Qu’est-ce que nous apporte le synode sur la famille ? — Diocèse de Saint-Denis-en-France

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Qu’est-ce que nous apporte le synode sur la famille ?

Lors d’une conférence-débat ouverte à tous vendredi 5 février à la Maison diocésaine à Bondy, le père Alain Thomasset, jésuite, enseignant la théologie morale au Centre Sèvres et en communauté à la Plaine Saint-Denis, a cherché à décrire les enseignements à tirer du dernier synode sur la famille qui s’est achevé en octobre 2015.
Publié le 10/02/2016

Le père Alain Thomasset a d’abord insisté sur la méthode de travail et la forme du texte final, puis il a examiné quelques points particuliers d’attention qui ressortent du rapport final et ceci pour la vie pastorale.

Concernant la méthode de travail du synode, celle-ci voulue par le pape, marque une réelle nouveauté par rapport aux synodes précédents. Les questionnaires envoyés à toutes les paroisses, aux mouvements et diocèses du monde entier avant les deux réunions synodales avaient pour but de recueillir l’avis du peuple de Dieu sur ces sujets. Ils partaient de la conviction que les chrétiens sont porteurs d’un sensus fidei (un sens de la foi) d’une sagesse d’expérience qui leur vient de la présence de l’Esprit depuis leur baptême et que l’Église a besoin d’écouter. Cette méthode fut aussi nouvelle dans la manière de mener les discussions au sein du synode et dans l’élaboration des conclusions. Au lieu d’une succession d’interventions sur des sujets variés sans réelle possibilité de discussion, le dernier synode a permis des débats en séance plénière regroupés par thèmes et surtout des discussions approfondies en petits groupes linguistiques. Pour les participants, ce fut sans doute le fruit le plus important car ces groupes ont permis une explication en vérité, une meilleure compréhension des points de vue des uns et des autres, en partie déterminée par la différence des situations culturelles et pastorales dans les divers continents. Cette rencontre en vérité portera des fruits pour l’avenir. Dans le même esprit, le discours du pape à l’occasion du 50e anniversaire de la fondation du synode des évêques, fut un moment essentiel car le pape a décrit la « synodalité » comme « le chemin que Dieu attend de l’Église pour le troisième millénaire », un « chemin d’écoute » qui part du peuple et remonte au pape en passant par les évêques. Il a également parlé d’une nécessaire décentralisation.

Concernant le document final voté par les évêques et qui a un vrai poids doctrinal et pastorale, le père Thomasset en a tiré quatre enseignements.

Le premier point à mettre en valeur est le ton du texte, son style, marqué par un souci de miséricorde, d’accompagnement, de discernement. Le texte porte l’empreinte du souhait du pape François d’accueillir toutes les familles dans l’Église, son désir d’une Église qui soigne au lieu de condamner, qui fait preuve de miséricorde et non de jugement. En phase avec l’année sainte, il rappelle que la miséricorde est « le cœur de la révélation » (n°55).

Le deuxième enseignement du texte porte sur l’attention portée à la réalité plurielle des familles. Il ne s’agit plus de parler de la seule famille idéale. La longue première partie du rapport final (34 numéros sur 94) est consacrée à l’examen de la réalité des familles dans leur diversité et de leur complexité. C’est pourquoi il évoque des couples qui se sont séparés, des célibataires, des femmes seules avec leur enfant, des veuves, des familles avec des enfants handicapés, des familles sans enfant, des personnes âgées… C’est un vrai diagnostic qui est porté, mettant en valeur l’importance centrale de la famille dans la société et les menaces que font peser sur celle-ci les conditions sociales, économiques et politiques (comme pour les migrants, les réfugiés, les pauvres…). Le désir est réel de partir des situations concrètes.

Le troisième enseignement du rapport synodal est la mise en valeur de l’importance de la famille et du mariage comme lieu d’évangélisation et de mission. Le rapport met en évidence que le mariage et la famille sont des réalités essentielles qui correspondent aux attentes profondes de l’humanité. Elles portent donc un témoignage vital pour la vie du monde. Ainsi la deuxième partie du document final parle de la famille dans le plan de Dieu. C’est un parcours biblique et théologique pour redire le dessein d’alliance de Dieu avec l’humanité depuis les origines et qui trouve dans le couple marié une des manifestations les plus belles de l’amour divin. La miséricorde exprimée sur les difficultés vécues par les familles n’empêche pas de redire la vérité de la famille selon l’Évangile et sa manifestation pleine dans le sacrement du mariage. On note également au passage que les familles ne sont pas seulement des destinataires de la pastorale mais aussi des acteurs de la pastorale familiale, notamment dans la catéchèse et l’initiation chrétienne, dans la préparation au mariage, dans l’éducation des jeunes, etc.

Enfin, le dernier aspect abordé concernait quelques pistes pastorales évoquées par le synode. La troisième partie du document consacrée aux questions pastorales décrit de manière générale le souhait d’un style pastoral miséricordieux, qui tout en annonçant la vérité de l’Evangile et la beauté du mariage chrétien, est attentif aux situations complexes et aux difficultés de la vie. C’est une pastorale humaine, proche, attentive, discernante : « Toutes ces situations doivent être abordées de manière constructive, en cherchant à les transformer en opportunités de chemin de conversion vers la plénitude du mariage et de la famille à la lumière de l’Évangile. » (70). C’est bien une pédagogie de l’Église qui doit être mise en œuvre, à la suite et à l’exemple de la pédagogie de Dieu avec son peuple ou celle de Jésus avec ses contemporains. Non pas d’abord condamner, juger ou mettre dans une case mais partir du point où en sont les personnes et valoriser ce qui est déjà vécu de beau et de bon pour accompagner les personnes sur un chemin de croissance vers une vie selon l’Évangile.

Enfin, sur quelques points précis, le synode sans trancher, propose des ouvertures. Deux en particulier. D’abord au sujet de l’accès au baptême des personnes en situation matrimoniale irrégulière ou complexe, le synode précise : « Il s’agit de personnes qui ont contracté une union matrimoniale stable à un moment où au moins l’un des deux ne connaissait pas la foi chrétienne. Les évêques sont appelés à exercer dans ces situations un discernement pastoral proportionné à leur bien spirituel » (n°75). Concernant ensuite les baptisés divorcés et remariés civilement, trois paragraphes en parlent (n°84-86). Ce sont les paragraphes les plus controversés qui ont obtenu 2/3 des voix de justesse. Ils ne tranchent pas la question de l’accès aux sacrements de manière formelle mais ouvrent des chemins pour un discernement ultérieur dans un accompagnement personnalisé. La finalité est clairement affirmée dans la ligne d’une pastorale de miséricorde et de vérité décrite précédemment. « Les baptisés qui sont divorcés et remariés civilement doivent être davantage intégrés à la communauté chrétienne selon les différentes façons possibles, en évitant toute occasion de scandale. La logique de l’intégration est la clé de leur accompagnement pastoral, afin qu’ils sachent non seulement qu’ils appartiennent au corps du Christ qu’est l’Église, mais qu’ils puissent aussi en avoir une joyeuse et féconde expérience. » (84). Au n°85, des critères sont donnés pour cette meilleure intégration des personnes : notamment faire la vérité de leur situation, voir les effets sur le conjoint, sur les enfants, examiner les efforts de réconciliation, former un jugement en conscience éclairé par l’enseignement de l’Église, etc.

En définitive, et en attendant les conclusions qu’en tirera le pape dans son exhortation post-synodale, on voit que cette démarche synodale supposera de la part des acteurs pastoraux de se former davantage à « l’art de l’accompagnement » que le pape François appelle de ses vœux pour mettre en œuvre cette pastorale de la miséricorde. C’est certainement une démarche exigeante, aussi éloignée de la facilité que de la dureté de cœur.