Un autre regard…
Handicap ! Ce mot fait peur. Il laisse supposer un amoindrissement des facultés physiques ou mentales, parfois temporaires, parfois pour la vie.
Curieux paradoxe de notre société : depuis plusieurs années nous avons développé tout ce qui permet la participation des personnes handicapées physiques à la vie publique. Les transports ou l’accès à l’emploi n’en sont que quelques exemples. Dans le même temps, oserais-je écrire de manière parallèle, le diagnostic prénatal conduit de plus en plus à refuser la vie à ceux qui naîtraient avec un handicap. L’on se souvient ici de l’émotion provoquée par l’arrêt, dit "arrêt Perruche", prononcé le 17 novembre 2000 par la Cour de cassation et qui reconnaissait le droit à une personne handicapée d’être dédommagé du fait même de sa naissance. Le législateur a fort heureusement rappelé dans un texte de loi voté en 2002 que le fait de naître ne pouvait jamais être considéré comme un préjudice ouvrant droit à réparations.
J’entends parfois dire que naître avec un handicap mental, voire physique, ne peut être un chemin de bonheur : une manière de dire que certaines vies mériteraient d’être vécues et d’autres non. Il suffit de lire les livres de Jean Vannier, fondateur de la communauté de « l’Arche » en 1964, puis avec Marie-Hélène Mathieu, des communautés « Foi et Lumière » en 1971, pour réaliser combien ces affirmations sont inexactes ! Pour vous en convaincre définitivement n’hésitez pas à participer à l’un ou l’autre des rassemblements de ces communautés qui, croyez-moi, n’engendrent pas la mélancolie.
Prenons le temps de nous poser la question : que deviendrait une société qui, au nom de la perfection ou d’une certaine idée du bonheur, refuserait d’accueillir le plus faible ou celui qui est différent ? Elle perdrait l’essentiel, cet essentiel que ces parents résumaient en quelques mots : « Notre fils handicapé nous rappelle ce que veut dire aimer ! ».
Pour conclure permettez-moi de citer le catéchisme pour adultes des Évêques de France (§ 584) : « Notre société, axée sur l’épanouissement et la réussite, marginalise souvent les personnes très âgées et les personnes handicapées. Le respect inconditionnel demandé à leur égard par l’Église au nom de Dieu Créateur et Père de tous est non seulement un signe évangélique, mais aussi une sauvegarde capitale pour l’homme. Tous ceux qui, chrétiens ou non, consacrent leur vie, souvent héroïquement, au service de leurs frères marqués par toutes formes de handicaps, sauvent l’avenir de nos sociétés menacées de déshumanisation. Il faut non seulement les aider, mais leur donner la place et les responsabilités qu’ils peuvent exercer ».
+ Pascal Delannoy,
Evêque de Saint-Denis-en-France