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Rappeler à chaque électeur ce que notre foi nous invite à prendre en compte

Mgr Georges Pontier, archevêque de Marseille, président de la Conférence des évêques de France, répond aux questions fréquemment entendues depuis le premier tour (CEF, 3 mai 2017).
Publié le 03/05/2017

On vous reproche de ne pas orienter clairement le vote des catholiques pour tel ou tel candidat. Que répondez-vous ?

Je constate que ces reproches viennent de tous côtés, des soutiens des deux candidats en lice pour le deuxième tour qui aimeraient que l’on choisisse leur candidat. Il y a aussi les partisans de l’abstention ou du vote blanc qui voudraient que l’on soutienne ce choix. Je comprends que l’on puisse être désorienté face à la tournure qu’ont pu prendre les débats. Il faut reconnaître qu’il est difficile de se forger une opinion dans ce climat hystérisé. Mais qu’est-il plus facile : dire de voter pour tel ou tel ou inviter à la réflexion et au discernement ? Dans cette ambiance, il me semble que le rôle de l’Église est, plus que jamais, de ne pas prendre parti pour l’un ou l’autre candidat mais de rappeler à chaque électeur ce que notre foi nous invite à prendre en compte. C’est ce que nous avons fait dès le soir du premier tour. L’Église est un acteur de notre société, elle y joue un rôle, le sien, différent de celui d’un groupe partisan : c’est ce rôle que nous avons rappelé. Il appartient alors à chacun d’exercer, en conscience, son discernement propre et de voter. Nous n’avons pas à le faire à sa place. L’Enseignement de l’Église nous dit qu’il est important de prendre en compte des critères que nous avons rappelés : le respect de la dignité de toute personne humaine, l’accueil de l’autre dans sa différence, l’importance de la famille et le respect de la filiation, la nécessité de respecter la liberté de conscience, l’ouverture au monde, la juste répartition des richesses, l’accès au travail, au logement… Aucun programme ne remplit tous ces critères. C’est donc à chacun, à la lumière de l’Évangile, d’effectuer sa propre pondération et de voter en conscience. Ne retenir qu’un seul critère ne peut suffire à fonder entièrement un vote.

Quel est le rôle et la responsabilité des évêques par rapport au vote des catholiques ?

Vous avez raison de dire : « vote des catholiques » car il n’y a pas de « vote catholique ». Chacun de mes frères évêques exerce sa mission et estime, en son âme et conscience, ce qu’il doit dire aux catholiques de son diocèse. Ils l’ont fait en 2002, ils sont nombreux à s’être exprimés depuis le premier tour, ce qui est heureux. C’est ainsi qu’ils exercent leur rôle et assument leur responsabilité auprès des catholiques. L’exercice de cette responsabilité façonne notre Église dont la richesse même est d’être faite d’opinions et de tendances variées. Les évêques sont aussi des pasteurs, responsables d’un peuple et tout en respectant sa diversité, ils doivent veiller sans cesse à son unité en lui rappelant que seul le Christ est notre sauveur et notre lumière. Nous ne nous ferons pas voler notre idéal par des passions passagères.

Est-il légitime de s’abstenir aujourd’hui ?

Je redis l’importance du vote… tant de peuples en sont privés ! Même si la tentation de l’abstention peut se comprendre comme l’expression d’une grande insatisfaction, il me paraît important de continuer à exercer sa responsabilité de citoyen. S’abstenir peut favoriser l’élection d’un candidat. Au second tour, la responsabilité du citoyen est grande. Elle ne peut pas se retirer. Il y a quand même des différences profondes entre les deux finalistes. Nous avons la chance d’être dans une démocratie, notre voix compte.

Des groupes de Chrétiens s’expriment. Représentent-ils la parole de l’Église ?

Des associations, des mouvements mais aussi des personnalités chrétiennes annoncent leur choix de vote ou indiquent des critères. En s’exprimant ainsi, ils ne représentent pas l’institution en tant que telle. Leur droit à prendre cette parole s’enracine précisément dans le fait qu’ils ne représentent qu’eux-mêmes. Ils font – et annoncent – le cheminement que nous proposons à chaque électeur : celui de connaître l’enseignement social de l’Église et de le prendre en compte au regard de sa propre liberté. La responsabilité du vote reste celle de chacun, seul dans l’isoloir face au choix.

Quel est le rôle de ces élections dans la vie politique française ?

Pour nous, chrétiens, ces élections sont un jalon très important de notre vie démocratique. Elles s’inscrivent dans un processus qui doit garantir la paix sociale, l’unité de notre nation, la prospérité au service de tous. Mais l’élection présidentielle ne saurait être considérée comme une fin en soi. Notre pays est aussi conduit par nos députés, nos sénateurs, nos élus locaux. Après ce scrutin, il faudra aussi s’intéresser aux suivants et continuer à participer à la vie démocratique. J’ajoute que la participation des chrétiens dans la vie de notre société se mesure aussi, chaque jour, dans de multiples engagements. Notre pays est aussi construit par ces millions de personnes qui s’engagent, souvent gratuitement, au service des autres. Ils montrent que notre devoir de citoyen ne s’arrête pas à la sortie du bureau de vote.

Comment vivez-vous cette situation politique ?

La position de la Conférence des évêques de France n’est pas simple. Il serait plus facile de donner une consigne de vote. Les évêques s’y refusent depuis 45 ans et il faut avouer que, bien souvent, ceux qui nous en demandent souhaitent qu’on leur dise ce qu’ils ont envie d’entendre. L’Église croit en la valeur du politique qui ne saurait se rabaisser à des invectives et des postures. L’injure, la déformation, l’instrumentalisation de propos ne sont pas dignes du débat. Nous l’avons dit avec force en octobre dernier dans le document du Conseil permanent : « Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique ». A-t-on, alors, été écouté ? Après, il faudra sans doute que les politiques s’interrogent pour savoir comment nous en sommes arrivés à cette situation inédite où plus de 40% des français au premier tour ont voté pour des extrêmes. J’ajouterai en guise de conclusion une invitation à la confiance, à la fraternité, à la responsabilité. La devise de notre pays est belle : liberté, égalité, fraternité. Elle est entre nos mains de citoyens.