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La pandémie de Covid-19 – et le confinement qui a suivi – nous invite à revoir nos priorités, nos modes de vie et de relations. Brutalement, nous nous découvrons fragiles, démunis, inégaux et interdépendants.
Fragiles parce que cette maladie contagieuse, peut provoquer la mort et atteint les personnes de tous les milieux. Nous ne sommes pas à l’abri comme nous pensons l’être souvent. Fragiles parce que l’effondrement probable de secteurs entiers de l’économie menace notre réussite sociale et remet en question des initiatives et des entreprises sur lesquelles nous avons fondé une partie de notre existence. Fragiles parce que cette situation déclenche des comportements irrationnels de défiance, de violence, de racisme. Cette vulnérabilité, que notre identité socio-culturelle se plaît souvent à nier ou à cacher, nous saute à la figure.
Démunis, parce que la science toute puissante est aujourd’hui incapable de répondre à toutes les questions que nous nous posons. Nous ne pouvons plus faire de projets à court et moyen terme, l’avenir est incertain. La nouveauté de la situation et l’absence de solutions claires remettent en cause l’assurance des responsables politiques ou économiques. La pandémie souligne les limites du pouvoir que chacun croit détenir et nous appelle à l’humilité.
Inégaux parce que le confinement et l’épidémie mettent en lumière des inégalités en matière de logement, de précarité professionnelle et d’isolement dont nous n’avions pas conscience ou que nous préférions dissimuler Nous « redécouvrons » des métiers indispensables pourtant économiquement et socialement dévalués. La crise fragilise les plus vulnérables, jeunes sans moyens financiers, victimes de violences familiales, personnes en situation de handicap ou psychologiquement fragiles, personnes détenues.
Interdépendants car nous mesurons par les médias et les réseaux sociaux que les situations existant à des milliers de kilomètres nous impactent. Ces flux d’informations développent une conscience internationale des enjeux auxquels l’humanité fait face.
La pandémie dévoile la réalité de notre condition humaine et interroge notre rapport à la vie, à la mort, au deuil. Elle nous rappelle le caractère souvent privilégié de notre situation sociale. Elle met en tension deux parts de nous-mêmes, celle qui accorde à la vie humaine une valeur absolue et veut que tous les moyens soient pris pour la préserver, et celle qui porte le souci de l’activité économique sur laquelle sont fondés plusieurs biens communs comme la protection sociale, l’éducation et même le système de santé.
Ce dévoilement questionne notre surconsommation et le mirage du transhumanisme. Il est une chance pour remettre en cause les fonctionnements de nos sociétés, un passage obligé si nous voulons que cette épreuve conduise à un progrès social et humain. Pour nous chrétiens qui avons vécu ce confinement durant le temps pascal, la passion et la résurrection du Christ nous appellent à ne pas baisser les bras mais à repérer les conversions à vivre, personnellement et collectivement, les voies à emprunter pour bâtir un monde plus juste et plus fraternel.
Au coeur de cette crise, nous repérons déjà ces chemins de vie empruntés par des femmes et des hommes dans nos environnements sociaux, croyants ou non, mais animés d’une force de vie dans laquelle nous reconnaissons l’Esprit du Christ.
Durant le confinement, une de nos priorités, facilitée par les outils numériques, a été de rester en relation avec nos proches et de poursuivre nos activités professionnelles, quand nous le pouvions. L’engagement des soignants, le dévouement de nombreux enseignants et les risques pris par des salariés appartenant à d’autres métiers ont forcé notre admiration. Des échanges virtuels à travers le monde nous ont fait prendre conscience des enjeux internationaux auxquels l’humanité doit faire face. Les multiples actions de solidarité sont autant d’appels à susciter un monde nouveau.
En soulignant ces chemins de vie, nous n’ignorons pas les comportements négatifs que la période peut provoquer et les situations de grande souffrance des personnes vivant dans l’isolement ou en situation de précarité et de perte d’emploi ou d’activité. Malgré cela, nous affirmons que le Royaume de Dieu n’est pas qu’une promesse pour l’au-delà, il est déjà en train de se réaliser. Le monde nouveau auquel nous aspirons ne surgira pas d’un effondrement total ou d’une intervention surnaturelle qui viendrait tout résoudre à notre place. Il nous appartient, dans le cadre des responsabilités qui sont les nôtres, de contribuer à le faire advenir et de témoigner ainsi de cette Bonne Nouvelle.
À la manière des premiers apôtres que le Christ ressuscité attend en Galilée, nous sommes appelés à nous mettre en route pour rejoindre ceux qui se questionnent sur les choix de société et ceux qui travaillent dès à présent à l’avènement d’un monde nouveau :
- Ceux qui, au sein de l’Union européenne, cherchent à articuler les dimensions économiques, écologiques et d’inclusion sociale dans la relance des activités et dans le choix des investissements nécessaires au redémarrage.
- Ceux qui travaillent au renforcement des biens communs que sont notamment la santé, l’éducation et la culture ; ceux qui agissent localement pour développer des solidarités concrètes, et plus globalement pour que les choix budgétaires et fiscaux donnent à tous accès à ces biens communs et contribuent à la réduction des inégalités.
- Ceux qui participent à faire évoluer nos modes de consommation en matière alimentaire, vestimentaire, de loisirs, de voyages.
- Ceux qui favorisent un exercice du pouvoir plus humble, dans un esprit de service envers les plus démunis et avec la volonté de s’attaquer à la réduction des inégalités, facteur de désordre et de désunion. Dans le monde qui vient, la recherche du Bien commun doit passer par une valorisation de la responsabilité individuelle de tous, dans le respect des libertés publiques et de l’État de droit.
- Ceux qui mobilisent les outils numériques et n’oublient pas que notre humanité est aussi faite de rencontres physiques et de relations charnelles.
Cette pandémie accélère l’histoire en développant une conscience commune des enjeux auxquels l’humanité fait face. Elle nous offre l’opportunité de favoriser l’émergence d’une communauté humaine mondiale, incarnée dans des corps, des histoires et des cultures diverses. C’est un signe d’espoir essentiel pour l’avenir et le monde qui vient. Pour nous chrétiens, cet espoir s’enracine dans notre foi au Christ ressuscité et la promesse que la Vie a vaincu définitivement la mort.
Le comité national de l’ACI
Le 11 mai 2020