L’aumône pour changer le monde ?
Une pratique dépassée ?
Chaque année le carême nous invite à pratiquer l’aumône ! Je sais que ce mot, qui désigne le don charitable fait à un pauvre, peut vous paraître un peu vieillot, voire désuet, mais c’est pourtant celui que saint Matthieu utilise dans le passage de l’évangile (6, 1-18) que nous écoutons au début de chaque carême, le Mercredi des Cendres. Aujourd’hui nous préférons employer les mots de partage et de solidarité mais le sens reste bien le même : il s’agit d’aider des personnes ou des peuples qui connaissent des situations de pauvreté. Il s’agit d’aider, précise encore saint Matthieu, sans en tirer la moindre gloire aux yeux des hommes : « que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite ». Il s’agit d’aider, pourrions-nous ajouter aujourd’hui, sans rien attendre en retour pour nous, nos proches ou notre pays. Dans l’aide apportée doit s’exprimer la gratuité de l’amour !
Les causes de la pauvreté
Venir en aide aux pauvres, qu’il s’agisse de personnes ou de nations, ne peut nous dispenser de nous interroger sur les causes de la pauvreté. Le pape François s’y emploie dans sa dernière encyclique Tous frères. Entre autres choses, le pape y relève notre insensibilité à toute forme de gaspillage, notamment le gaspillage alimentaire (§ 18). Il s’inquiète de la réduction des coûts du travail qui devient une véritable obsession et provoque chômage et pauvreté (§ 20). Il dénonce les effets d’une mondialisation qui augmente les richesses mais aussi les inégalités (§ 21). La crise actuelle, que nous vivons depuis un an, vient confirmer, s’il en était besoin, ces propos du pape. Elle met en relief les maladies de notre monde qui ne se réduisent pas aux multiples déclinaisons de la Covid.
Un geste qui nous engage
Avec le pape François nous comprenons que faire l’aumône, ce don charitable, ce n’est pas seulement apporter une aide passagère qui ne nous engagerait que l’espace d’un moment ! Faire l’aumône c’est exprimer le monde que nous souhaitons, non pour quelques-uns, mais pour tous ! Un monde, comme le souligne encore le pape François, où « l’égale dignité de tous les êtres humains soit véritablement reconnue, respectée, protégée et promue en toute circonstance » (§ 22). Alors, en ce temps de carême n’hésitons pas : pour changer le monde pratiquons l’aumône !
+ Pascal Delannoy
Evêque de Saint-Denis en France