La charité, c'est quoi aujourd'hui ? (N°33 / Février - Mars 2017) — Diocèse de Saint-Denis-en-France

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La charité, c'est quoi aujourd'hui ? (N°33 / Février - Mars 2017)

Pour nous chrétiens, Jésus est le modèle pour apprendre à aimer et à nous donner. Dans la parabole du bon Samaritain, il nous invite à convertir notre regard car aimer Dieu et son prochain sont inséparables. Etre proche de l’autre, c’est s’unir à Dieu. Dieu est amour. Il nous a créés à son image, donc nous sommes capables d’aimer en vérité.

« La charité ne fait point de mal au prochain : l'accomplissement donc de la loi,
c'est la charité » Romains 13, 10

 

L'amour, corps et âme

Aidons-nous les uns les autres

Miséricorde !

La charité du Christ nous presse

L'amour de Dieu et du prochain

Il faut se battre pour faire bouger les lignes

Refuser l'inhumain pour donner sens à sa vie

La juste conception de la personne humaine

Repères

 

 

L'amour, corps et âme

Père Marcio Peña, délégué diocésain à la solidarité, aumônier de la Maison d’arrêt de Villepinte

Le mot charité a pris une connotation péjorative et tend à disparaître aujourd’hui. La charité, ce n’est pas donner ce que j’ai de plus, simplement pour pouvoir me dire « j’ai fait une bonne action », ou un geste de solidarité pendant le carême. C’est l’amour. Mais de quel amour s’agit-il ? Nous vivons en effet dans une société où le mot amour est devenu banal. Benoît XVI nous aide à comprendre la charité dans son Encyclique Dieu est Amour. On distingue en grec l’amour eros qui est corporel, une attraction possessive, de l’amour agape qui est un don spirituel, une offrande gratuite de soi-même. Benoît XVI nous invite à unir les deux. « Ce n’est pas seulement l’esprit ou le corps qui aime : c’est l’homme, la personne, qui aime comme créature unifiée, dont font partie le corps et l'âme. C’est seulement lorsque les deux se fondent véritablement en une unité que l’homme devient pleinement lui-même ». La charité est donc l’amour qui nous unifie et nous permet d’exister. Nous ne pouvons pas vivre seuls. La charité est cet élan qui nous pousse à la rencontre de l’autre. Ce mouvement nous lie les uns aux autres avec Dieu.

La vie d’un chrétien doit s’inscrire dans l’exemple de Jésus Christ qui prie pour s’unir au Père et sortir à la rencontre de l’humanité. C’est ainsi que notre vie spirituelle est un chemin, qui nous conduit à trouver la source du bonheur en nous, dans un mouvement d’amour vers notre prochain. Tout geste, toute parole, tout silence… vécu dans cet amour est notre chemin d’humanisation pour devenir « enfants de Dieu ».

Une force qui nous unit

Nous pouvons penser que vivre la charité, c’est poser des gestes solidaires. Certainement oui, la charité est solidaire, comme le Christ qui a passé sa vie en faisant le bien. Mais, elle dépasse le simple désir du vivre ensemble en invitant à renouveler la justice humaine jusqu’à l’infini de l’amour. Il s’agit d’une transformation intérieure de chacun pour vivre dans le même état d’esprit que celui de Jésus.

Nos actions charitables prennent leur source dans cet élan gratuit qui ne cherche pas notre propre intérêt, mais à bâtir un Royaume de frères, fils d’un même Père. Nous le vivons concrètement dans le quotidien chaque fois que nous donnons une place à l’autre, que nous acceptons la différence… Nous pouvons par exemple : dépasser nos petits cercles dans nos paroisses et accueillir d’autres, spécialement les marginalisés ; donner de notre temps pour écouter l’autre dans un monde qui s’enferme dans l’indifférence ; porter une parole d’espérance et non de découragement ou de division ; Nous accueillir les uns les autres sans écraser celui qui est plus faible car nous sommes tous fait de la même pate de vulnérabilité ; faire aussi, selon nos possibilités, un don matériel, car l’Eglise ne peut rester indifférente à la souffrance des plus démunis. C’est Jésus qui nous appelle à travers tous ceux qui souffrent. Chacun est responsable de prendre soin les uns des autres. Ainsi nous vivons la proximité, comme le Christ solidaire avec le prochain d’aujourd’hui et celui de demain qui trouvera les traces de notre marche. Vivre la charité, c’est entrer dans le désir du Christ ressuscité : « la paix ». Laissons-nous donc habiter par l’Esprit de charité.

 

Aidons-nous les uns les autres

Fulbert Kpiodigui Momou, Drancy      

La charité aujourd'hui pour moi, résume ma vie depuis trois ans.  Arrivé en catastrophe de Centrafrique, déchiré par un conflit intercommunautaire, j’ai été confronté à de grandes difficultés de tout genre et ma vie s'est très vite précarisée. La voie de sortie passait par une humilité et surtout reconnaître que j'avais besoin d'aide et que seul, je n'y arriverais pas... Ma raison d'espérer en un jour meilleur s'est forgée grâce aux coeurs bienveillants que constituaient mon entourage proche et lointain. Le Secours Catholique a su répondre à cette urgence. Dès le premier jour, l'accueil chaleureux et la douceur des paroles à mon égard m'ont fait espérer un ciel plus clair. Quelques semaines plus tard, commençait une nouvelle vie avec une prise en charge partagée entre le Secours Catholique et les paroisses de Livry-Gargan et de St-Louis de Drancy qui ont démontré combien elles étaient charitables. Ancien séminariste et chrétien pratiquant, j'ai depuis toujours cultivé dans mon coeur une certaine charité vis-à-vis du prochain qui a besoin de moi. Mais la beauté et la grandeur du geste prend une saveur miraculeuse dès qu'on se retrouve en position de recevoir.

Pour avoir une visibilité sur la pauvreté, la délégation du Secours Catholique 93 a souhaité intégrer dans son bureau un membre qui avait vécu une situation précaire. Ainsi, j'ai été choisi et nommé vice-président en 2015.  On débat tous les sujets liés à la grande précarité repartis en plusieurs thématiques. Par mon expérience, j'essaie de donner un éclairage pour mieux comprendre les problèmes et envisager des solutions. Cela est possible grâce à la confiance des membres du bureau qui ne cessent de m'encourager et de valoriser mes efforts dans mon implication.
La charité n'a pas d'âge, elle n'est ni riche, ni pauvre. Un sourire, par exemple, peut faire autant de bien qu'un geste ou une aide. Pour nous, chrétiens aujourd'hui, aimer Dieu, c'est aimer les autres. Nous mettre à leur service, c'est servir Dieu.                 

              

Miséricorde !

Lucile Konongo, Bondy

La charité, c'est avant tout l'amour du prochain. Dieu nous aime et il attend de nous qu'on aime l'autre comme soi-même. Etre charitable ce n'est pas seulement donner des vêtements, de la nourriture ou de l'argent, c'est aussi donner son temps, savoir écouter.

Au quotidien, je vis la charité en essayant d'être à l'écoute de mes proches, mes amis, des inconnus. Se savoir écouté est réconfortant. C'est d'ailleurs pour cela que je suis une aide-soignante reconvertie au métier d'adjoint administratif suite à un accident de travail, je suis donc agent instructeur au service Familles/Solidarité pour le Centre d'Action Social de la ville de Paris.

Je fais du bénévolat en période hivernale avec les maraudes et l’accueil de SDF dans des gymnases à Paris et avec l'équipe Logement solidaire à Bondy. Je suis aussi secrétaire et chargée de communication dans deux associations d'entraide et d'humanitaire à petite échelle créées par des femmes congolaises : « les femmes sages » et « les soeurs ». sont à la base des associations d'entraides féminines pour nos familles respectives restées au pays, et nous avons peu à peu fait de l'humanitaire voyant le désarroi dans lequel était le peuple des deux Congo et en particulier les veuves et les orphelins.

En tant que catéchumène, le baptême est pour moi la rencontre avec Dieu. La communion c'est ne faire qu'un avec Dieu et la confirmation c'est affirmer l'amour qu'on lui porte, lui dire combien on est fier qu'il nous aime.
Le lien entre ces sacrements, c’est la charité, l'amour, la miséricorde, car Dieu est miséricordieux. Si nous sommes unis à Dieu nous devons être miséricordieux.

 

La charité du Christ nous presse

Père Gérard Marle, La Courneuve

Trente années après, je suis revenu dans la ville où s’est formé le jeune prêtre que j’étais, mes « années de braise ». Et j’ai découvert une autre ville, une autre population, d’autres défis – même si mes dix années à la Grande Borne, proche d’Evry, ne m’ont pas coupé des questions relatives au logement, au chômage et à la précarité, à la violence, aux migrations, à la présence forte de communautés musulmanes, aux défis que doivent relever l’école, les familles, les communautés religieuses, catholiques pour ce qui me concerne. Curé des églises de La Courneuve, j’ai gardé un engagement dans une comité de solidarité avec les chômeurs, et je n’ai pas pu refuser un engagement « très 9.3 » dans l’Observatoire de la fraternité en Seine saint Denis. 

La même dignité

Diaconia et le rassemblement de Lourdes en 2013 furent des années d’une grande densité spirituelle et de conversion. Réunir 12 000 personnes, cela pouvait conduire à choisir ou rédiger quelques propositions de loi à soumettre aux élus. Mais nous avons fait mieux, nous avons mis la présence et la parole des pauvres au cœur de ce rassemblement, comme pour rappeler qu’ils sont comme tout le monde, qu’ils ont la même dignité, des désirs semblables, une sensibilité aigüe au respect, au pardon (ils ont toutes les raisons du monde à en vouloir à la terre entière). Nous avons prié ensemble, devenant frères et sœurs dans les mains du Père. Nous avions là des raisons de ne plus désespérer. Les humiliations habituelles cédaient la place à une fraternité d’autant plus heureuse qu’elle rencontrait le désir, le rêve de Dieu sur nous les humains. La question de la justice traverse la Bible entière comme un fil rouge, quels que soient les arrangements que nous cherchons avec les textes ; il y a un souci de l’autre jusque dans ses besoins primaires, se loger, se nourrir, se vêtir ; il y a surtout une préoccupation particulière à cette tradition spirituelle, celle du combat contre les humiliations. « Le pauvre, c’est celui qu’on humilie », celui dont on parle et qui ne parle jamais, celui pour lequel on veut faire mais qu’on ne laisse jamais faire, celui auquel on ne peut faire confiance. Contre vents et marées, dans l’indifférence médiatique, malgré les procès de tous ordres que font les puissants, l’enfant de la crèche et ses parents, le prophète galiléen et le crucifié-ressuscité continue à éveiller en chacun et chaque peuple « le souci de l’autre ».

Un combat pour la justice

Je me souviens de ce moment de prière dans la chapelle d’un bidonville ; nous étions peut-être une cinquantaine, et ces Roms croyants priaient debout, chantant un Dieu qui leur donnait dignité et avenir. Puisque la prière est aussi dialogue,  « ce désir d’une présence », alors même qu’aucune des autorités n’acceptaient de parler avec eux : « ils pouvaient nous dire que nous devions partir. » Ces jours-là, nous avons pu faire tache dans une société où ils n’ont pas bonne réputation – évidemment, il y a des raisons à cela. Nous ne pouvions pas accepter qu’on leur fasse ce qu’on ne se permet pas de faire à l’égard de n’importe quel autre groupe ou communauté. « La charité du Christ nous pressait », pour reprendre une parole de saint Paul.

Comment gérons-nous les paroisses ? Quelles responsabilités donnons-nous à des gens qui n’ont pas eu la chance de faire de grandes études ? Pouvons-nous dire : il y a de place pour tous parmi nos bénévoles, chacun peut assurer ce qu’il est en capacité d’assurer ? Quels sont nos partenaires ? C’est du témoignage de la charité de Dieu dont il est question, et qui, pour le coup, nous revient à nous, qui croyons au Dieu de Jésus.

Je ne sais pas comment font d’autres, ce doit être très bien, mais mon chemin de religieux et de prêtre ne m’a pas dispensé du combat pour la justice ; il m’a renvoyé à ma propre histoire et à ma façon de croire ; maintenant que je suis devenu un vieux monsieur, je perçois mieux que ce fut un chemin de foi et non pas une agitation facile, vaine et sans densité spirituelle. Même furtivement, il m’arrive de dire que c’est un heureux chemin.

 

L'amour de Dieu et du prochain

Herman Houndebasso, président du CCFD-Terre Solidaire 93

La charité, c’est l’expression de l’amour de Dieu et du prochain. Aller vers l’autre dans une démarche de solidarité et de partage est le fondement des actions du CCFD-Terre Solidaire. Ainsi, face au problème des migrants qui fuient leurs pays en guerre, ou la misère qui les accable et les étouffe, le CCFD-Terre Solidaire lutte contre toute forme de rejet et de discrimination et soutient la nécessité de les accueillir en humanité. En même temps, le CCFD dénonce les accords de coopération et les aides au développement entre la France et les pays d’où partent les migrants, parce que ces accords ne prennent pas en compte les conditions nécessaires d’une vie humaine décente. La faim et la guerre sont deux fléaux catastrophiques qui poussent les migrants à fuir leurs pays en espérant mieux vivre ailleurs. La solution est donc de travailler à enrayer ces fléaux pour leur permettre de bien vivre chez eux. La solidarité avec tous les peuples est donc indispensable pour bien vivre sur notre planète.

Au-delà de la différence et des apparences

La charité nous donne l’élan nécessaire pour aller vers l’autre, même quand la différence de sa culture, de son origine ou de son apparence peut nous repousser. Cela se traduit par un dialogue fraternel et une écoute qui peuvent préparer un vivre ensemble indispensable pour la vie sociale. Cette démarche simple se renforce dans la vie des associations partout sur notre territoire.

Ce faisant, on est sensible à la parole de l’autre, qui nous invite à partager ce qui est important pour lui. C’est une richesse à laquelle Diaconia 2013 nous a sensibilisés en invitant à donner la parole au pauvre, à toute personne en précarité pour l’écouter et partager sa préoccupation.

Dans la voie du développement humain

Pour vivre cette charité, au cœur de leur foi chrétienne, les bénévoles et les salariés du CCFD-Terre Solidaire conduisent leurs actions dans la voie du développement humain, d’abord l’Homme et tout Homme, afin de garantir à chacun sa part du bien commun et une vie décente.
C’est pourquoi, face aux inégalités, il défend la justice pour tous, et l’exercice de la liberté, inséparable de la responsabilité à l’égard des autres, de l’humanité et du monde.
La jeunesse reste sensible à cette expression de l’amour de Dieu qu’elle vit intensément, presque sans soucis. Elle a juste besoin d’écoute et elle veut partager l’effort de transformation dans la joie de l’Evangile.

La solidarité nécessaire à l'humanité

Au cœur de cette grande fraternité humaine, le CCFD se veut acteur de transformation sociale pour permettre à chaque personne de bien vivre, dignement et en responsabilité. Il a donc choisi de travailler en partenariat, d’égal à égal, avec des associations des pays du Sud et de l’Est en soutenant leurs projets de développement.

Pour sensibiliser nos concitoyens à la solidarité nécessaire pour l’humanité, le CCFD-Terre Solidaire organise régulièrement sous différentes formes l’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale par des actions ouvertes au public, des conférences, des formations ciblées…etc.

Et face aux conséquences des actions publiques contraires aux intérêts des populations du monde, le CCFD-Terre Solidaire interpelle les autorités par des actions de plaidoyer faisant pression sur leurs décisions et leurs actions.

Cette forme de la charité chrétienne en action est au cœur de l’identité du CCFD-Terre Solidaire. Comme le dit le pape Benoît XVI dans Deus Caritas est, « la charité n’est pas pour l’Eglise une sorte d’activité d’assistance sociale qu’on pourrait aussi laisser à d’autres, mais elle appartient à sa nature, elle est une expression de son essence elle-même, à laquelle elle ne peut renoncer. »          

 

Il faut se battre pour faire bouger les lignes

Jean-Yves Le Roy, diacre permanent, Saint-Denis

J’anime le Cercle de silence de Saint-Denis chaque mois depuis 8 ans en solidarité avec les personnes sans-papiers. Je suis à l'ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture), à la coordination 93 de lutte des sans-papiers. Je participe aussi au collectif de soutien à des personnes expulsées de logements sur Saint-Denis). Pendant la période hivernale, je suis bénévole, avec mon épouse, au Secours Catholique pour les petits déjeuners de SDF. Je suis aussi en ACO (Action catholique ouvrière) qui fait le lien entre la foi et la vie avec les autres.
Pour moi, la charité seule ne suffit pas : donner du poisson, c’est bien mais il est important également d’apprendre à pêcher, important que les gens deviennent maîtres de leur destin. Il faut également comprendre les causes de ces pauvretés et se battre pour améliorer les lois et faire bouger les lignes.

Tous mobilisés

En ce moment à Saint-Denis, nous sommes mobilisés pour 48 migrants qui ont été expulsés de leur logement depuis août 2016. Ils campaient sur l'avenue. Le 12 décembre 2016, la police les a expulsés de leur camp ainsi qu’environ 500 autres migrants qui avaient aussi été expulsés de Paris (Stalingrad et Porte de la Chapelle). Ces derniers ont été hébergés dans 4 gymnases, les 48 personnes qui campaient sur l'avenue ont été laissées sur le trottoir malgré le froid. Le préfet a refusé de les accueillir dans le gymnase Mandela de La Plaine. Comment peut-on laisser à la rue des femmes, des mineurs, des hommes sans rien ? L’inhumanité de ces technocrates est scandaleuse.
En désespoir de cause à 21h00, ils m'ont contacté et, avec l’accord et le soutien du père Jean Courtaudière, nous les accueillons dans notre salle paroissiale (ils ont dormi par terre à 44 et cela jusqu’au 21 décembre. Le parti communiste prendra le relais. Pour la suite : mystère. On attend une proposition de la préfecture (qui à ce jour les ignore).
Le dimanche 18 décembre, neuf d’entre eux sont venus à la messe et ont témoigné de leur situation et de leurs besoins. Les paroissiens ont été très touchés et les ont aidés.

Le Secours Catholique est d’une grande aide, ainsi que l’Union fraternelle de la Plaine (assosiation musulmane qui est d’une grande efficacité). Je n’oublie pas tous les militants de différentes étiquettes de la ville.

« Ce que vous faites aux plus pauvres c’est à moi que vous le faites » nous dit le Christ.

Bien modestement mon chemin diaconal avance ainsi, alimenté de tous ces gestes d’amitié, mélangé de tristesse et de lutte, j’apporte à l’autel chaque dimanche la vie de toutes ces précarités, je propose le signe de Paix et j'envoie le peuple des chrétiens dans la société pour vivre les paroles de l’Evangile.

Oui, comme le message de notre évêque nous le mentionne : l’espérance nous permet de marcher et d’avancer et ainsi, de déployer la force et la vérité de l’Evangile.

 

Refuser l'inhumain pour donner sens à sa vie

Xavier Vandromme, délégué du Secours Catholique 93

Le projet nationale 2016-2025 de Caritas France Secours Catholique veut accompagner prioritairement au cours des dix prochaines années :

  • les savoirs des personnes et des groupes en précarité. Cette prise en compte est fondamentale pour lutter efficacement contre la misère et l'exclusion. Nous souhaitons accompagner les personnes dans la prise de conscience de leurs savoirs et compétences, et les aider à les développer dans une dynamique d'éducation populaire.
  • l'accès aux droits notamment à l'éducation et au travail effectif pour tous. Ce changement passera par une inflexion de nos aides vers une approche systématique d'accompagnement et de plaidoyer pour l'accès aux droits. Cela passera notamment par l'amélioration des articulations des équipes de bénévoles localement et régionalement. Il faut aussi renforcer le plaidoyer, avoir une posture proactive de veille et d'analyse des enjeux d'accès aux droits, mais aussi innover pour avoir des modes d'action plus adaptés aux personnes et aux groupes n'ayant pas accès à leurs droits.
  • La revitalisation des territoires marginalisés et la réduction des inégalités territoriales. Un territoire est un système complexe et ouvert qui forme l’identité des personnes et doit leur permettre d'y vivre en harmonie avec leur environnement. Les fractures culturelles, démographiques, sociales ou économiques, ainsi que le déficit de droits, de services ou d'infrastructures, marginalisent et conduisent à générer de fortes tensions internes ou externes aux territoires. Il nous faudra valoriser et croiser davantage l'expérience acquise en France et en Seine-Saint-Denis, développer et animer des réseaux formés à une approche de développement, et mieux articuler proximité et subsidiarité.
  • L'interculturel et l'interreligieux. Les bouleversements mondiaux et le délitement de la situation économique et politique provoquent des interrogations, crispations et replis qui appellent à promouvoir des démarches culturelles, interculturelles et interreligieuses afin de valoriser cette diversité et de renforcer la cohésion sociale. Cela nécessitera de s'ouvrir davantage à des collaborations avec des partenaires de traditions culturelles et religieuses différentes afin de mener des actions communes.
  • Une stratégie globale. Renforcer le pouvoir d'agir des personnes et des groupes en précarité. Cela implique de savoir leur laisser l'initiative et les laisser prendre des responsabilités. Expérimenter des formes nouvelles de solidarité et de développement. Comment prendre en compte les recherches de modèles de développement plus durable, plus solidaire, plus sobre, comme nous y invite le pape François dans Laudato si’ ? Telles sont les questions que cette stratégie nous invite à poser. Mobiliser la société civile sur les causes de la pauvreté, d'inégalité et d'exclusion. Le bien commun est l'affaire de tous et chacun a sa part de responsabilité dans la construction d'un monde juste et fraternel. Concrètement, cela veut dire nouer à tous les niveaux des alliances avec d'autres organisations pour mener des actions de solidarité et obtenir du changement dans la société. Il s'agit de "voir, juger et agir". Cela doit conduire à des actions pour promouvoir des changements et susciter largement l'engagement, l'action et le plaidoyer dans nos réseaux, l'Eglise et la société.
  • Vivre la diaconie avec les communautés chrétiennes pour transformer la société. Chaque humain vit de cette dimension spirituelle qui n'est pas forcément religieuse, mais qui fait appel à l’intériorité. Elle lui fait refuser l'inhumain, elle l'invite à une recherche de transcendance et à donner du sens à sa vie.

Pour cela des changements internes sont en cours. Il s'agit de développer une culture d'apprentissage en réseaux, nécessaire pour se donner les moyens de contribuer aux changements visés dans la société selon les stratégies retenues. Pour mesurer notre contribution aux changements que nous visons nous devons développer des outils de suivi et d'évaluation de nos actions ainsi que des mesures d'impact pertinentes. Transformer nos modes de fonctionnement pour répondre aux exigences d'un développement durable passe par un engagement en matière de développent durable. Cela vise notre responsabilité économique, sociale et environnementale.
 

Propos recueillis par Anne-Marie Tossou

 

La juste conception de la personne humaine

Père Georges Lumen Ouensavi, Fils de la Charité

Enseignement donné lors de la rencontre diocésaine rassemblant des jeunes de 18-35 ans, le 11 décembre 2016, suite à la messe diocésaine des jeunes présidée par Mgr Delannoy à la cathédrale Saint-Denis.
Qu'est-ce que la pensée sociale de l'Eglise ?
J’essaie de faire une brève présentation non exhaustive. Vous pourrez poser des questions au père Host, sj ici présent. Il pourra rendre plus concret ce que je vous dirai.
De quoi parle-t-on exactement ?
« Enseignement social de l'Eglise » ou « Doctrine sociale de l'Eglise » ? C'est l'ensemble des interventions dans lesquelles le pape ou les évêques en assemblée abordent des problèmes de société comme la propriété, le travail, les salaires, l'écologie, le développement, etc.
Comment est-ce que l'Evangile peut être Bonne Nouvelle pour le pauvre aujourd'hui ?
Voici la clé de la Doctrine sociale : « La juste conception de la personne humaine, de sa valeur unique, dans la mesure où l'homme est, sur la terre, la seule créature que Dieu ait voulu pour elle-même »
Au fondement il y a l'Evangile, dont on s'inspire dans une société complexe, que l'on s'efforce de comprendre : « L'Eglise n'a pas de modèle à proposer »
L'élaboration de programmes appartient aux responsables des questions sociales, économiques, politiques culturelles ; mais « le message social de l'Evangile doit être considéré... comme un fondement et une motivation de l'action... Il entre en dialogue avec les diverses disciplines qui s'occupent de l'homme ».
Dans quel rôle l'Eglise se trouve-t-elle lorsqu'elle aborde des problèmes de société ?
Elle est dans une position de recherche : découvrir comment, dans la complexité des situations économiques, sociales et politiques, se joue quelque chose de l'accueil de l'Evangile et de son annonce. Le Concile dit : « L'Eglise fait route avec toute l'humanité et partage le sort terrestre du monde; elle est comme le ferment et, pour ainsi dire, l'âme de la société humaine ».
Vatican Il parle de l'Eglise en terme de service et non de pouvoir.
L'enseignement social de l'Eglise n'apparaît pas de façon inopinée. Dans un monde bouleversé par les changements, l'Eglise, s'appuyant sur l'engagement et la réflexion de tous les chrétiens, fournit un ensemble d'éléments propres à nourrir la réflexion et à encourager les engagements au service de l'humanité tout entière.
Finalement, que propose cet enseignement ?
Un enjeu : vivre une foi incarnée.
Cet enseignement social est appelé à bouger du fait des enjeux contemporains : quelle place donner à l'économie dans la réflexion sur la bioéthique (ex : dans le tiers-monde, le problème des brevets et le sida) ? Quelle régulation pour les mouvements de finance à l'échelle mondiale ?
En quoi l'accueil de l'Evangile nous incite-t-il à organiser, ici et maintenant, notre « vivre ensemble » de telle ou telle manière ?

Trois principes fondamentaux de réflexion :

  • La pleine reconnaissance de la dignité de chaque homme, créé à l'image de Dieu.
  • Le principe de solidarité : chacun doit contribuer au bien commun de la société (refus de l'individualisme social et politique).
  • Le principe de subsidiarité : ni l'Etat, ni la société ne doivent se substituer à l'initiative et à la responsabilité des personnes et des communautés intermédiaires, au niveau où elles peuvent agir.

Des critères de jugement :

  • La primauté des personnes sur les structures  car le système, l'organisation ne sont pas un absolu.
  • Le système existant est-il conforme ou non à la dignité de l'homme ? La liberté est-elle respectée ?

Des directives d'action :

  • Nous devons refuser le recours systématique à la violence comme voie de libération, mais refuser aussi celle des possédants sur les pauvres, celle de l'arbitraire policier, et agir contre la passivité des pouvoirs publics là où les droits sont violés.
  • Toute association (ou syndicat) qui promeut la justice sociale par la voie du dialogue et de la concertation sera encouragée (engageons-nous !).
  • La « résistance passive », style Gandhi ou Martin Luther King, est aussi une voie noble.

A voir

Paroles de jeunes en vidéo "Micro-parvis" à la sortie de la messe des jeunes : « Qu'est-ce que la charité ? »


 

Repères

 

A lire

  • Un lien si fort. Quand l'amour de Dieu se fait diaconie, Etienne Grieu, Editions de l'Atelier, Novalis, Lumen Vitae, 2009
  •  « Diaconia, servons la fraternité », Documents Episcopat n°4, 2013
     

Sur www.vatican.va

  • Deus Caritas Est (Dieu est amour), Lettre encyclique sur l’amour chrétien, Benoît XVI, 2005
  • Caritas in veritate (L’amour dans la vérité), Lettre encyclique sur le développement humain intégral dans la charité et dans la vérité, Benoît XVI, 2009
  • Catéchisme de l’Eglise catholique, Les vertus théologales - la charité, §1822-1829
     

Suite au rassemblement Diaconia 2013

Sur le site servonslafraternite.net
→ Boîte à outils, paroles, expériences et réflexions partagées, éclairées par la parole de Dieu pour construire une société plus juste et fraternelle.