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L'analyse de Claude Scheuble, cardiologue et diacre du diocèse

Les lois de bioéthique touchent au large éventail de la vie humaine et s’étendent jusqu’aux aspects les plus profonds et les plus sophistiqués de notre vie intime. Les débats très animés qu’elles suscitent sont directement liés aux progrès de la science et à l’évolution concomitante de la société. Ce sont des « avancées questionnables » qui nous sont présentées, à condition que ceux qui les promeuvent et ceux qui les reçoivent soient conscients des risques potentiels.

Devant des enjeux aussi majeurs, il est important que le citoyen cherche à s’informer, à se faire expliquer, qu’il ne renonce pas à son sens critique ni à son jugement, en l’abandonnant à « ceux qui savent ». La conscience du chrétien est de ne pas démissionner devant ces enjeux.

1. L’embryon humain

L’obtention d’embryons en excès dans les techniques de fécondation in vitro ont conduit les chercheurs à produire des lignées cellulaires pour la recherche médicale et la thérapeutique après que l’on s’est assuré de l’abandon de projet parental.
Or, à ce stade tout initial de la vie, les cellules de l’embryon ont une potentialité de développement très diversifiée. Elles peuvent élaborer des tissus de remplacement pour des organes défaillants, mais cela signifie la perte de l’embryon. La loi nouvelle propose d’assouplir les autorisations de recherche aujourd’hui très encadrées.

2. Le diagnostic prénatal

La découverte de pathologies graves in utero conduit souvent à une interruption de grossesse (IVG ou IMG). Cependant, les moyens actuels de dépistage sont peu sûrs et surtout dangereux pour le fœtus (nécessité d’une amniocentèse).
La loi proposerait désormais à toutes les femmes enceintes un nouveau test sanguin facilitant l’exactitude diagnostique et diminuant en partie les dangers d’une amniocentèse. Le risque majeur est d’aller vers une forme d’eugénisme qui consisterait à supprimer de fait les enfants déviants de la norme commune ; sans compter la pression économique induite sur les parents par la société ? Déjà, il existe des commissions pluriprofessionelles qui interviennent avant toute décision. Chacun devrait se poser la question en conscience : jusqu’où aller ? Si je deviens parent, que déciderai-je ?

3. La thérapie génique

Là est la véritable révolution biogénétique. On connaissait déjà les mécanismes (ARN / ADN) de reproduction cellulaire : somatiques et germinales. Une découverte récente a bouleversé pour toujours la biogénétique : la méthode Crisper-Kas91.
Sur la carte chromosomique d’un individu (analogue à un programme informatique) figurent toutes les informations ou presque qui le constituent. Cette nouvelle méthode est simple et peu coûteuse ; elle permet de modifier la « programmation chromosomique » en introduisant ou en supprimant (par action de « couper/coller ») une séquence différente ; et donc de changer les caractéristiques de telles ou telles protéines.
Là encore, ce peut être pour le bien : par exemple supprimer des séquences à l’origine de maladies graves (comme la maladie de Duchenne) ; mais ce peut être aussi vouloir modifier l’individu dans un but moins avouable ! L’enjeu est donc énorme : tout dépend de l’esprit qui effectue ces modifications, et du but poursuivi. De plus, si la manipulation porte sur les cellules de la reproduction, les modifications s’inscriront dans la descendance.

* * *

D’autres articles de la future nouvelle loi de bioéthique concernent les statuts sociaux, juridiques et moraux des nouvelles formes de la famille ; et ses répercussions sur la place de l’enfant au sein de ces nouveaux types de foyer. Nous sommes confrontés là aussi à une situation particulièrement
difficile que notre société occidentale n’a jamais connue ; d’où les questions posées par les couples
de femmes.

4. Faut-il ouvrir la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes ou aux femmes seules ?

La position négative prise par beaucoup (pas seulement catholiques) réside dans ce que l’enfant reçoit d’emblée un statut d’orphelin de père biologique ; et que cela conduit à créer dès la naissance un statut
inégalitaire et une diminution des chances.
Le point plus positif que propose la nouvelle loi est basé sur le fait que l’amour, dans un foyer de personnes de même sexe, peut être aussi fort que dans un foyer hétérosexuel ou monoparental ; comme le prouvent les études californiennes rétrospectives sur plusieurs années. Cependant, la question du développement affectif de l’enfant, en l’absence d’altérité parentale, reste posée. Tout dépend, une fois encore, de la bénévolance des parents (que le foyer soit homo-, hétéro- voire monoparental) qui appellent ces enfants à la vie, et de leur capacité à leur assurer « l’éminente dignité de la personne »2.
La même question se pose pour la PMA des femmes seules.

5. Quel statut, quelle filiation pour l’enfant ainsi conçu et élevé dans ces familles ?

La rupture juridique du lien de filiation traditionnel est aussi un point des plus délicats. Dès que la loi accepte que soient établies de nouvelles modalités de faire famille, le lien de filiation biologique se trouve rompu. Des artifices sont alors nécessaires pour rendre compatibles deux modalités qui ne le sont pas (liens de famille traditionnels versus nouvel ordre familial). Ainsi dans l’embarras, la loi propose plusieurs options peu satisfaisantes : la reconnaissance d’une mère biologique, d’une mère d’intention ou encore la reconnaissance conjointe basée sur le modèle de l’adoption. à cet embarras s’ajoute pour l’enfant le droit à la connaissance de ses origines.

6. L’assistance médicale à la procréation (AMP)

La prise en charge financière de la PMA dans les circonstances où il n’y a pas de maladie organique en cause doit-elle être assumée par la société ?
Si l’on doit traiter à égalité les couples homosexuels et hétérosexuels (la loi prenant en compte les évolutions de la société), on doit alors reconnaître que la souffrance psychologique induite par l’absence de progéniture est de même nature dans les deux situations ; l’absence ressentie est souvent très importante et peut conduire à une véritable maladie psychique voire psychiatrique des personnes, ou encore à une séparation du couple. Pour que l’argent ne soit pas le mode de sélection, la loi propose la même prise en charge quelle que soit celui/celle/ceux qui portent le projet de faire venir un enfant au monde3.

Claude Scheuble,
cardiologue, diacre du diocèse de Saint-Denis

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1 cliquez ici pour comprendre le fonctionnement de cette méthode.
2 Maritain J., La personne et le bien commun, Ad Solem, 2017.
3 Le « droit à l’enfant » qu’objectiverait l’accession à la PMA ne doit jamais faire oublier les « droits de l’enfant »,
reconnu comme « personne » par la Commission internationale des droits de l’enfant (CIDE).