Homélie du dimanche 15 mars : "Refaire alliance avec Dieu... mais comment ?" — Paroisses de Montreuil

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Homélie du dimanche 15 mars : "Refaire alliance avec Dieu... mais comment ?"

En l'absence de messes dominicales célébrées devant l'assemblée paroissiale (en application des mesures prises par notre Evêque contre le COVID-19), voici l'homélie prévue pour le 15 mars, 3ème Dimanche de Carême. Elle a été préparée par le diacre Jean Pelloux-Prayer. Les lectures de la messe sont consultables chaque jour sur le site : aelf.org. N'hésitez pas à vous y référer quotidiennement.
Publié le 14/03/2020

Retrouvez les lectures du dimanche...

3e dimanche de Carême
Evangile de Jean 4, 5-42
la Samaritaine
       www.aelf.org

 

Le temps du Carême est temps de conversion, nous dit-on, le temps de se tourner de nouveau vers Dieu après s’en être détourné par le péché. Oui, mais comment ? Se tourner, mais vers où ? « Où est-il, ton Dieu ? » nous questionnent à juste titre les athées ou les agnostiques - ce qui fait beaucoup de gens dans notre pays aujourd’hui.


Chacun à leur manière, les passages du livre de l’Exode et de l’Evangile selon St Jean, que l’Eglise nous invite à méditer aujourd’hui, évoquent cette question. Chacun à leur manière mais autour d’une même thématique, celle de l’eau.
L’eau est sans nul doute l’aliment le plus indispensable, et sans elle la mort est rapide comme le font remarquer les Hébreux à Moïse. Aller puiser de l’eau est donc une tâche quotidienne pour la Samaritaine. Avec l’eau, ni arguties ni baratin ne tiennent : on en a ou on n’en a pas. Et si l’on n’en a pas, on meurt.
Si l’eau donne la vie, elle se retrouve dans la conscience humaine en concurrence avec Dieu. Voilà l’épreuve à laquelle sont confrontés Moïse et Jésus : comment parler de Dieu, faire alliance avec Lui quand l’eau manque ? Moïse, l’homme charismatique, l’homme qui guide les Hébreux avec une autorité qui vient de Dieu, redoute néanmoins de se faire lapider s’il ne leur procure pas de l’eau de toute urgence. A travers lui, c’est Dieu qui est mis à l’épreuve comme le dit le nom choisi par Moïse pour ce lieu : Massa et Mériba, Epreuve et Querelle. Quant à Jésus qui tente de faire sentir à la Samaritaine la proximité de Dieu à partir de la symbolique de l’eau, il se heurte à une ironie moqueuse de la part de la femme : « Tu veux me donner de l’eau vive ? Où est-elle ? Comment tu la puises ? Je n’aurais plus jamais soif  avec ton eau ? Et bien chiche ! Vas-y ! Donne-m’en pour m’épargner cette corvée du puisage... » Comment Dieu va-t-il à chaque fois se sortir de ce mauvais pas ?


D’une manière différente dans les deux cas. Avec les Hébreux, Dieu cède. Il sait bien que son peuple ne peut pas survivre sans eau dans le désert. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’Il cède. Devant le reproche des Hébreux de ne plus pouvoir manger de la viande comme ils pouvaient le faire en Egypte, Il avait envoyé des cailles tomber littéralement du ciel ; devant leur reproche de ne pas pouvoir manger de pain, Il leur avait envoyé la manne ; aujourd’hui, Il leur trouve de l’eau. Ce que Dieu espère, c’est que les Hébreux reconnaîtront sa toute puissance : Il est encore plus fort que l’eau qui donne la vie, puisque c’est Lui qui donne l’eau et non l’eau qui donne Dieu. Mais il y a un risque : que les Hébreux s’en tiennent à ce qu’ils mangent, ce qu’ils boivent, ce qu’ils voient. Et que Dieu se trouve ravalé au rang de serviteur à qui l’on donne des ordres : apporte la viande, le pain et l’eau ! Ce risque est loin d’être nul pour ces Hébreux qui avaient l’habitude de se laisser guider par Moïse et, au-delà de lui, par Dieu dans sa nuée. Lorsque Moïse disparaîtra plusieurs jours dans la montagne, ils n’hésiteront pas à demander à Aaron de fabriquer un veau d’or pour les conduire : « Fais-nous un dieu qui aille devant nous, car ce Moïse, l’homme qui nous a fait monter du pays d’Egypte, nous ne savons pas ce qui lui est arrivé». Entre Dieu et les hommes, les rapports sont alors renversés : ce sont les hommes qui créent le dieu et non plus Dieu qui crée les hommes. Voilà ce qui se produit quand on ne voit pas plus loin que la matière, quand on ne croit que ce qu’on voit, quand on est incapable de discerner le donateur derrière l’offrande !
Jésus connaît bien le livre de l’Exode. Jésus, on l’a entendu il y a deux semaines, a repoussé dans le désert la première tentation en ces termes : « l’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ». Jésus sait que la Samaritaine doit à son tour faire ce saut entre le monde matériel, si attachant, dans tous les sens du terme, mais qui ne renvoie à son Créateur que dans le meilleur des cas, et le monde réel où Dieu est présent, tout proche en vérité. Mais comment faire ce saut ?


En sautant du coq à l’âne, sans crier gare. Jésus abandonne brusquement le thème de l’eau et jette la parole au coeur de la femme : « appelle ton mari ». Voici la femme invitée fermement à sortir du monde sensible, où les yeux ne voient pas Dieu car nul ne peut voir Dieu sans mourir, où les oreilles n’entendent pas Dieu, car Il n’est ni dans le tonnerre ni dans la tempête mais dans une brise imperceptible, un presque rien inaudible, où l’odorat ne sert à rien car Dieu n’a pas d’odeur, où le toucher est impossible car Dieu est esprit, où Dieu ne se goûte pas, ne s’ingère pas, ne s’assimile pas, car nul ne peut se l’approprier. Mais Dieu est à portée d’une parole, respectueuse, sincère, qui creuse au fond de l’intime, qui s’incline devant la vérité. En portant le débat au coeur de la vie conjugale de la femme, Jésus a visé juste : aucune parole de trop, mais une parole précise, concise, qui dévoile le sens de la vie de cette femme : « il m’a dit tout ce que j’ai fait. »


Il faudra enfoncer le clou avec la question de la Samaritaine sur le lieu où il faut adorer Dieu. Car elle ne voit là aussi que le choix entre deux lieux de culte bien matériels, le temple de Jérusalem ou la montagne de Samarie. Jésus dépasse cette alternative pour nous remettre en face du seul qui compte, Dieu lui-même. Ce n’est donc ni à Jérusalem, ni sur la montagne, ni dans une église quelconque de Montreuil d’où le culte a provisoirement déserté pour cause de coronavirus, que l’on doit adorer Dieu. Mais, nous dit Jésus, « l’heure vient - et c’est maintenant - où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité ». Face à Dieu, dans le dépouillement d’un dialogue vrai, nous pouvons de nouveau faire alliance avec Lui.