de temps forts, retraites.
- Mise en place de projets de solidarité.
- Participation au conseil de direction hebdomadaire.
- Lien avec les responsables pédagogiques, les enseignants et le personnel éducatif.
- Présence aux conseils de discipline.
- Participation aux temps diocésains
J’en oublie certainement, mais le rôle le plus important de ma mission est de témoigner de ce qui m’anime, me fait lever chaque matin, l’Evangile, et de voir dans le visage de chacun celui du Christ.
La pastorale n’est pas une annexe du projet d’établissement elle fait partie intégrante et doit être un liant dans tout ce qui se vit. Je suis donc un élément de ce liant, dans toutes les décisions qui doivent être prises, dans les situations parfois délicates, j’essaie d’apporter ou de rappeler ce qui nous unit et pour qui nous œuvrons.
Ouvert à tous
Notre établissement, comme normalement tous les établissements catholiques, est ouvert à tous sans distinction culturelle et cultuelle. Nous avons la responsabilité d’un accompagnement éducatif et avant tout humain. Pour que la différence devienne une richesse et non un obstacle, il faut apprendre et comprendre qui est l’autre dans son histoire, ses traditions. L’ignorance entraîne la peur de l’autre et peut engendrer mépris et parfois la violence.
Notre diocèse « aux mille couleurs » comme le nommait le Père de Berranger se doit d’être pour d’autres une lampe qui brille par la richesse de ces différences et ne doit plus être nommé simplement un 9….3 ! Les jeunes sont les futurs adultes de demain, le changement doit passer par eux.
Pour pouvoir accueillir l’autre, il faut aussi que chacun sache se situer, comprendre d’où il vient et ce qui l’entoure. Il ne faut pas non plus que nous soyons frileux dans notre foi dans le Christ. Accueillir l’autre, comprendre l’autre, ne veut pas dire se dissoudre. Il est important que nous témoignions de notre foi, que nous rendions visible ce que nous vivons et ce qui nous anime.
Dialogue interreligieux
La dimension interreligieuse est prévue pour chaque niveau chaque semaine en demi classe. La pastorale a une place et une parole importante lors des réunions de professeurs et de parents. En début d’année, nous rappelons aux familles qu’ils ont inscrits leurs enfants dans une école catholique et que notre objectif est aussi de les aider à grandir en humanité.
Nous commençons par les fondamentaux, puis dès la 4ème, nous abordons des thèmes que les jeunes choisissent en deux temps : dans leur quotidien et que nous disent les religions. Souvent ce sont les mêmes thèmes qui reviennent : la violence, la souffrance, la mort, la justice, le bien et le mal, la sexualité, le regard.
Chaque année, l’association du dialogue interreligieux intervient dans toutes les classes de 1ère. Cette association est composée du curé du Raincy, du pasteur, du rabbin et d’un imam. Les semaines précédentes, je passe dans chaque classe pour leur expliquer en quoi consiste le dialogue interreligieux, son importance et surtout que cela ne concerne pas que les croyants.
Dans un premier temps, il y a l’étonnement chez les jeunes de voir des représentants de chaque religion ensemble, les réponses aux questions en entrainent d’autres et le temps passe très vite. Les jeunes en ressortent très enthousiastes et en parlent encore longtemps entre eux. Il est dommage que des interventions comme celle-là ne puissent se faire que dans nos établissements !
Je me souviens de la première fois où cela a été organisé, c’était une semaine après l’évènement de Charlie Hebdo ! Cela avait permis un dialogue profond et de redonner le vrai sens des textes religieux.
Temps forts
Tout ce que nous organisons lors des temps forts liturgiques est ouvert à tous, sans distinction. Pour la semaine sainte, un chemin de croix est vécu dans l’établissement, de façon visible par tous, animé par les jeunes, et une station est prévue au temple protestant. Ainsi, même pour les jeunes qui n’y participent pas, cela ouvre à des questions, à une curiosité.
Quand une personne de l’établissement (élèves, enseignants, administration ou personnel de service) perd un proche, nous envoyons une petite carte pour présenter nos condoléances et aussi pour les assurer de nos prières et de notre soutien. Que cette personne soit chrétienne, d’une autre religion ou sans religion, il est essentiel de témoigner de notre foi et de signifier que, pour nous, le Christ est présent pour tous. Nous avons souvent le retour des personnes que ce geste les a beaucoup touchées.
Profondément heureuse
Avoir cette mission d’adjointe en pastorale me rend profondément heureuse, je n’oublie jamais que c’est pour le Christ que j’œuvre au milieu de ces jeunes et des adultes.
Ils m’apprennent plus que je ne leur apprends, je reçois plus que je ne donne. Il faut aussi parfois savoir lâcher prise devant un jeune qui refuse de vous entendre ou qui se perd. Tout ne nous appartient pas il faut juste garder confiance !
C'est quand je suis faible que je suis fort
Benoît de Guillebon, enseignant, lycée Fénelon, Vaujours
En 1989, un poste de responsable de la production florale dans le lycée horticole privé Fénelon s'est libéré et j'ai postulé. J’ai eu la responsabilité de la création de 2000 m² de serres moderne et des travaux pratiques en classe de BEPA, et Brevet de Technicien Agricole (niveau bac à l’époque).
Quand j'étais jeune, je n’aimais pas tellement l’école, préférant l’apprentissage dans la nature. C’est donc plutôt la responsabilité des cultures et de la serre qui m’a attiré au départ, plus que l’enseignement. Rapidement, j’ai aimé transmettre ce que je savais faire, et j’ai aimé partager cette passion de l’horticulture avec mes élèves. C’est là où nous nous rejoignions. Comme je n’avais pas tellement aimé l’école, je voulais faire autrement avec mes élèves, comprenant leurs difficultés scolaires souvent liées au système.
C’est l’opportunité qui a fait que cette école était catho, mais cela a été un aspect important dans ma décision pour prendre ce poste. J’ai fait toutes mes études dans des écoles catholiques et donc je me trouvais un peu chez moi, en cohérence avec les valeurs qui fondent ma vie. Je pouvais facilement vivre ma foi dans mon travail et en parler : tout simplement génial pour moi ! Le cadre de l’école m’a immédiatement séduit : 9 hectares de parc !
Leurs difficultés ne métaient pas inconnues
Au départ à Fénelon, j’avais donc la responsabilité de la construction des serres, de leur entretien et des cultures que nous mettions en place avec mes élèves. Après avoir été prof de travaux pratiques en BEPA et Bac Pro, j’ai été prof technique pour les élèves de quatrième et troisième technologiques de l’enseignement agricole. Le plus souvent, ces élèves sont dans cette filière par défaut plutôt que par vrai choix, étant fâchés avec le système scolaire traditionnel. Leurs difficultés ne m’étaient pas inconnues…
Cela n’a pas été évident pour moi les premières années de faire cours à ces élèves en pleine recherche identitaire, pas forcément motivés par l’horticulture. Petit à petit, j’ai construit un programme qui leur correspondait.
Un établissement de réinsertion scolaire
En juin 2010, notre école a été sollicitée pour ouvrir un établissement de réinsertion scolaire qui est devenu l’Internat-Relais. Cette structure s’adresse à des élèves perturbateurs ou décrocheurs, des « handicapés de la vie », collégiens âgés de 13 à 16 ans.
La structure est basée sur une pédagogie qui met l’accent sur l’apprentissage de la règle, le respect de l’autorité et le goût de l’effort. C’est un internat accueillant des jeunes exclus au moins une fois ou fortement absentéistes. On y enseigne la maîtrise des savoirs fondamentaux et tous les après-midi, il y a une place importante pour la pratique du sport et la découverte des métiers.
Accueillir toutes les bonnes volontés
Sans ma foi en Jésus, je n’aurais jamais pu aller aussi loin avec ces jeunes en difficulté. Le Christ nous dit qu’il n’est pas venu pour les bien portants mais pour les malades. Fénelon ne fait pas de sélection à l’entrée et accueille toutes les bonnes volontés. Les jeunes accueillis viennent des collèges publiques du département. Ils ont parfois un pied, voire les deux, dans la délinquance. Beaucoup de jeunes sont cabossés par la vie, tous n’ont pas la même chance. Même s’ils sont volontaires parfois leur environnement les rattrapent.
Si ces élèves viennent c’est leur choix. Ils sont libres et peuvent partir à n’importe quel moment de l’année. Pour moi c’est très important car c’est à partir de leur volonté que nous pouvons commencer à travailler, même s’il y a des conflits, des mécontentements. Le premier travail est de redonner confiance au jeune en repérant ses talents, en établissant une confiance avec les adultes. Si cette confiance s’établit c’est presque gagné pour lui.
Avoir les yeux du Christ
J’essaye d’avoir les yeux du Christ pour regarder mes élèves. Voir l’essentiel, voir le cœur de leurs difficultés et non leur agressivité qui pourrait me blesser, m’énerver. L’essentiel est de leur montrer qu’ils ont en eux la capacité de s’en sortir, qu’ils ont des talents et qu’ils ont du prix à nos yeux.
Dans la Bible, je trouve des exemples, des conseils qui m’aident à mieux comprendre ces jeunes. Lors d’un pèlerinage en Terre Sainte, vers midi en plein désert du Sinaï, entre des cailloux, j'ai découvert une petite plante en fleur, alors que je me disais que rien ne pouvait pousser dans cette caillasse. Et j’ai alors entendu au fond de moi cette parole de Jésus qui me susurrait : « Dans le cœur sec de tes élèves, cherche cette fleur que j’ai fait germer ». L’image de cette fleur ne m’a jamais quitté dans mon travail.
Nous devons rester ferme, Dieu n’est pas complaisant, mais tout est fait par amour. Ce n’est pas toujours facile et parfois l’envie de les claquer peut surgir. Alors, il faut passer le relais à un autre adulte. Je ne suis pas le Christ… Le principal est de reconnaître ses faiblesses : « Car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. » (2 Corinthiens 12, 10)
Comme Jésus nous le montre, nous devons sans cesse recommencer. Les élèves font souvent deux pas en avant, puis un pas en arrière. J’aime la formule de Raoul Follereau : « Vivre c’est aider les autres à vivre. » A l’internat-relais, j’ai bien cette sensation de vivre pleinement. J’ai compris toute l’humilité qui se trouve dans le mot serviteur que le Christ utilise. Serviteur certes, mais pas esclave.
Des changements positifs
Nous rencontrons régulièrement les parents. Ces échanges sont indispensables. Ils nous permettent de savoir si les changements positifs que nous mesurons à l’école se font également sentir à la maison. C'est un précieux indicateur. Cela nous permet de valoriser les efforts de l’enfant aux yeux des parents. Les changements sont alors plus rapides puisque soutenus dans la famille.
Dans tous les cas, la fin d’année est un réel bonheur. Curieusement, c’est à ce moment-là que nous sortons la tête du guidon et que nous sommes alors capables de mesurer les progrès réalisés par nos élèves. Ils commencent à trouver un sens à leur vie et ma vie prend alors un vrai sens !
Malgré les difficultés administrative, financière et de recrutement, l’internat-relais de Fénelon continue sa mission. Cela tient à l’esprit du Christ ancré dans notre école depuis ses origines. En effet, en 1840, l’abbé Dubeau a fondé l'"asile" Fénelon qui accueillait les enfants des populations environnantes les plus pauvres, et les prenait en charge. Cela perdure depuis, malgré toutes les difficultés que cela engendre. Nous n’avons pas à rougir de notre école Fénelon, mais à en être fier car le Christ y est réellement présent.
Je propose une idée. Quelques écoles catho font l’accueil de tous par vocation. Cela à un coût financier non négligeable. Par exemple, les élèves de l’internat-relais ne paient pas le fonctionnement de l’école. Pourrait-il y avoir une « caisse de solidarité » entre les écoles catholiques du diocèse ? Nous serions au cœur de ce que le Christ nous demande.
Des jeunes debout !
Soeur Marie de Castelbajac, Communauté apostolique Saint-François-Xavier, directrice adjointe de l’établissement Charles-Péguy, Bobigny
C’est en 1936, bien avant la création du diocèse de Saint-Denis, que l’établissement Charles-Péguy a ouvert ses portes. D’abord un jardin d’enfants, puis l’école s’est agrandie peu à peu et accueille aujourd’hui des jeunes filles jusqu’en terminale et propose les trois séries générales du baccalauréat. Cet établissement a été créé par la Communauté apostolique Saint-François-Xavier qui l’anime toujours aujourd’hui en étroite collaboration avec des laïcs, dont le chef d’établissement. Il est ouvert à tous, dans le respect des choix religieux et philosophiques des familles.
Former les jeunes filles
Madeleine Daniélou, fondatrice de la Communauté Saint-François-Xavier, souhaitait former des femmes responsables, autonomes, capables d’une pensée personnelle, ayant le sens de la culture, ouvertes au dialogue et prêtes à s’engager au service de la société. Elle voulait donner à des jeunes filles, issues de tous les milieux sociaux et culturels, la possibilité de faire des études aussi exigeantes que celles des garçons, initiative audacieuse à une époque où ce n’était pas le cas. Elle tenait à ce que les aspirations spirituelles de la personne soient honorées autant que les capacités intellectuelles. La non-mixité, héritage de l’histoire de l’école, garde encore sa pertinence aujourd’hui pour permettre aux jeunes filles de cultures variées de développer une pensée personnelle; la construire; l’argumenter et oser l’exprimer, de réfléchir à leur foi, quelle qu’elle soit; d’être capables d’en rendre compte; de la partager à d’autres. Cet apprentissage du dialogue, du vivre ensemble, fondé sur des rapports de confiance et de vérité entre les familles et l’établissement, entre les professeurs et les élèves, dans le respect de ce qu’est chacun, est essentiel aujourd’hui dans le contexte pluriculturel et plurireligieux qui est celui du département du 93.
Une communauté apostolique et éducative
Nous sommes cinq de la Communauté Saint-François-Xavier à vivre et travailler dans l’établissement. Nous y assumons toutes, non seulement des tâches pastorales, mais aussi éducatives et d’enseignement. L’une de nous est aussi directrice de l’école primaire.
Personnellement, je suis arrivée à Charles-Péguy en 2006 comme responsable des lycéennes et j'y travaille depuis 2008 comme directrice adjointe. Après deux années très riches passées dans un lycée à Abidjan en Côte d’Ivoire, j’ai été envoyée par ma communauté pour poursuivre ma mission au milieu de cette jeunesse « arc-en-ciel » de la Seine-Saint-Denis. C’est toujours une joie pour moi de transmettre à d’autres ce que j’ai moi-même reçu. Donner confiance à des jeunes, leur apprendre à se connaître, à découvrir leur richesse, les aider à développer leurs dons, à croire en leurs rêves. Cela demande, certes de l’énergie au jour le jour, mais quel bonheur de voir les élèves grandir, assumer des responsabilités, devenir des jeunes debout !
Propos recueillis par Anne-Marie Tossou
Repères
A lire
- Projet de l’Enseignement catholique du diocèse de Saint-Denis, promulgué en octobre 2015
- Enseignement catholique actualités ECA, le magazine de l’Enseignement catholique
- Ensemble, l’éducation, Semaines sociales de France, Editions BoD, 2017
- Famille & éducation, le magazine de l’APEL
- Heureux les enseignants ! Des pistes pour se ressourcer, Christiane Conturie, Editions Salvator, 2018
- Lignes de crêtes, revue des Chrétiens dans l’Enseignement public
Sur www.vatican.va
Discours du pape François aux écoles italiennes, Place Saint-Pierre, samedi 10 mai 2014
Contacts
- Direction diocésaine de l’Enseignement catholique 93
- Association des parents d’élèves de l’enseignement libre
- Association Chrétiens dans l’Enseignement public
Jumelage
En février 2018, Frédéric Delemazure, directeur diocésain de l'Enseignement catholique, et son adjoint ont été invités à rencontrer leurs homologues et à prendre contact avec trois établissements scolaires du diocèse d'Owando. Un projet de jumelage entre ces trois écoles du diocèse d’Owando et des établissements catholiques de notre diocèse sont en cours d’élaboration, ainsi qu’un autre projet de formation de 10 formateurs du diocèse d’Owando.