Funérailles de Mgr Olivier de Berranger, Évêque de Saint-Denis-en-France de 1996 à 2009 — Diocèse de Saint-Denis-en-France

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Funérailles de Mgr Olivier de Berranger, Évêque de Saint-Denis-en-France de 1996 à 2009

Homélie donnée par Mgr Eric Aumonier, Évêque de Versailles en la Basilique cathédrale Saint-Denis le 29 mai 2017.
Publié le 07/07/2017

Homélie donnée par Mgr Eric Aumonier, Évêque de Versailles
en la Basilique-Cathédrale Saint-Denis le 29 mai 2017

 

Ayant reçu la grâce d’un lien d’amitié avec Mgr Olivier de Berranger que notre ordination épiscopale a renforcé pendant le même mois d’octobre 1996, la demande de Mgr Pascal Delannoy, qui a souhaité que l’Évêque de Versailles donne l’homélie ce soir, m’impressionne et me touche. Puissé-je être un peu l’écho de notre prière à tous.

Olivier est mort en plein temps pascal, peu avant l’Ascension et la Pentecôte, quand l’Eglise se souvient des paroles du testament de Jésus (Jn 14, 1-6) « Je vais vous préparer une place, et quand je serai allé vous préparer une place, je reviendrai vous prendre avec moi, afin que là où je suis, vous soyez vous aussi. Et du lieu où je vais, vous connaissez le chemin… Je suis le chemin, la vérité et la vie ».

Olivier, habité par la vie, habité par l’eucharistie avec Jésus Christ, a combattu la maladie avec courage et lucidité en s’unissant à l’offrande de Jésus sur la croix partant nous préparer une demeure.

Il souhaitait que nous puissions nous retrouver dans la prière en exprimant surtout et d’abord notre espérance qui se ressource dans les paroles de Jésus, qu’il a su si bien illustrer tout au long de son parcours.

Les paroles de l’Écriture que nous venons d’entendre provoquent d’abord en nous l’action de grâces pour le don que Dieu nous a fait.

La simple évocation de l’itinéraire d’Olivier en dit déjà beaucoup en effet de la force de Dieu qui a façonné peu à peu un de ces successeurs des « apôtres, fondations de la construction spirituelle » dont le Christ est la « pierre d’angle ».

Olivier, 4ème de 9 enfants, est né en 1938 à Courbevoie. Après sa formation scolaire à Versailles, il rejoint le grand séminaire du Prado à Limonest (1957), puis le séminaire Français de Rome de 1959 à 1964. Il est ordonné prêtre pour le diocèse de Versailles (Seine-et-Oise) au Chesnay le 4 juillet 1964. Après quatre ans à Houilles au service de la JOC et de l’ACO, il est mis en 1968 à la disposition du Prado pour la formation des futurs prêtres du Prado jusqu’en 1976. C’est alors qu’à la demande du cardinal Kim, archevêque de Séoul, Mgr Louis Simonneaux l’envoie en Corée comme prêtre « fidei donum », de 1976 à 1993. À son retour en 1993, il est de nouveau chargé de la formation des prêtres du Prado, puis directeur national des Œuvres Pontificales Missionnaires et secrétaire général de la Commission épiscopale des missions à l’extérieur.

En 1996, il est nommé par Jean Paul II, Évêque de Saint-Denis-en-France, dont il sera le 3ème évêque.

Après la remise de sa charge en 2009, à 71 ans, il se retire à Lyon jusqu’en 2012 à la Guillotière, haut lieu de mémoire du Père Chevrier, avant d’accomplir le terme de son pèlerinage à Versailles, où il sera aumônier de la maison de retraite Saint-Louis, de 2013 à aujourd’hui. Il a profondément marqué les résidents par son attention constante et délicate. Jusqu’au bout, il a eu une pensée précise pour ceux auprès desquels il rayonnait la joie, malgré la maladie qui l’usait et le fatiguait.

Dès les débuts de sa formation, la découverte de Jésus pauvre rencontré dans les pauvres, l’amour pour le Verbe « qui n’a pas retenu pour lui d’être l’égal de Dieu » (cf. Phil 2), l’a poussé à vivre lui-même la pauvreté à cause de Jésus. « Pauvre comme lui dans la crèche, crucifié comme lui sur la croix, mangé comme lui dans l’eucharistie ». Cette découverte a été guidée par la figure et le ministère du bienheureux Antoine Chevrier, béatifié à Lyon par Jean Paul II en 1986, et par Mgr Alfred Ancel.

L’amour pour Jésus Christ, et donc l’amour que Jésus Christ donne pour ses frères, lui a fait vivre lui-même dans la joie la mission proche et la mission lointaine, et a donné à son ministère une vraie fécondité.

Cet amour faisait dire à l’apôtre Paul aux chrétiens venus du paganisme, c’est-à-dire à la plupart d’entre nous : « Vous n’êtes plus des étrangers ni des hôtes ; vous êtes concitoyens des saints, vous êtes de la maison (de la famille) de Dieu (…) Vous êtes intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu dans l’Esprit ». Autrefois « sans Christ, n’ayant ni espérance ni dieu en ce monde, voici qu’à présent, dans le Christ Jésus, vous qui jadis étiez loin, vous êtes devenus proches, grâce au sang du Christ » (Eph 2, 19.12-13). Paul évoque le mystère de la nouvelle humanité dont le Christ ressuscité est la tête et le modèle, qu’il voyait à travers ces visages dans les villes hellénisées, tout comme Olivier le voyait et y travaillait à son tour en Corée, où les chrétiens, après les persécutions et les martyrs du 19ème siècle, sont aujourd’hui en première ligne face aux défis de la paix en Orient.

Sa devise épiscopale : « Vous n’êtes plus des étrangers mais des frères », inspirée de cette même Épitre aux Éphésiens, exprime bien ce qui l’animait et qui sera au cœur de son ministère et de ses missions de prêtre et d’évêque d’abord en France, en Corée puis de nouveau en France.

Son amour pour Jésus lui donnait cette liberté et cette disponibilité à la mission, là où le besoin le plus pressant se faisait sentir, là où l’Eglise l’envoyait. L’amour pastoral lui a permis non seulement de supporter l’étrangeté, le lointain ou le nouveau, mais d’apprendre à aimer un peuple, de comprendre et de parler sa langue, ses mots et ses coutumes, de manger sa nourriture, de devenir coréen avec les coréens, comme le souligne le responsable du Prado en Corée.

« Pendant 17 ans, le Père Olivier de Berranger a vécu avec nous en Corée. Nous l’avons appelé par son nom coréen OH Woung-Jin qui signifie « vérité éternelle » (…) Au début de son premier séjour en Corée, il a obtenu par hasard ce nom : au cours de la visite d’une île de lépreux, un lépreux âgé lui a donné ce nom. À partir de cette rencontre, le Père Olivier a porté avec une grande fierté ce nom donné par ce pauvre malade méprisé de la société. Avec ce nouveau nom, il a accueilli une nouvelle vie en Corée. Il avait beaucoup de respect pour notre pays et notre Eglise. Il essayait sans cesse de comprendre notre culture. (…) Il y a quarante ans où il a commencé sa mission de fidei donum, il n’y avait qu’un pradosien que lui-même avait formé au séminaire du Prado en France. Maintenant, il y a plus de 150 prêtres dans notre Prado ».

Le Cardinal André Yeom Su-Jeung, archevêque de Séoul, le dit aussi : « pendant 17 ans comme pasteur et ami des ouvriers, il a aimé les croyants et les ouvriers coréens et il a avoué qu’il continuait à porter dans son cœur l’Eglise de Corée. Son compagnonnage avec les ouvriers dans une Corée qui vivait une période de grandes difficultés a été pour tous un immense réconfort ».

Pour donner à voir Jésus là où il est, là où il nous précède, L’Esprit fait entendre et comprendre au missionnaire de l’Évangile ce qu’il doit apprendre, sans se décourager ni se laisser abattre par la fatigue ou les épreuves, comme celle de la mort à 30 ans de son compagnon prêtre Lee Young Lou, comprise à la lumière de la parole de Jésus, « si le grain ne tombe et ne meurt, il reste seul ; s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12, 24)

Depuis la Corée, Olivier n’oubliait pas son pays, comme en témoigne cette confidence écrite depuis Séoul au Père Yves Renaud, tandis que Jean Paul II visitait la France et la cathédrale Saint-Denis pour la première fois le 31 mai 1980 : « Comment en pas entendre l’appel de Jean Paul II à renouveler l’énergie missionnaire de notre Eglise ? » (…) en étant loin, nous pensons sans cesse à l’Eglise qui nous a donné le jour, nous réjouissant dans l’espérance avec elle ou nous inquiétant de ses inquiétudes. (…) En découvrant avec des jeunes travailleurs une expression comme celle-ci, « toute idée de perdre la face mise à part, nous refuserons n’importe où de cacher notre dignité de fils de Dieu », je pensais au visage du Père Guérin, à l’espérance qu’un tel message représente encore pour tant de jeunes habitués à de toutes autres antiennes sous les cieux confucéens ».

Ouverte par l’amour, l’intelligence reçoit dans la foi ce que l’œil ne voit pas, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, et elle cherche à comprendre pour croire davantage.

L’intelligence d’Olivier était vive, et il cherchait à scruter en profondeur. Tout en étant simple et pédagogue, dans ses livres comme dans ses conversations, il ne réfléchissait pas à la mission en se situant en surplomb mais, plongé dans la mission, il cherchait à la vivre de façon toujours plus évangélique et plus catholique, plus vraie, nourrie par ses rencontres, et aussi par sa longue fréquentation de ces théologiens et témoins que furent Newman, de Lubac, ou encore Edith Stein.

Quand il a succédé à Mgr Guy De Roubaix, il était préparé sans le savoir à épouser le diocèse de Saint-Denis, ce « diocèse arc-en-ciel » comme il aimait à dire, en pleine mutation, constitué de fidèles provenant des quatre continents, dans un département marqué avec d’autres et sans doute plus que d’autres par les évolutions démographiques et celles de l’urbanisation de la métropole. Chaque Dimanche soir, il rencontrait ici les fidèles pour l’eucharistie ; proche des personnes les plus simples, il mettait à l’aise, et, ayant des convictions bien ancrées, il ne les imposait pas, respectait les opinions d’autrui, comme il savait respecter ce que l’autre croyait. Il savait faire confiance et confier des responsabilités. Et le presbyterium du diocèse, qui garde un grand souvenir de sa réunion à Lourdes pour les 40 ans du diocèse, saurait mieux que moi en témoigner.

Nous avons entendu l’apôtre Paul : « La construction que vous êtes a pour fondation les apôtres et prophètes et pour pierre d’angle le Christ Jésus lui-même. En lui, toute construction s’ajuste et grandit en un temple saint dans le Seigneur ; en lui, vous aussi, vous êtes intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu dans l’Esprit » (Eph 2, 21-22). Ce que votre ancien Évêque vous disait en sont comme un écho. Quelques-unes de ses formules le montrent bien…

Présentant l’orientation du premier synode de votre diocèse, au jour anniversaire de la Saint Denis, le 8 octobre 2000, Mgr de Berranger écrivait : « en ce tournant du 3ème millénaire, nous voici appelés à notre tour à donner notre vie, jour après jour, pour y laisser resplendir la gloire qui rayonne sur le visage du Christ » (cf. 2 Co 4, 6). Et cinq ans après : « Nous voulons une Eglise proche de tous dans ce département et pour cela, intimement unie à son Seigneur. Afin que cette Eglise remplisse sa mission, nous avons besoin d’équipes qui localement conduisent des projets précis et progressifs et encouragent la collaboration des baptisés. La recherche se poursuit sous la conduite de l’Esprit Saint, maître d’œuvre intérieur de la mission » (Chemins d’avenir pour notre Eglise en 2005)

Parlant de sa visite pastorale de 2002 à 2004, il remerciait tout spécialement « tous ceux qui croient en la jeunesse de chez nous et cherchent à lui faire la courte échelle afin qu’elle trouve sa place au soleil du monde et au soleil de Dieu ». Et pensant à tous ces jeunes confirmés avec qui il aimait à se retrouver, par exemple à Taizé, il ajoutait : « Nous croyons que l’Esprit Saint travaille au cœur de ces jeunes et que le fait pour eux d’être appelés « Christ » avec le Fils Bien Aimé par l’onction qu’ils ont reçue, ne peut rester sans fruits dans leur vie (…) Nous voulons leur offrir une nourriture solide et des éléments de discernement capables d’aimanter leur conscience par-delà tous les obstacles et les risques ordinaires de leur vie ».

Enfin, nous n’oublierons pas le courage évangélique qui fut le sien pour dire ce qu’il estimait juste de dire au nom de l’Évangile et en tant qu’évêque de tous.

Dans la continuité de la démarche de purification de la mémoire inaugurée par Jean Paul II, il lira à Drancy le 30 septembre 1997 la déclaration de repentance des évêques de France sur la Shoah à laquelle le Cardinal Lustiger et plusieurs d’entre nous étions présents. Sachant combien c’est la dignité humaine et l’humanité elle-même qui sont ici en jeu, il saura alerter sur l’antisémitisme latent et résurgent dans notre pays, et il cherchera à traduire par des relations d’amitié les liens fondamentaux qui lient juifs et chrétiens, et à en expliquer les raisons.

Devant la réalité des migrations, des demandeurs d’asile, et comme président de la Commission sociale de la CEF puis, comme président de la Commission épiscopale pour la mission universelle, il publiera plusieurs déclarations, dont en 2002 la déclaration « accueillir les demandeurs d’asile », puis la déclaration du lundi 1er octobre 2007 sur le projet de loi sur l’immigration. Dix ans après, la clarté du diagnostic et la force des propositions demeurent trop évidemment d’actualité.

Frères et sœurs,

La mémoire du sourire bienveillant d’Olivier me fait espérer qu’il me pardonne d’avoir peut-être trop parlé de lui et trop mal, même s’il s’agissait de montrer l’Évangile à l’œuvre dans sa vie.

Par la puissance de l’amour donnée par « l’Esprit Saint répandu dans nos cœurs », notre prière rejoint notre frère et notre père dans la communion des saints.

Il nous a montré le chemin vers le Père des cieux : que Celui-ci l’accueille avec son fils Jésus : que sa prière rejoigne la nôtre sur la route des hommes que Dieu aime !

« Que ton Nom soit célébré dans l’homme et dans la ville

Que la présence de ton Règne s’étende dans l’univers

Que ta volonté se réalise sur la terre en union et ressemblance

Avec son accomplissement dans le ciel [1] ».


 

[1] Transposition en français de la version chinoise du Notre Père, dans l’Évangile de Séoul à Saint-Denis, p. 97
 

Décès de Mgr Olivier de Berranger, évêque émérite de Saint-Denis-en-France
Communiqué, message aux diocésains, KTO - Emission « La vie des diocèses », animé par Etienne Loraillère (2007), bibliographie...
 


(c) E. Loraillère