Diaconia 2013, servons la Fraternité ! (N°10 / Avril-Mai 2013) — Diocèse de Saint-Denis-en-France

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Diaconia 2013, servons la Fraternité ! (N°10 / Avril-Mai 2013)

La démarche « Diaconia » vise à permettre à chacun de se découvrir frère et soeur de tous, dans une attitude de dialogue et d'ouverture avec la société. Elle appelle les communautés chrétiennes à vivre davantage la fraternité et l'espérance avec les personnes en situation de fragilité, et à recevoir d'elles. Décryptage et témoignages dans le diocèse de Saint-Denis.

C’est la foi…

« Diaconia », l’autre est mon frère

Dressons la Table de la Charité !

Projets solidaires menés par les jeunes

Proche des malades, des personnes isolées…

Hébergement solidaire : tous mobilisés !

Réaffirmer la place première de l’humain

Repères 

C’est la foi…

« Diaconia » : ce mot utilisé cent fois dans le Nouveau Testament signifie ministère, service, secours… Il est employé pour dire la mission de Jésus, qui a relevé tant de gens, a donné sa vie, s’est fait le serviteur de tous, ou encore pour dire les relations entre les disciples de Jésus, faites d’amour fraternel et de service mutuel.
Vivre ces relations d’amour et de service, dans et hors l’Eglise, est plus qu’une obligation de la foi. C’est la foi. C’est la communion vivante au Christ Jésus. C’est l’accueil de l’amour-charité de Dieu qui a été répandu dans nos cœurs (Romains 5, 5) et qui déborde.
La charité, dit Benoît XVI, est « amour reçu et donné. Sa source est l’amour jaillissant du Père pour le Fils, dans l’Esprit… Cet amour descend du Fils sur nous », appelés à le répandre (Caritas in veritate). « Dieu est amour-charité », dit saint Jean (1 Jean 4). Nous sommes invités à devenir les enfants de ce Dieu charité, à l’image de Jésus.

 

 

P. Robert Jourfier,
Fils de la Charité, Saint-Ouen

« Diaconia », l’autre est mon frère

Changer de regard, « changer son cœur de pierre en cœur de chair », voilà la conversion à laquelle la démarche « Diaconia » nous invite.

La prière du groupe Place et parole des pauvres propose également cette conversion : « Seigneur, apprends-moi à voir les richesses que tu as mises au cœur de l’autre pour que je l’aide à les mettre en valeur ». La démarche Diaconia, voulue par les évêques de France, veut mettre les pauvres au cœur de notre Eglise. A Lourdes, durant l’Ascension, 12 000 délégués des paroisses de la France entière vont se rencontrer (200 pour notre diocèse) et construire ensemble pendant les forums et les ateliers le message qui sera porté dans les paroisses le dimanche de Pentecôte.

La parole de Benoît XVI aux évêques de France en septembre dernier, lors des visites ad limina (Pèlerinage des évêques à Rome, et rencontre avec le Pape), prend toute sa force : « Je voudrais vous adresser mes encouragements pour la démarche Diaconia 2013… Que le service du frère, enraciné dans l’amour de Dieu, suscite en tous vos diocésains le souci de contribuer, chacun à sa mesure, à faire de l’humanité, dans le Christ, une unique famille, fraternelle et solidaire ! »

Tous ceux qui ont participé aux hébergements d’urgence en répondant à l’appel de notre évêque ont expérimenté ce changement de regard. Oui, cette personne que nous hébergeons ce soir et avec qui je partage un repas n’est plus un étranger dont j’ai peur. Il est mon frère, elle est ma sœur dans le Christ. Au cours de ce repas, malgré mes réserves, j’ai pu voir ses souffrances, mais aussi une partie de ses richesses. Son cœur est à l’écoute de celui ou de celle qui lui montre un geste d’amitié.

« Accueillir et non exclure, prendre le temps de la rencontre »

Cela ne se fait pas immédiatement. Il faut s’apprivoiser comme le dit le Petit Prince de Saint-Exupéry. Dans ma paroisse, l’hébergement de sans-abri a commencé le 22 janvier ; lors de la "relecture" un mois plus tard, une personne avoue qu’elle a été très souvent énervée, mais qu’« à force de discuter avec lui et de lui montrer mon attachement, il a découvert qu’il comptait pour quelqu’un, et il s’est ouvert à moi ! » Premier fruit de cette action avec ce changement de regard. Les liens "hébergé-hébergeant" deviennent petit à petit des liens de pure fraternité.

Gilles Forhan,
Délégué diocésain à la solidarité, coordinateur Diaconia

Dressons la Table de la Charité !

L’initiative est née d’une rencontre. Une pratique : un panier de la solidarité, dans la paroisse Sainte-Bernadette de Gagny, qu’il était proposé de remplir chaque mois au bénéfice d’une association : Les 4 Vents. Et une réflexion : nous avons dans les chœurs de nos églises une « Table eucharistique », l’autel, qui manifeste la dimension sacerdotale de l’Eglise (leiturgia) ; une « Table de la Parole », l’ambon, qui manifeste la dimension prophétique de l’Eglise (martyria). Pourquoi ne pas aussi avoir une Table de la Charité, qui manifesterai la dimension royale de l’Eglise (diaconia), sur laquelle seraient déposés les dons fait pour le service de la communauté (quête et panier de la solidarité).

Il est manifeste que cette troisième table a donné de la diaconie un nouveau signe : celui du partage manifesté et assumé dans l’assemblée dominicale. S’il y a beaucoup, les gens se réjouissent, s’il y a peu… les gens le savent ! Elle contribue à faire grandir la conscience de cette troisième dimension ecclésiale : la diaconie.
« Depuis quelques années, on ne cesse de parler de diaconie : c’est nouveau ? Avant, on n’en parlait jamais ! », constate un paroissien.

Il est nécessaire de porter dans la régularité et la simplicité des signes forts de ce qui constitue l’identité de l’Eglise et la mission ecclésiale, afin que soit toujours plus grande cette conscience de ce que nous sommes : membre d’un peuple sacerdotal, prophétique et royal, vivant de la prière, de la Parole et du service. Cette troisième dimension, la diaconie, étant finalement trop peu portée dans nos liturgies dominicales, à l’exception des paroisses bénéficiant de la présence sacramentelle d’un diacre.

P. Thomas,
Secteur paroissial du Plateau

Projets solidaires menés par les jeunes

Appelé à venir en aide à mon prochain

J’ai décidé de m’engager une année comme volontaire dans l’association « Le Rocher Oasis des Cités » parce qu'en tant que chrétien, je me sentais appelé à venir en aide à mon prochain. La prière quotidienne me rappelle pourquoi je suis là. Elle me permet de confier la mission au Seigneur, de remettre entre ses mains les personnes que je rencontre et que j'accompagne. Elle m'aide à voir le Christ en chaque personne. Ma vie au Rocher est aussi un témoignage pour toutes les personnes qui m’entourent.

 

François, 24 ans
Volontaire au Rocher de Bondy

 

Une pastorale-responsable au lycée !

Le « Forum solidaire » pour la deuxième année consécutive fut un beau moment d’échange entre lycéens et intervenants. La présence de l’Arche, du Rocher, des centres sociaux, de Villemomble partage, du Secours catholique, des scouts et guides de France et d’Europe, de Point Coeur et beaucoup d’autres, insuffle une dynamique d’ouverture et d’accueil auprès des lycéens. Ils sont nombreux à vouloir, à leur échelle, donner un peu de temps et de leurs talents aux plus démunis… Action !

Saint-Exupéry écrivait dans Terre des hommes qu’« Etre homme et femme, c’est précisément être responsable. C’est connaître la honte en face d’une misère qui ne semblait pas dépendre de soi. C’est sentir, en posant sa pierre, que l’on contribue à bâtir le monde. »

La rencontre de la communauté de l’Arche, précédée d’une marche dans la forêt de Compiègne, pour tous les élèves de premières fût riche en émotions aussi. Marcher… pas si facile de "marcher pour rien" : « Madame, c’est quoi le but ?... ya rien à faire ? »… Et oui, pas d’exposé, pas d’étude comparative des couches géologiques, même pas quelques feuilles mortes à ramasser… Au mieux, une coquille vide d’escargot pour le souvenir.

Mais cette démarche, n’est pas si "insensée". Elle rejoint de près le témoignage de l’Arche : nous n’avons pas toujours besoin de faire des choses… de temps en temps, nous pouvons "être"…

Alexandre Poussin qui, avec sa femme Sonia, a traversé l’Afrique à pied pour leur voyage de noce (14 000 km du Cap au lac de Tibériade) nous le rappelle dans son dernier livre : « Des choses à faire… Notre monde nous chosifie. Nous devons être des outils. Tu cloues, tu visses ou tu scies ? Dès le plus jeune âge : « Va faire tes devoirs. » Et à l’adolescent qui "glandouille" en tchatant : « Tu n’as rien de mieux à faire ? » Entre adultes : « Et toi que fais-tu ? » Banquier, assureur ou enseignant ? Nous sommes réduits à notre fonction d’Homo faber, de factotums. La marche permet de s’en détacher, de sortir de sa boite, de laisser son étiquette au placard et de se reconnecter au monde. Elle a ceci de merveilleux qu’elle met en veilleuse la machine à faire et laisse libre cours à l’être. Le marcheur redécouvre qu’avant d’être né pour faire quelque chose, il est né pour être quelqu’un. »

Et puis la rencontre avec l’Arche, cette communauté qui accueille des personnes avec un handicap mental. Quelques commentaires d’élèves : « J’ai été touchée par l’intervention de Jean Vanier, ce fût très riche en émotion, ça m’a fait réfléchir sur l’être humain… et la façon de vivre les uns avec les autres, les différences peuvent être une grande force en fait… Et une grande source d’épanouissement ! »
Ou encore : « Il parle tellement avec des mots simples qu’il touche au cœur… Il donne envie de faire quelque chose à notre niveau… ». « Si je n’avais pas été entouré de mes copains, je crois que j’aurais pleuré plein de fois, tellement j’ai été touché par ce qu’il nous a dit… ! »

Vivre à l’Arche, c’est témoigner d’une vie simple, qui accueille le petit, le faible, le tordu, le non désiré. C’est vivre ensemble des moments de repas, de travail, de deuil, de fête et de joie…

La rencontre avec ces communautés montre que nous pouvons vivre ensemble, mettant un peu la tyrannie de la normalité à l’écart. Nous pouvons nous apporter mutuellement quelque chose. Un trisomique à qui l’on posait justement la question : « Mais c’est quoi l’Arche ? », a répondu « C’est un lieu ou des gens qui ont un handicap mental vivent avec des gens qui ont un handicap normal » !

Charlotte,
Lycée Blanche de Castille, Villemomble


Des lycéens hospitaliers à Lourdes

Les lycéens de notre établissement, depuis de nombreuses années, participent au FRAT de Lourdes. Lors de ces rassemblements, certains jeunes ont exprimé le désir d’aider des personnes malades ou handicapées. Nous avons souhaité concrétiser ce désir en proposant aux lycéens, pour la première fois cette année, de participer au pèlerinage diocésain de Lourdes en tant qu’hospitaliers.
Lors de notre Semaine de la Paix (semaine de conférences et de rencontres organisées pour l’ensemble de l’établissement), qui cette année avait pour thème « Oser la rencontre », une dizaine de classes de lycée ont bénéficié d’une intervention du directeur diocésain des pèlerinages et du responsable de l’Hospitalité diocésaine Claire de Castelbajac. Cette rencontre a permis de confirmer ce désir de certains jeunes et nous espérons partir avec une dizaine de lycéens à l’Ascension.

Chaque année, nous souhaitons orienter tout notre programme pastoral autour d’un thème. Le thème retenu pour 2012-2013 est « La rencontre avec l’autre est ce qui me fait vivre ». Ainsi, lors de la Semaine missionnaire mondiale, le père Philippe Seveau, Missionnaire du Sacré Cœur qui a vécu plus de 25 ans en Papouasie Nouvelle Guinée, a rencontré 12 classes pour un témoignage autour du thème « La mission : Une rencontre au-delà des cultures ».

Avec le Secours catholique, un partenariat est mis en place depuis plusieurs années. Deux opérations importantes sont menées avec eux : « 10 millions d’étoiles » et une collecte de jouets pour Noël (cette année, plus de 600 jouets ont été distribué grâce à la générosité des jeunes de Cabrini). Les interventions qui ont été organisées lors de la Semaine de la Paix leur ont permis d’amener une réflexion sur l’accueil et la rencontre des migrants.

Le déjeuner « Bol de Riz », temps de solidarité proposé le Vendredi saint, soutiendra le projet de l’association « Tout le monde chante contre le cancer » qui permet à des enfants malades de réaliser leurs rêves. Pour le prix normal d’un plateau repas, les jeunes volontaires prendront pour déjeuner un bol de riz et un fruit. Le bénéfice de l’opération reviendra directement à l’association. Une partie d’entre eux auront participé juste avant au Chemin de Croix.

Enfin, pendant 5 ans, nous avons participé à la Course contre la faim, initiative nationale d’Action contre la faim. Cette année, nous organisons sur le même principe le « Marchathon », course solidaire au profit de l’association Centre Aliénor, qui finance, forme et remet des chiens guides aux personnes malvoyantes et aveugles. Les jeunes invités à courir ce jour-là, ont pour mission de trouver des parrains qui acceptent de verser une somme d’argent en fonction de la distance effectuée.

Les lycéens participent également à des conférences et rencontres avec des associations caritatives et de solidarité. Ces conférences et rencontres sont des temps ponctuels qui viennent illustrer le travail de réflexion mené avec les jeunes tout au long de l’année lors des temps hebdomadaires d’animation pastorale, obligatoires pour tous de l’école primaire à la Seconde.
Là encore, le fil rouge de ces temps était la rencontre, abordé à travers la question de la connaissance de soi, la vie relationnelle, de la confiance, du bonheur ou encore du choix.
Il est important de souligner que ces temps de rencontre ne peuvent être proposés que grâce à la mobilisation des professeurs qui acceptent de participer avec leurs classes sur leur temps de cours, à ces propositions. Cela permet de rendre beaucoup de personnels de Cabrini acteurs de la pastorale et de faire du projet pastoral une partie intégrante du projet d’établissement.

François et Bastien,
Lycée Cabrini, Noisy-le-Grand


Ces jeunes ont une vie de prière, régulière et fidèle

Sept jeunes des paroisses d’Aubervilliers sont partis à Lourdes avec l’Hospitalité diocésaine à Lourdes l’an dernier. Trois d’entre eux se retrouvaient une fois par mois pour partager autour de textes de l’Ancien Testament qui avaient comme thème « le service ». L’objectif de l’année était clairement ce pèlerinage à Lourdes au service des malades. Deux autres participaient activement au groupe 18-35 ans de la paroisse de Notre-Dame des Vertus et se sont inscrits pour l’Hospitalité au dernier moment. Enfin, les deux derniers sont ce qu’on appelle des « électrons libres », heureux de pouvoir se joindre à cette démarche diocésaine.

Au départ, quelques-uns d’entre eux avaient participé au FRAT de Lourdes et s’étaient promis de revenir dans la ville mariale mais, cette fois-ci, au service des malades. Octavie est donc partie en 2011 avec l’Hospitalité diocésaine et elle est revenue conquise. Son énergie communicative a été pour beaucoup dans la formation de ce petit groupe de 7. Mickaël et Guillaine, anciens frateux, ont suivi le mouvement et sont vite devenus « moteur ». Ensuite, Dénia et Cindy ont été partantes. Enfin, Kinzy et Hélène ont également souhaité vivre cette belle expérience. Finalement, le groupe s’est constitué progressivement et assez naturellement.

Avant de partir, il y a eu, comme je le disais précédemment, une belle préparation biblique. Quelle joie de se plonger dans des textes comme le choix de David (1 Samuel 16), la guérison de Naaman le Syrien (2 Rois 5), l’hospitalité d’Abraham (Genèse 18)… La préparation par la prière fût également importante d’autant que la majorité de ces jeunes ont une vraie vie de prière, régulière et fidèle. Nous sommes également partis nous mettre au service des sœurs missionnaires de la Charité à Paris. Il s’agissait de préparer et de servir des déjeuners pour des gens de la rue. Enfin, nous avons participé aux journées préparatoires avec l’Hospitalité diocésaine à Bondy.

Comme prêtre, je dois reconnaître que j’ai passé certainement un des temps les plus heureux de mon ministère. Autant dire que je suis rentré plein de joie et de bonne disposition pour la vie paroissiale. J’espère que cela a porté quelques fruits… C’est un premier retour d’expérience.
Plus profondément, j’ai été renouvelé dans tout mon être par le simple fait d’avoir goûté à la joie du service ; par les rencontres et la vie fraternelle au sein de notre petit groupe et plus largement de l’Hospitalité diocésaine ; et enfin par les grâces de Lourdes.

Au sein de notre groupe, nous avons certainement un peu raté « l’après » Lourdes : déjà, parce que plusieurs de ces jeunes ont quitté Aubervilliers. Cependant, je remarque que quelques-uns continuent de visiter les personnes malades rencontrées à Lourdes, que d’autres se sont engagés dans la paroisse (2 animatrices pour les jeunes collégiens et lycéens), que cela a renforcé les liens intergénérationnels entre les paroissiens partis à Lourdes avec l’Hospitalité (en plus des 7 jeunes, il y avait 3 paroissiennes avec un peu plus d’expérience…),…

P. Benoît,
Aubervilliers


Appréhension… et émotions

Même si c'est la seconde fois que je me rends à Lourdes comme hospitalière, je me pose toujours des questions : « suis-je capable de supporter tout ça ? », « Est-ce que mon comportement face à la maladie les affectera (avoir pitié, ignorer la maladie, faire comme si ils étaient comme nous, donner beaucoup d'attention par risque de les étouffer, ne pas enfreindre la barrière de l'intimité…) ? »

Il faut se préparer. L'hospitalité organise chaque mois des moments de partage, d'écoute, de prières, d'information, d'approche, de conseils, et de formation.
J’ai appris qu’être hospitalier ne se définit pas seulement en accompagnant les malades, c'est avant tout être pèlerin, aller ensemble vers Dieu, que l'on soit malade, bien portant, homme, femme, enfant, vieux, jeune, riche, pauvre, pieux ou pas, nous sommes tous appelés à suivre Dieu car nous formons tous le Corps de son fils Jésus-Christ qui nous aime tous, malgré nos handicaps, nos faiblesses et qui n'attend que notre « oui » pour nous sauver.

Ce pèlerinage m’a amenée à m’ouvrir à Dieu, à accepter sa présence dans ma vie, à comprendre l'importance que nous avons chacun pour le Père. Et ce, accompagné de la vierge Marie qui nous apprend à accepter cela, à dire « oui ». Par Bernadette, elle nous montre l'exemple : une fillette pauvre, malade et rejetée de venir prier avec Marie à chaque fois que celle-ci le lui demandait. Elle a dit « oui », malgré sa maladie et la souffrance.

J'ai constaté que la majorité des pèlerins malades n'allaient pas à Lourdes principalement pour obtenir une guérison physique, mais plutôt pour une guérison spirituelle. C'est surtout pour renouer le lien avec Dieu, ou le renforcer. Et aussi pour le pardon. La survenue d'un miracle est un surplus, mais cela n'est pas la priorité des malades.
L'aide hospitalière n'est rien comparée au soutien, à la solidarité entre les malades eux-mêmes. L'amour de la vierge Marie est si présent que le service prend le dessus.

Durant le pèlerinage, il y a beaucoup d'activités. Les deux prêtres qui nous ont accompagnés étaient très disponibles pour des moments de confessions, de prière, de partage et d'enseignement. Tout était prévu, nous avions du temps pour toutes choses, même les moments de loisirs étaient inoubliable. Les moments de prières nous réunissaient et nous remplissaient de l'amour de Dieu.
Tout ce que je tire de ce pèlerinage en temps qu'hospitalière, c'est qu'on en sort grandi. Notre façon de voir la maladie change : ce n'est plus la maladie que l'on voit mais des personnes à part entière. Des amitiés se sont créées. Le soutien de la vierge Marie pour nous aider à dire « oui », à voir l'importance de Dieu dans notre vie, à prendre du temps pour la prière.

Je remercie tous les personnes qui nous accompagnées : les responsables (Violeta, Michael, Eve-Marie), les prêtres, et aussi tous les hospitaliers et les malades rencontrés. Que le Seigneur vous bénisse et qu'il coule sur vous toutes les grâces dont vous avez besoin. Par l'intersection de la Vierge Marie, ouvrons notre cœur à l'inconnu et demeurons dans la prière.

Otavie,
Aubervilliers


Le passage à la piscine m’a marquée

Tout d’abord, pour moi, être hospitalière à Lourdes avait pour but de me sentir utile et de me rendre disponible pour ceux qui en ont besoin. Je suis allée plusieurs fois en pèlerinage à Lourdes mais je n’avais jamais vécu Lourdes de manière aussi forte qu’avec l’Hospitalité. Dans les yeux des malades, j’ai vu l’amour de Dieu.

A Lourdes, une cohésion est très vite née au sein de notre Hospitalité Claire de Castelbajac : malades, hospitaliers, prêtres, tout le monde fut uni pour découvrir ou redécouvrir Lourdes, notamment en chantant et en priant. L’emploi du temps était dense avec des activités telles que le passage à la grotte, la messe avec l’onction des malades, le sacrement de réconciliation, le passage à la piscine…
Ce passage à la piscine fut certainement le moment qui m’a le plus marquée. J’étais en charge d’une dame âgée qui refusait catégoriquement d’aller prendre le bain à la piscine. J’ai passé trente bonnes minutes à essayer de la convaincre. Elle a finalement accepté de se mouiller… juste les pieds. A la sortie du bain, elle m’a dit : « Tu sais, je ne voulais pas y aller parce que je ne crois pas aux gens qui ressortent de cette eau en se disant guéris de manière miraculeuse. Moi, tu ne verras peut-être pas ma guérison mais je t’assure que je ressors transformé de ce bain ». J’ai juste répondu "Amen".

Dans la vie quotidienne, la fatigue, les cours et le travail me rendent moins disponible pour aller vers les autres. Être hospitalière m’a fait dépasser cet obstacle et m’a permis de me mettre au service de mon prochain pour l’amour du Christ : « Tout ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites » (Matthieu 25, 40).

Guillaine, 20 ans
Aubervilliers


Les Restos du Cœur, malgré la neige et le froid !

Durant la deuxième semaine des vacances, 12 jeunes de Notre-Dame de Consolation à Stains sont allés distribuer les colis préparés par les responsables des Restos du Cœur de Stains. De 8h30 à 11h30, malgré la neige et le froid !
Cette initiative remonte à plusieurs années ; je la renouvelle tous les ans, car les jeunes se sentent différents après.
Pour cela, il a fallu prendre contact avec les responsables des Restos du Cœur de la ville et ensuite faire un planning avec les possibilités de chacun. Nous avons beaucoup de chance car nous pouvons gérer ce planning nous-mêmes sans trop de contraintes du responsable. Je peux ainsi laisser les jeunes par affinité, ce qui facilite leur engagement.

Sur le plan personnel, je constate la satisfaction de l'implication des jeunes : ponctualité, assiduité et investissement de chacun. Sur le plan collectif, je remarque une bonne entente entre les jeunes qui permet de créer un groupe soudé.

Les jeunes ont trouvé cette action très enrichissante. Ils ont découvert qu'ils avaient beaucoup de chance de manger à leur faim sans restriction. Ils ont malheureusement découvert que certaines personnes de leur entourage faisaient partie des plus démunis. Chacun a réitéré le souhait de recommencer l'année prochaine aux vacances de Noël.

Eve-Marie,
Stains

Proche des malades, des personnes isolées…

Aimer les autres comme le Christ nous a aimés

Mon envie de visiter des personnes malades remonte à mon enfance. Mes grands-parents et parents ont toujours été attentifs aux autres ; je les accompagnais lors de leurs visites à l'hôpital. Etudiante, j'ai accompagné des jeunes adultes handicapés mentaux vers la confirmation. Cela a profondément marqué ma vie. 30 ans plus tard, bénévole en aumônerie catholique à l'hôpital et en maison de retraite, ce service du frère est une continuité du message du Christ à aimer les autres comme Il nous a aimés.

Anne,
En aumônerie d’hôpital à Montreuil-sous-Bois


Etre compagnon d’humanité

C’est en 2009 que l’Equipe pastorale avec l’Equipe d’animation paroissiale et le Service diocésain de la santé a réfléchi à la nécessité de mettre en place une équipe « Service évangélique des malades ».

Une invitation a été faite : vous visitez des malades, des personnes isolées... Vous souhaitez aller rendre visite à une personne de votre quartier, être compagnon d’humanité et témoin de l’amour de Dieu pour chacun... alors, nous vous attendons !

Ainsi, une équipe d’environ 10 personnes s’est mise en route. « Jésus envoie ses disciples deux par deux » Luc 10, 1. L’Eglise envoie quelques-uns au nom de tous. Aujourd’hui, nous sommes 7 personnes. A nos rencontres, nous nous disons l’importance d’une simple visite d’amitié, du lien avec la communauté qui porte le souci que personne ne soit exclu, oublié. Nous proposons à ceux et celles qui le désirent, de partager la foi chrétienne : prier ensemble, recevoir la communion.

Nous sommes témoins de ces attentes, beaucoup de paroles recueillies : « Merci de venir me voir, je n’ai pas de visites, mes enfants sont loin, travaillent, n’ont pas le temps », « Vous savez, je prie beaucoup, le Seigneur m’aide, je lui dis merci, parce que c’est lui qui vous envoie », « Vous êtes mon amie, je n’ai jamais eu d’amie, j’ai enfin une amie », « Peux‐tu venir me voir, j’ai quelque chose à te confier »…
Pour toute cette amitié, cette confiance, toutes ces confidences et la joie de porter la communion, je rends grâce à Dieu, personnellement, et chacune en équipe. C’est l’importance de pouvoir se retrouver pour partager chaque visite que l’on fait, nos joies, nos peines, notre espérance. Quelquefois, il est dur de partir de chez soi, dans une vie déjà bien remplie, mais nous recevons beaucoup et nos visites sont attendues.

« Tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et je t’aime » Isaïe 49, 4. Notre souhait : Que chacun de notre communauté soit attentif à une ou deux personnes que nous savons seules, ou des personnes de la communauté qui ne peuvent plus se déplacer. « Venez les bénis de mon Père, car j’étais malade et vous m’avez visité » Matthieu 25, 35.

Danièle,
Montfermeil


Attentive aux besoins spirituels des personnes malades et âgées

Fille de la Charité et soignante à domicile, j'étais attentive aux besoins spirituels des personnes malades et âgées. En 2001, j'ai fait une formation en soins palliatifs pour être accompagnant bénévole à domicile. Fin août 2011, je suis arrivée à Montreuil. Il y avait une vacance depuis plus d'un an à la Maison de retraite, avec une messe tous les mois dans l’établissement. En accord avec le clergé, j'ai repris contact avec le personnel et les résidents. Sur le quartier, je peux répondre à plusieurs demandes signalées par différentes personnes. Dans le même temps, j'ai pris contact avec Agnès, responsable du Service évangélique des malades sur Bagnolet. Avec elle, j'ai participé aux formations et "reprises" proposées par le diocèse. Professionnelle de la santé, il m'était difficile d'être bénévole dans un service public où je travaillais. C'est pourquoi depuis plusieurs années, je visitais sur mon lieu d'habitation.

Dans cette relation, à partir de l'écoute de la personne, se laisser interpeller par ce qu'elle dit ; savoir donner, savoir recevoir. La foi de la personne renforce ma foi dans l'échange réciproque. Au niveau humain, on appartient à une communauté de vie et d'Eglise : apporter la vie de la personne et inversement.

Le service du frère est important, on n'est pas chrétien tout seul. Chacun de nous avons besoin d'une communauté de vie, d'être relié à un groupe, ça fait vivre. Cela montre que la personne existe, elle m'apporte, cela m'enrichit et cela enrichit la communauté paroissiale. C'est à son nom que je vais la rencontrer. Pour l'instant, nous ne sommes que deux. Dans l'avenir, nous voudrions être à plusieurs pour rencontrer les mêmes personnes, pour permettre une ouverture et éviter de les rendre dépendantes de soi.

Sr Lydia,
Fille de la Charité, Montreuil-sous-Bois

Hébergement solidaire : tous mobilisés !

Fin octobre 2012, alerté par le Secours catholique sur l’urgence de l’hébergement en Seine-Saint-Denis, notre évêque - avec le Conseil épiscopal - lançait un appel aux paroisses du diocèse pour qu’elles accueillent cet hiver des personnes seules et des familles à la rue. 600 chrétiens mobilisés, 65 personnes sans-abri hébergées chaque soir cet hiver dans une vingtaine de lieux.

Une invitation à réaliser mon devoir de chrétienne

L’appel de notre évêque aux communautés paroissiales pour venir en aide aux sans-abri m’a semblée quelque chose de tout à fait naturel… Il n’y a pas qu’aux institutions et à l’Etat de soutenir les personnes en souffrance ! Cet appel m’a paru comme une invitation à réaliser mon devoir de chrétienne, en faisant grandir ma foi, en étant plus à l’écoute des autres, en me rendant compte que je ne pouvais plus être à l’écart de cette entraide. Tout cela est profitable dans notre chemin de vie de chrétien.

 

 

Juliette,
Dugny


Interpelé par un Dieu d’amour

Je n’ai pas été surpris par l’appel de l’évêque et du Secours catholique car avec « Diaconia », j’avais déjà été sensibilisé aux notions de charité, de fraternité et de justice… tout ce qui permet de se mettre au service des autres. Ma foi se nourrit de cette relation, car l’amour est au cœur de la vie de tout chrétien. Nous sommes interpelés tous les jours par un Dieu d’amour ; nous répondons à ce Dieu d’amour en accueillant les sans-abri et en leur donnant cet amour que Dieu lui-même nous a donné. Ce service du frère invite chacun à refaire de la place dans sa vie pour l’accueil des autres et pour la rencontre de Dieu.

 

Francis,
Dugny


Vivre la solidarité fraternelle

J'aurais plutôt été surprise si aucun appel de notre Eglise n'avait été lancé dans cette période si difficile qui voit des femmes et des bébés vivre dehors ou dormir dans les salles d'attente des hôpitaux, ou les campements Roms prendre feu au bord du périphérique et des étrangers attirés par le pays dit des Droits de l'Homme déboutés avant d'avoir pu prouver qu'ils étaient en danger dans leur pays d'origine. Sans oublier le 115 qui était avant l'hiver aux abonnés absents. Heureusement, qu'il existe encore des lieux de proximité pour essayer de vivre la solidarité fraternelle et essayer d'alerter les pouvoirs publics.
La foi existe par les actes : « Si je n'ai pas la charité… » dit saint Paul. La foi se nourrit de tout ce que nous vivons avec nos frères humains dans la vie ordinaire et des rencontres inattendues, des échanges entre accueillis et accueillants. Un exemple : lorsqu'un mercredi, je rendais compte à Jocelyne du premier partage entre chrétiens de nos paroisses sur ce qu'est la foi, Mohammed, Emmanuel et Bruno ont écouté, posé des questions puis fait part de leur façon de vivre la foi.
Ce service du frère me semble indispensable, il n’y a qu’à lire l’évangile de Matthieu : « Ce que vous faites au plus petit d'entre les miens… » (25, 40). Si l'Eglise que nous sommes ne se met pas au service des plus petits, comment pouvons-nous nous dire chrétiens, c'est à dire appartenant au Christ ?
Toutefois cela ne doit pas nous donner "bonne conscience" en ce temps de Carême en cochant la case "charité" mais éveiller nos consciences pour poursuivre ensemble la réflexion et trouver ensemble des solutions pour éradiquer l’injustice et la pauvreté.

Claudine,
Aubervilliers


Abdel, Aziz, Alain…

L’hébergement d’urgence au Pré-Saint-Gervais a débuté le 22 janvier. Avant cela, une dernière réparation de la chaudière est nécessaire, un rassemblement-rencontre de tous les bénévoles pour une formation, expliquer la mission, établir un planning, et… prévoir l’aménagement des locaux. Nous partions de « rien ». Cette réalité inquiéta d’ailleurs certains bénévoles qui ne voyaient pas bien comment en une ou deux semaines, cette salle où nous nous réunissions allaient être une chambre, mais… c’était sans compter sur l’aide de l’Esprit Saint, la prière de chacun, et l’aide et la bonne volonté de nos paroissiens. Après un appel aux dons ou prêts (lit, couvertures, draps…), la salle est vite devenue chambre.

Il a fallu ensuite penser aux courses. Enfin, nous pouvions accueillir Abdel, Aziz, Alain.
Quatre bénévoles, dont moi les attendions, avec un mélange d’impatience, de joies, et de questionnements. Qui sont-ils ? Avons-nous pensé à tout ? Se sentiront-ils bien ? Auront-ils bien chaud ? La chaudière tiendra-t-elle le coup ?… et aussi, « Serais-je capable ? » Si les questions étaient présentes, sans être source de craintes, elles se sont évaporées lorsque nous les avons enfin rencontrés, accompagné par Jérôme, bénévole qui les connaissait. La rencontre, les échanges de ce premier jour se sont doucement, mais naturellement bien passés.

Cet engagement que j’ai décidé de prendre est venu à moi, comme une évidence. Alors que j’avais le souci des « sans domicile fixe », je n’en avais alors que le souci, puisque je ne savais pas comment allez vers eux, et les soutenir, à ma mesure. Une de mes faiblesses… Quand nous avons parlé pour la première fois de ce projet en EAP (Equipe d’animation paroissiale), j’ai tout de suite su qu’il fallait que je m’y investisse.
Une ou deux fois par semaine, je me rends donc à l’hébergement solidaire. Parfois, nous prions avec eux avant notre repas. Cette prière prend une belle dimension pour moi, puisque catholiques, musulmans et « non pratiquant », prient ensemble. Ces rencontres hebdomadaires sont signes permanents de la présence du Seigneur dans nos vies. Je me laisse bousculer par l’inattendu (positif ou négatif), qui fait partie aussi intégrante de cette aventure.

Cette mobilisation interparoissiale permet de faire se croiser et rencontrer différentes personnes. Elle est donc vraiment humaine, et je la qualifierais donc de véritable "rencontre humaine". L’équipe comprend une quarantaine de bénévoles, participant sur le terrain, de tout le secteur Pantin-Le Pré-saint-Gervais, Les Lilas. Certains assurent une présence hebdomadaire, matin et/ou soir, de 2 ou 3h, d’autres proposent de faire des courses, d’autres encore de venir ponctuellement "en remplacement" s’il y a un besoin, d’autres, plus anonymes, de proposer des repas, d’autres encore (des hommes) passent la nuit entière avec eux, et puis, il y a ceux qui prient… Au final, nous ne sommes plus une quarantaine, mais, bien plus…

C’est un peu comme une fourmilière, ou il y a beaucoup de bénévoles qui se croisent, sur les temps d’"accueil", mais aussi de relectures, ou encore, lors "d’extra", comme la fête-anniversaire d’Alain, un des hébergés, ou encore le dimanche quand certains bénévoles peuvent ouvrir l’hébergement.

Ces moments de rencontres, qu’ils soient rapides ou non, permettent à chacun de se ressourcer, et voire en effet, que l’on est pas seul mais, qu’il y a bien une équipe, qui est là, et sera là, pour les moments sympa, comme pour les plus difficiles.
Pour ce projet, il y a aussi trois coordinateurs qui font partis des trois paroisses, ce qui facilite aussi les échanges avec les différentes paroissiens, et paroisses.
Pour la suite… même si nous n’en sommes pas encore là, nous envisagerions de poursuivre, si cela est toujours possible, cette démarche, cette lancée, en la proposant sur une autre paroisse l’année prochaine…

Laure,
Le Pré-Saint-Gervais, Pantin, Les Lilas


Celui que nous accueillons couvre notre nudité

Les personnes accueillies cet hiver ont produit sur moi une forte impression : leur tenue, leur vérité, l'amitié qu'elles m'ont témoignée, et même leur gaîté parfois, dégagent pour moi un parfum de cette grandeur et beauté qui les habite. Ces personnes, pas toutes chrétiennes, sont porteuses de foi en elles-mêmes : elles s'en remettent à Dieu à qui nous les remettons aussi. Les accueillants, en majorité des figures paroissiales familières (parfois méconnues cependant), pauvres elles aussi, et pleines du désir de partager, ont trouvé dans cette coopération une occasion de s'apprécier. C’est pour moi une occasion de découverte, de changer de façon de voir, de bouleverser mes priorités, de m'affranchir de peurs et d'idées préconçues. Nous ne sauvons personne : celui que nous accueillons voit bien nos failles, les limites de ce que nous faisons, sachons lui gré du regard généreux qu'il porte sur nous. Il.

Claude,
Aubervilliers


Narima, Samsarah, Ordy, nous auront accueillis

C’est incroyable comme certains événements redonnent de la lumière et donc de la couleur à l’ensemble des autres : ainsi, Jean Rodhain en février 1957 : « ils embauchent largement, même l’ouvrier de la 11e heure, c’est une équipe… ils recherchent des idées partout, ils accueillent des collaborations plus jeunes, ils associent sans compter le timide et l’hésitant, c’est une équipe… Ils vont de l’avant, ils sont assez souples pour faire table rase de leurs méthodes et de leurs expériences devant une situation nouvelle, c’est une équipe. Seigneur apprenez-nous à fuir l’esprit de clan, pour que vous soyez au milieu de nous, la véritable charité est à ce prix. » (Revue Messages, n°65)

Ainsi ce 19 mars 2013 : « La vocation de garder le Christ dans notre vie, pour garder les autres et pour garder la création, a une première dimension humaine et concerne tout le monde. C’est le fait de garder les gens, d’avoir soin de tous, de chaque personne, avec amour, spécialement des enfants, des personnes âgées, de celles qui sont les plus fragiles et qui souvent sont dans la périphérie de notre cœur… tout est confié à la garde de l’homme, soyez des gardiens des dons de Dieu », nous dit le pape François lors de la messe d’inauguration de son pontificat.
Au fil du temps, nous sommes accompagnés, précédés de l’Esprit de prévenance et de Vie.

Dans une dizaine de jours, nous aurons accompli une belle expérience d’accueil à Saint-Antoine, et nos hôtes seront repartis vers leur avenir joyeux ou incertain encore. Au fil du temps Narima, Samsarah, Ordy, et tous ceux d’avant, à leur tour nous auront accueillis. Ce n’est pas rien de présenter un visage ouvert chaque soir, aux nombreuses personnes qui viennent. Ce n’est pas rien d’y tenir table et conversation, de garder son intimité et son identité en dévoilant un peu chaque soir de son aventure personnelle.

Ils repartiront peut-être comme ces trois anges qui s’étaient approchés d’Abraham à Mamré. Genèse 18 (2) : Il leva les yeux et aperçut trois hommes debout près de lui. A leur vue, il courut de l’entrée de la tente à leur rencontre, se prosterna à terre et dit « Mon Seigneur si j’ai pu trouver grâce à tes yeux, veuille ne pas passer loin de ton serviteur… (5) Je vais apporter un morceau de pain pour vous réconforter, avant que vous alliez plus loin, puisque vous êtes passés près de votre serviteur (8) il prit du caillé du lait et le veau préparé qu’il plaça devant eux, il se tenait sous l’arbre debout près d’eux ; ils mangèrent. (10) Le Seigneur dit : « je dois revenir au temps du renouveau, et voici que Sarah ta femme aura un fils ».

Cette expérience et cette force de la fraternité, nous pourrions les porter pour ceux qui le peuvent en cette grande Semaine sainte. C’est une belle idée de Gwénaëlle, pourquoi ne pas proposer dans nos paroisses de rassembler dans la célébration du Jeudi saint les uns et les autres croyants ou non, accueillants ou accueillis s’ils le souhaitent, les priants et les veilleurs ; de rassembler, en nommant dans la prière universelle ceux qui ont été hébergés à Saint-Antoine, et en offrant cette célébration du Jeudi saint pour tous ceux qui donnent leur vie pour Dieu et pour les autres, hommes, femmes, prêtres, frères en cette équipe qui s’est construite, pour tous ceux que la solitude et l’isolement détruisent, qui cherchent un toit un travail ou une reconnaissance…

Christian et Roselyne,
Montreuil-sous-Bois


Ils ne dormiront pas dans la rue ce soir

La pièce est spacieuse, propre, bien chauffée, avec des tables et des chaises dépareillées, normal, c’est une salle de « caté », une des salles paroissiales de la Seine-Saint-Denis. Nous sommes précisément à Aubervilliers. Quelque chose de différent cependant, on y trouve un réfrigérateur, un micro ondes, un peu plus de cartons que de coutume, et surtout, totalement neuf, un endroit pour les toilettes et une douche, manifestement un investissement financier lourd. Bref, ici dorment trois hommes envoyés par Le Cèdre (Secours catholique) et qui sont à la rue. Trois personnes sans domicile que la paroisse d’Aubervilliers accueille depuis le début décembre et jusqu’à la fin du mois de mars. Ils sont reçus à partir de 20h30 pour un repas chaud, la nuit et le petit déjeuner, puis le nettoyage puisque la salle sera occupée en journée, c’est ainsi, y compris les jours de fête. Une quarantaine de bénévoles se relaient.

Qui sont ces trois hommes, âgés respectivement de quarante cinq, trente cinq et dix neuf ans environ ? « On voit bien qu’ils viennent de pays africains, m’expliquent deux bénévoles, mais on ne leur pose pas de question. Ils ne parlent pas de leur arrivée en France, on devine que ce fut très douloureux. On n’a aucune idée sur les raisons qui les laissent aujourd’hui sans logement ; on sait pour d’autres, on a lu des récits, mais on sait très peu de choses sur eux en particulier. En fait, le soir, ils arrivent, fatigués. Sont-ils chrétiens ? Ce n’est pas une question. » Ces deux bénévoles, ce soir-là, insistaient sur le fait qu’on ne veut pas les assister, encore moins les materner. « Evidemment, cela nous prend un peu de temps, un peu d’argent aussi, mais ce n’est rien au regard de la dureté de leur vie ; on parle un peu tout de même et nous apprenons beaucoup. Ce qui compte, c’est leur vie. »

La paroisse est animée par des prêtres parisiens, de la Fraternité missionnaire des prêtres pour la ville sur une initiative du cardinal Lustiger. L’initiative de cet accueil de nuit est clairement paroissiale. « On ne sent pas de dissension à ce sujet dans la communauté chrétienne, tout juste quelques questions. Au contraire, des paroissiens apportent du thé, des plats préparés ; l’une s’est proposée pour laver les vêtements, leur générosité ne se dément pas ; c’est même un "plus" pour la communauté. » J’ai vite compris que certains bénévoles n’étaient pas des acharnés de la messe dominicale, tel ce jeune qui accompagne "sa copine catho" sans aucune réticence. D’ailleurs les retraités ne sont pas majoritaires, voilà qui est inattendu.

Leurs motivations ? Evidemment plurielles, différentes. « Mais nous avons tous la même et première réaction : on ne peut pas accepter que des hommes et des femmes dorment dans la rue en hiver dans une société riche comme la nôtre. » Au début d’avril, ils prendront du temps pour se raconter leurs découvertes, mettre à jour peut-être les raisons profondes de cet engagement, s’apercevoir aussi que leur foi même a bougé. Est-ce un trop lourd investissement pour trois ou quatre personnes ? « Nous faisons ce que nous pouvons ». Sur l’ensemble du diocèse, ce sont soixante cinq personnes sans domicile et plus de quatre cents bénévoles.

J’aime bien l’histoire du colibri. Tous les animaux s’enfuyaient devant l’immense incendie qui venait de prendre dans la forêt amazonienne ; le plus petit des oiseaux s’en est allé à contre courant, avec une goutte d’eau dans le bec, autant qu’il pouvait en porter. « Tu es fou, c’est inutile, ce n’est qu’une goutte d’eau. » Ce à quoi le colibri a répondu : « je fais ce qui me revient » (Revue des Fils de la Charité).

P. Gérard,
Fils de la Charité, Aubervilliers


Se confronter intimement à la réalité de la précarité

Ce service du frère est un moyen concret pour nourrir notre foi en Dieu qui est indispensable pour notre vie de chrétien, puisque nous croyons en l'Amour du Christ […] J’ai cru dans un premier temps que ce n’était pas pour moi. Puis l’idée a fait son chemin, car le projet offrait une réelle occasion de se confronter intimement à la réalité préoccupante de la précarité. […] Je considère cette aventure comme un vrai voyage : fascinant, fatiguant, enrichissant. Chaque soir, avec Zoulaï et ses deux filles, on vit une page nouvelle d’Evangile, une confrontation culturelle, une vraie relation d’amitié sincère. A travers cette petite famille, notre vie s’humanise, l’amour du Christ s’incarne, l’Eglise-Corps du Christ prend réellement forme. Les bénévoles se sentent transformés par ce moment d’humanité, ce temps de partage que l’on voudrait poursuivre sans cesse. […] A travers ce projet, nous grandissons tous dans notre foi car nous prenons conscience de la chance que nous avons et qu'il est nécessaire de secourir et accompagner ceux qui en ont besoin. J'ai pris conscience que des choses doivent changer ; travailler en équipe m’a permis de rencontrer les gens de ma communauté, tisser des liens et partager notre foi. L'accompagnement humain demande beaucoup d'humilité et de compréhension.

L’équipe de bénévoles,
Livry-Gargan


Pourrions-nous et saurions-nous faire davantage ?

Depuis le 17 décembre 2012, nous accueillons un homme de soixante cinq ans originaire du Pakistan, vivant en France depuis les années 1973 ou 1974. Le local mis à sa disposition est situé dans les locaux paroissiaux. Il consiste en une chambre avec accès à un sanitaire et à un point d’eau permettant toilette et cuisine.

L’appel lancé par notre évêque a d’abord été une surprise. Puis, passée la surprise, nous avons réfléchi tous ensemble. Nous avons constaté les possibilités matérielles dont nous disposions et nous avons décidé, assez rapidement car le froid arrivait, de participer à cette opération.
Nous avons le sentiment d’aider une personne démunie. Nous sommes dans l’Evangile, tant individuellement en apportant les repas, qu’en groupe en organisant et suivant l’évolution quotidienne de cet accueil.

C’est une façon de prouver que notre religion est une religion d’amour, et cette action nous sort de nos "routines". A l’occasion de cette action, nous avons créé des contacts interparoissiaux et avons agi ensemble. De même, quelques personnes qui ne participent pas habituellement à la vie paroissiale se sont jointes à nous.
Une question : quel sera le suivi après le 31 mars, des personnes ainsi hébergées ?
Une autre question qui nous concerne : Pourrions-nous et saurions-nous faire davantage ?

Michel,
Drancy


Nous agissons au nom de notre baptême

Nous avons débuté l'accueil tout début décembre pour une durée de quatre mois ; les personnes nous ont été adressées par le Cèdre (Secours catholique). Nous étions déjà organisés lorsque notre évêque a lancé son appel ; il nous a confortés dans notre projet. Nous savions que nous agissions au nom de notre baptême et avions conscience de vivre des passages de l’Évangile. La surprise aurait été que l'Eglise ne dise rien. Toutes les communautés sont dans leurs rôles lorsqu'elles témoignent de l’Évangile et qu'elles vivent l'Alliance.

Pour certains bénévoles, cela renforce leur foi mais pour moi cela date de 1985. Je collectais pour la banque alimentaire et une rencontre importante m’est arrivée : une femme par sa vie et son geste m'a fait reconnaitre et vivre un passage d’Évangile. Cette veuve avec quatre enfants à sa charge, vivant que sur les allocations familiales, ne pouvait plus payer ses loyers. Elle m'a écouté attentivement lorsque j'ai expliqué ce qu'était la banque alimentaire. En ressortant du magasin, elle m'a donné l'unique paquet qu'elle avait dans la main, des spaghettis. Elle venait d’offrir le repas de toute sa famille ! A partir de ce moment, plus rien n'a été comme avant.

Avec l'accueil de nuit, des bénévoles font des rencontres du même type. Par le bouche à oreille, l'accueil est connu et nous sommes témoins de gestes de solidarité, de dons… Cela nous montre que les chrétiens des autres paroisses du diocèse agissent, que nous ne sommes pas seuls. Nous ressentons comme une fierté d'appartenir à cette Eglise et à ce diocèse. De notre plaisir d'être dans l’Église, d'y appartenir, que notre joie et notre foi soient aussi contagieuses que la solidarité. Les bénévoles ont un mari ou une femme, des enfants, un appartement, une télé, bref tout ce qu'il faut pour ne pas ressortir et rester tranquillement à la maison.

La formation du Secours catholique sur les pauvretés et l’accompagnement humain est de qualité. Elle permet de "définir", "d'identifier" la pauvreté, que la réponse à apporter n'est pas d’ordre matériel mais elle passe par l'écoute, la considération, l'attention… Ce service du frère est important. Jésus a passé son temps à enseigner, a réhabiliter les exclus. Il nous demande d'aimer notre prochain, de pardonner…

Luc,
Aubervilliers


Reconnues dignes d'être des humains à part entière

L'équipe pastorale de Montreuil-Centre et Bas-Montreuil a pris l'initiative d'ouvrir deux salles situées au-dessus de la chapelle Saint-Antoine, Croix de Chavaux, pour héberger des familles et des femmes seules avec enfant(s). La capacité d'accueil est de 8 personnes et le lieu est ouvert chaque jour (y compris le week-end) depuis le 6 janvier, de 19h à 9h, le lendemain matin.

L'appel de l'évêque, en lien avec le Secours catholique, a été reçu très positivement, comme un appel à ouvrir les portes et les cœurs. La communauté chrétienne, présente à Montreuil (Bas-Montreuil, Centre et haut-Montreuil), s'est sentie immédiatement concernée. Grâce au bouche-à-oreille, l'information sur l'ouverture de cet hébergement a touché des personnes au-delà de la communauté. Ainsi, plus de 80 personnes ont proposé leur service : accueil, préparation d'un repas ou petit-déjeuner, passer la nuit sur place. D'autres ont fait des dons de matériels et vêtements ou participent à une chaine de prière pour ces familles.
Entrer dans une relation simple et accueillante avec les personnes hébergées est aussi important, si ce n'est plus, que de leur offrir de la nourriture et un lieu. Elles ont besoin d'être reconnues dignes d'être des humains à part entière, d'être écoutées sans être jugées et en se sentant libres de parler ou non des difficultés qu'elles vivent, d'être en confiance.

Notre foi en un Dieu qui est Amour offert à tous nourrit cette relation ; notre foi nous fait sortir de nous-mêmes pour aller vers ces personnes. En même temps, la vie difficile de ces personnes "interroge" notre capacité à être dans une écoute et un accueil fraternels, à la manière du Christ dans ses rencontres sur les routes de Palestine.
La formation proposée aux bénévoles a permis de prendre de la distance par rapport aux images de la pauvreté avec tous les préjugés qui y sont associés, images que nous portons en nous ou qui nous sont présentées par les médias, images trop souvent dégradantes et culpabilisantes pour les personnes pauvres.
Elle a permis aussi de sortir de la conception aidant-aidé qui crée une inégalité dans la relation et qui risque de conduire l'aidant à penser qu'il a les solutions, à "imposer" sa manière de voir la situation, de faire des projets à la place de la personne en difficulté.

L'accompagnement de ces personnes nécessite d'être "désarmé" de nos préjugés pour faire place et soutenir le désir de s'en sortir de ces personnes, surtout quand leur moral est en baisse.
Le « service du frère » n'est pas une option pour un chrétien, il est constitutif de notre foi, il est plus qu'un acte d'ordre moral. « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » est intimement lié à « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu ». C'est le commandement de l'amour, confié par le Christ aux disciples, qui donne dynamisme et sens aux paroles et aux actions de chaque baptisé et de l'Eglise toute entière. Sans le « service du frère », que le frère soit à l'intérieur de la communauté chrétienne ou non, l'annonce du Royaume de Dieu serait peu crédible. Que dirait-t-on de notre foi et de notre espérance sans le témoignage de l'amour porté au cœur des réalités humaines ?

L’équipe de bénévoles,
Montreuil-sous-Bois


Au service des sans-abri

A Aulnay-sous-Bois, seule la paroisse Saint-Joseph possédait un local vacant pour recevoir des sans-abri. Il nous fallait réunir des bénévoles, leur présenter le projet et les former. En quelques semaines, nous réunissions une cinquantaine de personnes provenant de toutes les paroisses d'Aulnay-sous-Bois.
Sur un mois, nous avons reçu trois familles envoyées par le 115, via le Secours catholique. La 1ère d'origine sri-lankaise, tamoule, n'est restée que trois nuits. Composée des parents et d'un bébé de onze jours, le local ne leur convenait pas et ils ont préféré retourner dans la cave où ils habitaient précédemment. Ce court passage nous a fait toucher l'incompréhension due à la langue. Fort heureusement, dès le deuxième soir, une maman, Gilda, qui sait parler la langue "tamoule" nous rejoignait pour libérer leur parole et nous dire leur besoin.

La 2e est restée plus longuement, une vingtaine de jours. Quelle fut notre surprise en les voyant arriver un soir en voiture. Lui, sortant de son véhicule en djellaba et elle vêtue de son voile intégral qui ne laissait paraître que ses yeux, accompagnés de leur fils de sept mois. Nous les avons accueillis sans sourciller mais pressentant les problèmes qui allaient surgir. Au-delà de l'apparence, nous avons découvert, au fil des visites, des jeunes à la fois très ouverts et très accueillants et nous devons admettre que nous étions déçus de leur départ ; mais les voilà, aujourd'hui, chez eux, à Sarcelles. Notre accueil ne doit rester que temporaire.

La 3e famille, composée d'une maman togolaise, de ses jumeaux de neuf mois, et de sa grande fille de cinq ans, scolarisée à Bondy. Ils nous ont quittés après un séjour de quatre jours. Les voilà hébergés jusqu'à fin mars par une amie qui leur laisse son logement, à Bondy. Nous avons découvert une femme droite, courageuse et volontaire qui a amené et recherché pendant deux jours, malgré les intempéries, sa fille à l'école pour ne pas la couper de ses camarades.

Cet hébergement est une chance pour l'Eglise et les chrétiens de notre diocèse, de vivre au quotidien la rencontre avec des personnes en situation de pauvreté. C'est aussi l'occasion de mieux vivre le partage dans la solidarité fraternelle comme une démarche de foi, de foi en acte, une foi qui devient agissante dans l'amour. Ce service du frère n'est pas réservé à quelques spécialistes, si indispensables soient-ils, et tout baptisé, tant individuellement que dans des associations ou organismes est appelé à le vivre, à le mettre en pratique.
Nous ne voulons pas pour autant nous substituer aux pouvoirs publics qui se doivent de traiter ce problème de l'hébergement d'urgence. Notre action s'accompagne d'une parole plus politique au travers des courriers envoyés à M. le Premier Ministre et à Mme la Ministre de l'Egalité des territoires et du logement. Sur Aulnay, une information à été faite à Monsieur le Maire.

L'action des bénévoles est pour ceux que nous accueillons, signe d'une grande fraternité et porteuse d'une espérance qui atténue quelque peu leur souffrance. Cette disponibilité permet de vivre tant de joies et de richesses !

Philippe,
Diacre permanent, Aulnay-sous-Bois


Un grand élan de solidarité dans la communauté paroissiale

Nous accueillons depuis le 25 janvier une maman de 28 ans avec un petit garçon de 2 ans et demi, et une fillette de 16 mois. Dans un premier temps, nous avons été surpris qu’on demande aux paroisses d’aider les associations caritatives et la plateforme du 115. Réticents aux premières informations données concernant cet hébergement : présence nécessaire de deux personnes de 7h30 à 9h et 19h à 21h avec obligation pour les bénévoles de dormir dans les locaux… mais sensibles à cet appel !

Il y a eu ensuite un très grand élan de solidarité dans la communauté paroissiale de Neuilly-Plaisance pour préparer cet hébergement : travaux d’aménagement, apport de matériel (lits, plaque chauffante, réfrigérateur…) Nous avons éprouvé de la joie à voir les chrétiens se mobiliser. Les communautés nous semblent être dans leur rôle quand les institutions en place sont défaillantes.

Notre foi s’enrichit par la prière que nous sommes amenés à faire pour soutenir cette famille accueillie. Notre foi devient plus concrète. Nous réfléchissons davantage à la notion de partage et de service. Cette relation nous incite à essayer de mieux comprendre ce que Dieu attend de nous. Au sein de l’équipe, nous avons l’impression que notre foi, nous permet d’avancer et d’agir, tous ensemble. Ce qui renforce cette foi.

La pauvreté ne se résume pas à la pauvreté matérielle ; il y a aussi la sécurité, la réalisation de soi, l’estime, la reconnaissance (Marguerite de Maslow). L’accompagnement humain nécessite un état d’esprit qui doit être entretenu dans l’équipe.

Il nous semble indispensable qu’un catholique mette en pratique ses convictions et applique la Parole : « J’ai eu faim… » Matthieu 25, 35-36

L’équipe de bénévoles,
Neuilly-Plaisance


Un engagement que j’avais envie de prendre

Une famille est accueillie dans des salles paroissiales depuis le 7 janvier 2013. Elle est composée de trois personnes - père, mère et enfant : Rahma, Nadgib et leur fille de 12 ans Ghizlène.

J’ai entendu l’appel lancé par l’évêque lors d’une messe au mois de décembre. Je n’ai pas été surprise de cet appel car l’accueil et l’aide sont des missions des communautés paroissiales. J’ai répondu spontanément à cet appel car il correspond à un engagement que j’avais envie de prendre ici à Neuilly-sur-Marne. En effet, j’ai été bénévole du Secours catholique à Valence (Drôme) : accompagnement scolaire et atelier pour adulte de « Mail Art ». Après quelques mois d’installation, l’appel de notre évêque m’a permis de m’intégrer dans la communauté paroissiale.

Ma foi se nourrit de cette relation, car lors des rencontres avec la famille, j’essaie de me rendre disponible à l’autre, à sa façon d’être, de vivre, de penser. Cette relation me permet de vivre ma foi, de me mettre au service de l’autre, de lui donner du temps, de l’écoute, de le reconnaitre comme une personne importante. Ne pas focaliser sur ma petite personne, et les soucis du quotidien, mais donner de ce que j’ai reçu en abondance, de l’amour et de l’amitié. Au plan de l’équipe, cette relation me fait appartenir à une communauté de chrétiens unis dans le même but, par la prière et la foi.

J’ai suivi la formation du Secours catholique sur les pauvretés et l’accompagnement avec beaucoup d’intérêt. En effet, cette formation m’a permis de réfléchir sur la signification de « la pauvreté, des pauvretés », sur ses différents aspects (financier, spirituel, culturel, familial, social), et comment je me positionne par rapport à ces pauvretés. J’ai pris conscience que la pauvreté pouvait être aussi un choix de simplicité, « une frugalité heureuse ». Cette formation m’a donné envie d’approfondir ma réflexion. J’ai travaillé l’accompagnement des personnes durant ma vie professionnelle en tant que formatrice pour adulte. J’ai animé des formations d’aide à domicile, auxiliaire de vie auprès de personnes fragilisées. La formation du Secours catholique m’a permis de reprendre la notion des besoins fondamentaux, la relation d’accompagnement. Aider ce n’est pas faire "à la place", mais c’est "faire avec".

Ce « service du frère » me semble important car il permet de porter un regard neuf sur l’autre, différent, marginal, mais finalement si semblable à moi. Se sentir utile, réfléchir sur cet engagement et les raisons de ce choix, sur sa foi et comment je la vis au quotidien. Il faut rester humble car seul on ne peut pas grand-chose. L’assemblée des chrétiens peut aider, mais chacun peut être acteur d’un petit quelque chose qui grandit ensemble. Rencontrer une famille attachante qui accepte l’aide proposée, et à son tour me reçoit comme "invité" dans sa maison ; se remettre en question sur sa façon d’accompagner l’autre, entre "pas assez et trop peu", jusqu’où je peux aller sans mettre l’autre en difficulté. Se sentir appartenir à une communauté de chrétiens, rencontrer des bénévoles qui n’auraient pas croisé notre route sans cette occasion, s’enrichir de ces rencontres, de ces échanges.

Marie-Hélène,
Neuilly-sur-Marne


Que de richesses dans la diversité !

Les personnes sont accueillies dans une des salles de la paroisse de l’église des Joncherolles : une jeune femme avec un bébé, sortant de la maternité et un autre enfant de 18 mois, une jeune fille avec un enfant de 12 mois, une jeune femme avec deux enfants de 10 et 6 ans. Ces familles bénéficient de la cuisine et disposent d’une douche et de toilettes.

Nos prêtres ont transmis l’appel dans nos paroisses respectives de Stains et Pierrefitte ; un certain nombre de bénévoles se sont proposés, mais insuffisant pour entreprendre la mission ; l’appel a été relancé, en conscientisant fortement nos paroissiens… et le nombre a grossi. De plus, une paroisse de Saint-Denis s’est jointe à nous faute de locaux disponibles de leur côté pour accueillir des sans-abri. Nous devions tout faire pour accueillir, apporter la sécurité, la chaleur, un toit et chacun a donné ses disponibilités pour assurer l’accompagnement matin et soir.

La 1ère semaine n’a pas été simple car beaucoup d’imprévus : clefs, fuite d’eau… Les changements rapides de deux premières mamans ont un peu décontenancé les accompagnants, car cela s’est fait sans un au-revoir.
L’une d’elles a donc pris place chez nous avec ses deux filles : elle travaille à mi-temps à Roissy et ses filles vont à l’école à Stains… Deux volontaires se sont proposées pour accompagner les filles à l’école le matin et les reprendre le soir. Ce qui libère la maman et fait la joie des filles !

Les bénévoles assurent un temps de présence active auprès de la maman et des filles (aide aux devoirs), la maman est très angoissée face à l’échéance du 31 mars… les dossiers sont en cours ; chacun est à l’affût pour aider dans les démarches : assistante sociale, ANPE, CMU, logement, un nouveau travail qui la rapprocherait. Chacun est à l’écoute et la rassure. Une bénévole l’a accompagné dans sa maison de quartier où des femmes se rencontrent. La maman travaille les samedis dimanches, à tour de rôle nous assurons la garde des filles.

Au sein de l’équipe de bénévoles, ce n’est pas toujours évident de se rendre compte des différences culturelles, des modes alimentaires, des besoins qui ne sont pas les nôtres et des habitudes de vie qui bousculent les nôtres. Beaucoup veulent gâter la petite famille, sans réaliser un devenir plus rude quand elle nous quittera, même en gardant des liens avec elle… Partager, écouter sans assister, être présent pour la soutenir et l’encourager; lui redonner confiance afin qu’elle acquière une certaine autonomie et qu’elle garde espoir. Faire avec elle et non pour elle. L’accompagner et non l’assister. Redonner goût pour aller de l’avant et braver les difficultés tout en gardant l’espérance d’une issue positive. Etape par étape, l’équipe en a pris conscience.

Chacun vit l’évangile de Matthieu (25) et fait au mieux avec ses moyens et ses disponibilités pour être là, répondre à ses demandes, partager les repas, et quand l’angoisse est trop grande, aider aux devoirs, jouer avec les deux filles… L’Eglise assure ainsi une de ses missions par l’accueil des sans-abri. Les bénévoles témoignent du message évangélique. Cela fait belle lurette que notre Eglise du 93 aurait dû s’engager. Notre département regorge de sans-abri et les paroisses ont des locaux chauffés qui ne sont pas pleinement occupés… Il est de notre devoir de partager nos richesses. « Qu’as-tu fait de ton frère ? »

Que de richesses dans la diversité ! Chacun offrant sa présence, son écoute, son réconfort, proposant telle ou telle action, attentif aux besoins, l’assurant de notre solidarité et de notre affection ; redonnant espoir. Et certains jours, espérer contre toute espérance, ensemble. Qu’il est bon, qu’il est doux pour des frères de vivre ensemble et d’être unis !

Annie,
Pierrefitte-sur-Seine


Ma foi est nourrie car la Parole est mis en actes

J'ai reçu l’appel de notre évêque et du Secours catholique avec une très grande joie, voyant combien notre Eglise est proche des réalités humaines et compatissante très concrètement. J'en ai parlé autour de moi, dans mon quartier. Les gens qui ne fréquentent pas l'Eglise étaient heureusement surpris, bienveillants en découvrant cette action. Cette initiative les a réjouis, de constater une Eglise "proche" de ceux qui souffrent. Bien sûr, que les communautés chrétiennes sont tout à fait dans leur rôle - et de telles initiatives sont à encourager pour qu'encore davantage de chrétiens se mobilisent.

Ma foi se nourrit en étant plus proche et plus humble vis-à-vis de nos frères et sœurs dans les grandes détresses. Ma foi est nourrie car la Parole est mis en actes (cf. Epitres de saint Jacques 1, 26). « Si quelqu'un s'imagine être religieux sans mettre un frein à sa langue et trompe son propre cœur, sa religion est vaine. La religion pure et sans tache devant Dieu notre Père consiste en ceci : visiter les orphelins et les veuves dans leurs épreuves, se garder de toute souillure du monde. » Et saint Jacques 2, 17 : « Si la foi ne produit pas les œuvres, elle meurt dans son coin. »

C'est formidable de pouvoir exprimer notre foi en la vivant concrètement en équipe au sein d'une paroisse. Nous nous encourageons, nous nous complétons les uns les autres. Nous apprenons à nous connaitre davantage et découvrons les dons de chacun pour le bien de l'ensemble.
Par la formation, j’ai appris à être à l'écoute pour un accueil plus fraternel et donner un peu de temps à ces personnes dans la misère. Etre plus à l'écoute, plus attentive à leurs histoires.

Ce service du frère nous remet en question et nous fait davantage réfléchir : « Une foi sans les œuvres, c'est nul », « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » ne pas se payer de mots - c'est un témoignage essentiel - sinon, ça veut dire quoi d'aimer son frère ? C'est tout l'esprit de l’Évangile, tout l'enseignement de Jésus qui s'exprime dans le service du frère.

Un bénévole,
Aubervilliers


L'Evangile nous oblige à la solidarité, alors confiance

Nous accueillons un SDF à Jésus Adolescent (Franceville, Montfermeil) dans une salle qui nous servait de secrétariat. Nous avons déplacé l'ordinateur et mis un lit. Il y a une salle d'eau à côté. La personne accueillie est un malien, un homme avec un problème de logement. Très autonome, il est sur le point de retrouver du travail (conducteur d'engins de chantier). A sa demande, nous lui avons passé la clef et nous ne nous lui portons plus ni petit déjeuner ni repas du soir. Nous gardons avec lui le contact de l'amitié. Nous devrions recevoir prochainement une famille bulgare à Notre-Dame de Lourdes des Coudreaux (Montfermeil).

Les premières réactions à l'appel de l'évêque sont très "raisonnables" : « Et si c'est quelqu'un de difficile ! Et s'il ne veut pas s'en aller à la fin de l'hiver ! » Plus profondément : « Nous pallions à l'incapacité des services de l'état face aux SDF. Est-ce bien normal ? », « Nous nous sommes dit que, si nous faisons quelque chose, nous aurons droit de protester devant une société aussi peu solidaire. Si nous ne faisons rien, nous n'avons plus qu'à nous taire !... Et puis nous avons pensé que l'Evangile nous oblige à la solidarité, alors confiance ! ».

La formation du Secours catholique a pu aider l'un ou l'autre, en mettant l'accent sur les difficultés psychologiques des SDF… mais nous ne les avons pas eues.

Ce service du frère a permis à chaque paroisse de s'ouvrir à ce problème et de penser que cela nous concerne tous. Je pense que nous en avions besoin. Cela a permis de concrétiser la réflexion sur « Diaconia 2013 - servons la fraternité ».

P. Daniel,
Le Plateau


Un retour à la société possible

J'ai eu l'occasion de participer à l'accueil des sans-abri sur la paroisse de Villepinte (je fais partie de celle de Tremblay). En tant que chrétienne, je n'ai pas été choquée ni étonnée par cette demande. Un peu inquiète, car de par ma profession, je me suis vu confrontée à des personnes sans-abri violentes… En fait, cela n'a pas été le cas ici. Pouvoir choisir la personne à accompagner a facilité les choses. En revanche, je pense que nous devrions nous limiter à accompagner des personnes dont on sait qu'il y a un retour à la société possible. Nous ne sommes pas formés pour accompagner des cas lourds. Notre rôle devrait se limiter à l'accompagnement de personnes travaillant et ayant des revenus insuffisants pour prétendre à un logement, à des femmes, ou couples avec enfants, qui peuvent à terme trouver du travail et un logement… Je trouve très hypocrite de loger pendant trois mois des personnes, de créer des liens, tout en sachant qu'au bout du compte, rien n'aura bougé pour elles, et qu'elles resteront à la rue, avec le risque de se faire expulser. J'ai l'impression d'avoir vendu du rêve et que le retour à la réalité risque d'être difficile pour les personnes que nous avons accueillies. Commençons par faire ce que nous sommes capables de faire, mais continuons le projet !

Patricia,
Tremblay-en-France

Réaffirmer la place première de l’humain

Une action de solidarité qui dure

Dans notre équipe ACO, nous avons porté notre attention sur la solidarité. Des gestes de solidarité, nous en découvrons tous les jours autour de nous, comme par exemple, rendre service à une personne âgée ou en difficulté passagère… Toutefois, nous nous sommes interrogés sur une action de solidarité qui dure…

Ecoutons M. : « Dans mon quartier, il y a une maison de la solidarité. Depuis de nombreux mois - voire des années, une équipe de bénévoles accueille chaque semaine des personnes sans domicile fixe pour un petit déjeuner, afin qu’elles puissent se détendre autour d’un petit déjeuner convivial, pour qu’elles puissent prendre une douche, laver leur linge… ou encore pour les écouter, pour qu’elles retrouvent pendant quelques heures un peu de dignité : se sentir considéré, respecté, aimé. Quant à moi, je rends visite à une dame célibataire, qui depuis sa maladie m’a sollicitée pour m’occuper de certaines démarches. En allant chez elle, j’ai été témoin de gestes de solidarité de la part de voisins. Exemple : un commerçant du quartier lui monte chaque jour des légumes et des fruits gracieusement. Dans ce bâtiment, beaucoup de familles du Maghreb et d’autres personnes lui font ses courses. Cette personne tient le coup grâce à la solidarité du quartier. »

C’est aussi A. : « Un camp de Roms est installé prés de la chapelle ; une démarche a été entreprise pour entrer en contact avec cette population. Avec une équipe de bénévoles, nous rendons visite à ces familles. Nous apprenons à nous connaître. Les enfants - quelques-uns sont scolarisés - et les jeunes filles sont très demandeurs. Les enfants dessinent, nous leur apprenons un peu le français… en retour, ils nous apprennent quelques mots de leur langue. Cet échange est intéressant, nous partageons aussi quelques friandises. Leur sourire me donne de la joie. Ils attendent avec impatience le mercredi après-midi. »

Cette espérance nous fait marcher et tenir debout. Nous pourrions évoquer encore de beaucoup d’autres actions dans notre équipe de cinq.

Jeannette,
Action catholique ouvrière, Stains-Pierrefitte


La justice avant l'ordre établi, l'Amour avant la loi

La direction de PSA a annoncé la fermeture de l’usine d’Aulnay et la suppression de nombreux emplois en France. C’est une décision de casse de la plus grande usine du département, avec les sous-traitants, c’est environ 9 000 emplois en moins dans un département déjà largement touché par le chômage.
Cela s’inscrit dans un mouvement vieux de plusieurs décennies de destruction de l’emploi industriel dans notre département. Il ne s’agit pas d’une fatalité économique. En 2011, les dirigeants de PSA ont décidé que l’entreprise rachèterait ses propres actions en bourse, pour 180 millions d’euros. Cela n’a aucune utilité économique, sauf de favoriser les gros actionnaires. 180 millions d’euros, c’est la paie, toutes cotisations sociales comprises, des 3 400 salariés de l’usine pendant plus d’un an !

PSA parle « d’investissements » au travers la fermeture de cette usine et de la suppression de tous ces emplois. La recherche du profit passe avant le souci de maintenir les salariés au travail.
La grève qui a commencé voici plusieurs semaines a pour but, sinon de s’opposer à la fermeture de l’usine, du moins d’obtenir les meilleures conditions de reclassement ou de départ. C’est une grève dure car cette entreprise a toujours été marquée par un acharnement patronal contre les travailleurs qui tentent de s’organiser. Les meneurs ont déjà été trainés au tribunal.

L’ACO (Action catholique ouvrière) du 93 n’était pas spécialement mobilisée sur PSA. Nous sommes attentifs au monde du travail, à ce que vivent les salariés et leurs familles. Les adhérents de l’ACO apportent en révision de vie mensuelle cette vie, ces actions menées. Néanmoins, l’exemple de Ford sur Bordeaux-Blanquefort était dans nos esprits. L’ACO y a été très présente, agissante auprès des salariés licenciés et dans le collectif de soutien. Très fréquemment, les membres de l’ACO vont témoigner de leur solidarité auprès des travailleurs en lutte. C’est ce que nous appelons un projet missionnaire.

Tout le monde connait Citroën ou Peugeot mais qui connait les conditions de travail de ces travailleurs ? La première demande était de permettre de se rencontrer et de comprendre la situation. Beaucoup de membres de l’ACO sont syndiqués, donc éduqués à la compréhension de ce genre de conflit. Il en va autrement de la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne), mais aussi des membres plus anciens qui sont parfois plus en recul sur la réalité du travail. Nous avons souhaité organiser une rencontre pour découvrir de l’intérieur, le fonctionnement de l’usine et surtout les conditions de travail (d’exploitation) des salariés. Nous avons cherché à entrer en contact avec les personnes connues et leurs organisations syndicales. Des emails ont permis la rencontre de délégués de la CGT et un paroissien a signalé une connaissance au sein de la CFTC. Deux petits films nous ont mis dans l’ambiance mais surtout l’expression des cinq salariés au cours de la soirée du 16 novembre, qui a rassemblé 80 personnes, a été très pédagogique. Dans un silence attentionné, ils ont parfaitement décrit l’organisation scientifique du travail au service de la rentabilité. Leur témoignage nous ont illustré comment leurs corps, leurs vie toute entière sont marqués par la chaîne, la course, le bruit, la chaleur, les chocs, la vie décalée, la soumission et la perte totale d’autonomie, etc.
Un membre avait souhaité que nous abordions la réflexion sur la justification économique de cette production automobile. Faut-il produire encore davantage de véhicules, polluants et encombrants nos villes ? Nous n’avons pas retenu cette idée pour cette première mobilisation. Ce n’est pas un sujet facile à aborder devant des salariés menacés de licenciement.

L’ACO n’est pas à proprement parler un mouvement d’action (la JOC se définit comme tel). Donc nous avons surtout sensibilisé dans nos rangs, nos paroisses et autour de nous. Grâce aux prêtres engagés avec la Mission ouvrière, nous avons appris que la paroisse Saint-Jean d’Aulnay accueillait des familles dont le père travaillait à l’usine et était déjà mobilisée sur ce conflit. Il nous paraissait important tout de même de nous unir à ce refus de la fermeture. Au printemps, puis à l’automne, nous avons relayé l’appel à manifester dans les rues d’Aulnay. Certains ont participé à ces manifs. Avec deux temps forts : la rencontre du 16 novembre et la distribution de notre déclaration aux portes de l’usine le 20 novembre.

Lorsqu’une fermeture d’usine est annoncée, on entend souvent cette réaction des salariés : « voilà 30 ans que je bosse ici et d’un coup on me jette, je ne suis plus rien ». Venir au-devant de ces travailleurs, c’est réaffirmer la place première de l’humain, bien avant l’argent. C’est dire que leur colère est nôtre, leurs souffrances nous marquent et que nous voulons nous unir pour donner une chance à l’espoir par la lutte. Ce "être avec" est toujours bien accueilli car il fait chaud au cœur, il est jugé sincère car nous formons un même peuple.
Foi dans la valeur inestimable de l’Homme (Un jeune travailleur vaut plus que tout l’or du monde), foi dans la solidarité ouvrière et espoir construit ensemble. Nous disons aussi notre foi en Dieu qui nous pousse à refuser ces mauvais choix et à bâtir un autre monde.
« Notre espérance prend source dans le message de Jésus-Christ qui a fait passer la justice avant l'ordre établi, l'Amour avant la loi. C’est pour cela que nous ne sommes pas désespérés… Nous croyons dans l’action des salariés de PSA avec leurs organisations syndicales. Cela fait bouger les projets des puissants. Cela contribue à construire un monde où la vie, le respect, la dignité des hommes et des femmes passent avant le profit. »
Vis-à-vis de la société : Nous avons tenté sans succès de communiquer notre initiative par la presse car nous croyons que l’opinion publique peut infléchir les choix des puissants. Et puis tant de personnes sont jetées au chômage ces derniers mois, sans avoir l’audience médiatique des PSA. Chacun est appelé à se manifester… C’est une façon de dire également que le message du Christ reste d’actualité et révolutionnaire, dérangeant. C’est le sens de la distribution de notre déclaration par les membres ACO sur le marché de Blanc-Mesnil.

Dans l’Eglise dont nous sommes : les chrétiens peuvent-ils assister sans réagir à toutes ces injustices, à cette répression. Nous sommes appelés à mettre nos actes en concordance avec l’Evangile et l’enseignement social de l’Eglise. Nous aurions souhaité une prise de position publique de notre évêque. D’autres évêques se sont rendus proches dans des conflits similaires comme le père Descubes à Pétroplus à Rouen.

Le service du frère est souvent présenté vers l’accompagnement de personnes en fragilité, tels les sans-abri, les Roms… C’est très incomplet à mes yeux. Je pense à ces délégués du personnel qui depuis des mois, bouleversent complètement leur vie pour se mettre au service des salariés. Le délégué CFTC qui est venu témoigner lors de notre soirée, s’était levé tôt le matin et logeait à plus de 100 km d’Aulnay. Il a tenu à venir participer. Ces personnes ont fait une croix sur leur reclassement, ils stagnent à des salaires de débutants, ils subissent la répression.
Assurer un mandat électif, syndical, politique, associatif c’est se mettre au service de ses frères le plus souvent, c’est donner beaucoup de soi, c’est impliquer sa famille dans des choix exigeants. Les salariés sont en fragilité car ils sont dans une compétition mondiale dont ils subissent les conséquences. Résister à l’accumulation de richesse, aux injustices, redonner place aux vraies relations, faire parler la vie, n’est-ce pas témoigner de l’amour à ses frères ?

L’ACO ne demande pas à tous les paroissiens de prendre leur carte syndicale. Mais tout d’abord de se mettre à l’écoute de cette réalité, de ces détresses. Accueillir les souffrances tout autant que les valeurs vécues, la solidarité, les initiatives qui témoignent de l’envie de vivre dignement. Les « chrétiens du dimanche » sont aussi des citoyens, des salariés parfois. Comment se situent-ils, quels choix font-ils lorsqu’ils sont sollicités aux élections professionnelles, politiques ? Comment cherchent-ils à favoriser la voie collective plutôt que les solutions individuelles ?
La pensée sociale de l’Eglise peut-elle donner matière à réflexion et à décisions (bien commun, destination universelle des biens, principe de solidarité… « Diffuser l’amour dans les rapports sociaux, dans les domaines économiques, politiques et culturels, dans tous les milieux et à tous les échelons d’une société est le premier engagement auquel la pensée sociale de l’Eglise invite les chrétiens. Animés par la foi et éclairés par la pensée sociale de l’Eglise, les chrétiens sèment donc dans les sillons de la civilisation un humanisme intégral, solidaire, ouvert à la présence de l’Esprit Saint qui conduit l’histoire des hommes. » Mgr Jean-Charles Descubes, archevêque de Rouen.

Pierre,
Action catholique ouvrière, Clichy-sous-Bois

Repères

Diaconia 2013

Site Internet
• Equipe Diaconia 93 : envoyer un courriel
• « Parole de Dieu, service du frère », hors-série Prions en Eglise
• « Célébrer, servir », hors-série Magnificat
• « La mystique du service », Christus, N° 237, 2013
• La force de la fraternité, Ed. Franciscaines, 2013
• « A l’écoute des pauvres », Christus, N° 234, 2012
• « Relier service des frères et parole de Dieu », Documentation catholique, N° 2487, 2012
• Diaconie et Parole, Ed. de l’Atelier, N° 530, 2011
• Le pari de la fraternité, de Guy Aurenche et François Soulage, Ed. de l’Atelier, 2012

Aller plus loin :

Doctrine sociale de l’Eglise
• Encyclique Deus caritas est (Dieu est amour), Benoît XVI - 2005
• Encyclique Caritas in veritate (L’amour dans la vérité), Benoît XVI - 2009