La fraternité : de l’utopie à la réalité !
En visite pastorale dans les cités, je découvre les difficultés qui marquent ces territoires, mais aussi tous les lieux de fraternité qui y sont présents. Tout récemment encore, je rencontrais des femmes heureuses de se retrouver une fois par semaine pour « expérimenter » une recette de cuisine amenée par l’une d’entre elles !
Fraternité, un mot qui nous fait rêver quand nous regardons les définitions qu’en propose le dictionnaire : 1- Lien de parenté entre frères et soeurs ; 2- Lien de solidarité et d’amitié entre des êtres humains, entre les membres d’une société (d’après Le Petit Larousse).
La première définition apparaît la plus objective. Elle évoque un lien de parenté, qui demeure même si les frères et soeurs ne se voient plus durant de nombreuses années.
Quant à la deuxième définition, elle peut nous paraître bien utopique au regard de ce que nous vivons aujourd’hui. Des liens de solidarité et d’amitié peuvent-ils encore se tisser de manière durable dans une société marquée par des violences qui engendrent une peur de l’autre ?
Chrétiens, nous sommes concernés par la double définition du dictionnaire. Le baptême que nous avons reçu crée entre nous un lien de parenté : par l’Esprit nous sommes devenus frères du Fils et fils adoptifs du Père.
Ainsi donc la fraternité qui devrait toujours caractériser les communautés chrétiennes n’est pas qu’une affaire de sentiments : elle est inhérente à notre baptême. Nous ne choisissons donc pas nos frères, ils nous sont offerts au moment du baptême qui nous fait entrer dans la fraternité de l’Église universelle. Baptisés, nous savons aussi que l’Évangile nous appelle à vivre des liens de solidarité et d’amitié au-delà des communautés ecclésiales. La fraternité devient alors ouverture à ceux et celles que nous rencontrons jour après jour et avec lesquels nous tissons, parfois avec beaucoup de patience et malgré les désillusions, des liens d’amitié.
Pour que la fraternité ne soit pas qu’une utopie, il me paraît utile de rappeler quelques évidences :
- Il n’y a pas de fraternité qui ne soit guidée par la recherche du bien commun. La recherche d’intérêts égoïstes, qu’il s’agisse des individus ou des nations, ne conduit jamais à la fraternité mais toujours à la violence qui s’exprime dans les guerres ou le terrorisme !
- La fraternité n’est pas l’obtention d’un consensus mou. En permettant l’expression d’opinions divergentes, la fraternité est aussi recherche de la vérité là où voudraient s’imposer les idéologies et les préjugés. Quand la fraternité devient un « ventre mou », il est urgent de faire fonctionner les abdominaux de la pensée et de la raison.
- Pour nous croyants, il n’y pas de fraternité sans pardon et sans eucharistie. Le pardon, car il permet à la fraternité de ne pas s’échouer sur les récifs des blessures et des déceptions. L’eucharistie, car « l’union avec le Christ est en même temps union avec tous ceux auxquels il se donne » (Deus Caritas Est §14).
Et nos familles ? J’espère que la lecture de ce numéro des Uns et des autres nous permettra de découvrir qu’elles sont aussi des lieux de fraternité !
+ Pascal Delannoy,
Evêque de Saint-Denis-en-France